Films vus (tous supports) 2022
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Re: Films vus (tous supports) 2022
Moi aussi j’ai regardé pas mal de mes films d’enfance avec mon fils quand il était plus jeune. Maintenant, a 16 ans, il a d’autres goût et c’est plus compliqué de trouver des films à regarder ensemble.
« The secret life of Walter Mitty » est un film récent que j’affectionne particulièrement. Je pense qu’il est entré dans la catégorie des films que je peux revoir plusieurs fois sans perdre cette fameuse magie dont on parlait. Ben Stiller à cette âme d’enfant qui fait que les films qu’il réalise pourraient bien devenir culte pour certains.
« The secret life of Walter Mitty » est un film récent que j’affectionne particulièrement. Je pense qu’il est entré dans la catégorie des films que je peux revoir plusieurs fois sans perdre cette fameuse magie dont on parlait. Ben Stiller à cette âme d’enfant qui fait que les films qu’il réalise pourraient bien devenir culte pour certains.
kalcidian- —Couteau Suisse des arts — Disciple des mystères mystérieux
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Re: Films vus (tous supports) 2022
Hier soir, je me suis maté Suspiria, d'un certain réalisateur italien.
Je n'ai jamais été spécialement fan de giallo et je dois avouer que même si j'ai apprécié les quelques films vus du bonhomme jusque-là, il y a aussi plusieurs points qui m'ont toujours un peu refroidi. Et là pareil, mêmes qualités et même défauts.
Commençons donc par ce qui fâche : alors oui, Dario Argento a toujours su s'entourer d'actrices à la plastique avantageuse et c'est ici encore une fois le cas... sauf que. Ben la plupart du temps, ça joue quand même un peu avec les pieds. Et là ça m'a vraiment "choqué", tant certains passages sont à la limite de l'amateurisme, peu aidé par un script (je parle surtout ici des dialogues) assez inepte, rendant certains passages plutôt longuets voire gênants. Le scénario n'est pas foufou non plus, simple prétexte pour enchaîner les montées de tension (assez puissantes ceci dit) et les scènes de meurtres, heureusement bien plus réussies.
Ce qui m'amène aux points positifs (et il y en a, fort heureusement ! ) : Déjà, esthétiquement, c'est tout simplement splendide, que ce soit l'architecture des lieux (à la fois post-moderne, baroque et inquiétante), la mise en scène pure ou la photographie, c'est un véritable plaisir de tous les instants pour la rétine. D'autant plus que j'ai pu voir une version 4k restaurée réellement sublime, écrasant au passage beaucoup de réalisations contemporaines. Travail appuyé sur les éclairages, eux aussi somptueux, participant à conférant à l'ensemble une atmosphère surréaliste, à mi-chemin entre le conte surréaliste et le cauchemar, certains tableaux confinent réellement au génie et méritent de figurer au panthéon du film d'angoisse. Atmosphère renforcée encore par la partition des fidèles Goblin, ici en grande forme et qui composent une toile fascinante aux images du réalisateur, souvent envoutante et lancinante, parfois plus entraînante ou par moments bien flippante (aidée par un très bon travail sur le son, en général), elle est ici indissociable de la mise en images et l'ensemble est encore une fois de toute beauté.
Quant aux scènes de meurtres, elles sont très graphiques et impressionnantes, souvent à la limite de la perversité, on sent que le cinéaste s'est fait plaisir en imaginant celles-ci et ça fonctionne très bien (ne seraient-ce ces effusions de sang rouge pétant, limite fluo, qui me font toujours aussi bizarre, mais qui participent aussi au sentiment fantasmagorique du métrage, presque irréel).
Bref, dans l'ensemble ça reste quand même de (très) haut niveau, malgré les quelques bémols soulevés ici et là, mais encore une fois le côté Giallo me parle un peu moins que l'horreur/fantastique habituel et je ne suis pas sûr de vouloir me taper le reste de la filmo du rital. Mais après avoir ce film, je comprends mieux son statut culte et je dois avouer avoir passé un très bon moment.
J'avais vu Inferno il y a un bon paquet d'années, peut-être un jour me laisserais-je tenter par le 3e opus de cette trilogie des sorcières... One day, maybe.
Je n'ai jamais été spécialement fan de giallo et je dois avouer que même si j'ai apprécié les quelques films vus du bonhomme jusque-là, il y a aussi plusieurs points qui m'ont toujours un peu refroidi. Et là pareil, mêmes qualités et même défauts.
Commençons donc par ce qui fâche : alors oui, Dario Argento a toujours su s'entourer d'actrices à la plastique avantageuse et c'est ici encore une fois le cas... sauf que. Ben la plupart du temps, ça joue quand même un peu avec les pieds. Et là ça m'a vraiment "choqué", tant certains passages sont à la limite de l'amateurisme, peu aidé par un script (je parle surtout ici des dialogues) assez inepte, rendant certains passages plutôt longuets voire gênants. Le scénario n'est pas foufou non plus, simple prétexte pour enchaîner les montées de tension (assez puissantes ceci dit) et les scènes de meurtres, heureusement bien plus réussies.
Ce qui m'amène aux points positifs (et il y en a, fort heureusement ! ) : Déjà, esthétiquement, c'est tout simplement splendide, que ce soit l'architecture des lieux (à la fois post-moderne, baroque et inquiétante), la mise en scène pure ou la photographie, c'est un véritable plaisir de tous les instants pour la rétine. D'autant plus que j'ai pu voir une version 4k restaurée réellement sublime, écrasant au passage beaucoup de réalisations contemporaines. Travail appuyé sur les éclairages, eux aussi somptueux, participant à conférant à l'ensemble une atmosphère surréaliste, à mi-chemin entre le conte surréaliste et le cauchemar, certains tableaux confinent réellement au génie et méritent de figurer au panthéon du film d'angoisse. Atmosphère renforcée encore par la partition des fidèles Goblin, ici en grande forme et qui composent une toile fascinante aux images du réalisateur, souvent envoutante et lancinante, parfois plus entraînante ou par moments bien flippante (aidée par un très bon travail sur le son, en général), elle est ici indissociable de la mise en images et l'ensemble est encore une fois de toute beauté.
Quant aux scènes de meurtres, elles sont très graphiques et impressionnantes, souvent à la limite de la perversité, on sent que le cinéaste s'est fait plaisir en imaginant celles-ci et ça fonctionne très bien (ne seraient-ce ces effusions de sang rouge pétant, limite fluo, qui me font toujours aussi bizarre, mais qui participent aussi au sentiment fantasmagorique du métrage, presque irréel).
Bref, dans l'ensemble ça reste quand même de (très) haut niveau, malgré les quelques bémols soulevés ici et là, mais encore une fois le côté Giallo me parle un peu moins que l'horreur/fantastique habituel et je ne suis pas sûr de vouloir me taper le reste de la filmo du rital. Mais après avoir ce film, je comprends mieux son statut culte et je dois avouer avoir passé un très bon moment.
J'avais vu Inferno il y a un bon paquet d'années, peut-être un jour me laisserais-je tenter par le 3e opus de cette trilogie des sorcières... One day, maybe.
Tak- Mélomane des Ondes Noires
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Re: Films vus (tous supports) 2022
Suspiria et Inferno ne sont pas des gialli mais des films d'horreur ! Sauf peut-être pour les meurtres qui font penser aux meurtres de gialli.
Ces deux films tiennent sur un scénario réduit à pas grand chose, tout étant dans les images aussi folles que superbes. La musique de Goblin y est ausi pour beaucoup, en effet, dans le premier (je crois que ce n'est pas eux dans le second). En ça on peux penser à Jean Rollin.
Moi non plus je ne suis pas un grand fana d'Argento je dois dire, mais je te conseille Profondo Rosso (Les Frissons de l'Angoisse) qui lui, est clairement un giallo (avec un petit côté fantastique par l'introduction d'une médium), mais que j'adore et avec aussi une musique complétement envoutante des Goblin.
Ces deux films tiennent sur un scénario réduit à pas grand chose, tout étant dans les images aussi folles que superbes. La musique de Goblin y est ausi pour beaucoup, en effet, dans le premier (je crois que ce n'est pas eux dans le second). En ça on peux penser à Jean Rollin.
Ben oui, je ne sais pas si tu as déjà vu des Rollin, mais c'est exactement la même constatation : belles actrices mais complétement amatrices, qui ânonnent un scénario particulièrement insipide mais la magie vient de l'image et de l'ambiance avec une certaine importance de la musique.Dario Argento a toujours su s'entourer d'actrices à la plastique avantageuse et c'est ici encore une fois le cas... sauf que. Ben la plupart du temps, ça joue quand même un peu avec les pieds. Et là ça m'a vraiment "choqué", tant certains passages sont à la limite de l'amateurisme, peu aidé par un script (je parle surtout ici des dialogues) assez inepte, rendant certains passages plutôt longuets voire gênants.
Ho non, laisse tomber ! La Terza Madre est une vraie merde : on y retrouve plus l'esthétique des deux premiers mais une surenchère de gore qui en devient presque ridicule tellement elle est forcée ! Le seul intérêt est qu'elle développe un peu plus la mythologie des trois Mères.peut-être un jour me laisserais-je tenter par le 3e opus de cette trilogie des sorcières... One day, maybe.
Moi non plus je ne suis pas un grand fana d'Argento je dois dire, mais je te conseille Profondo Rosso (Les Frissons de l'Angoisse) qui lui, est clairement un giallo (avec un petit côté fantastique par l'introduction d'une médium), mais que j'adore et avec aussi une musique complétement envoutante des Goblin.
Re: Films vus (tous supports) 2022
Je croyais que les Trois Mères étaient une invention d'Argento, mais je les ai trouvées mentionnées chez Baudelaire dans Les Paradis Artificiels, dans la partie consacrée à Thomas de Quincey ("Un Mangeur d'Opium"). Je ne sais pas très bien s'il cite de Quincey ou si le passage est de lui :
(Extrait de Visions d'Oxford, un chapitre d'Un mangeur d'opium", dans Les Paradis Artificiels) :
LEVANA ET NOS NOTRE-DAME DES TRISTESSES
« Souvent à Oxford j’ai vu Levana dans mes rêves. Je la connaissais par ses symboles romains. » Mais qu’est-ce que Levana ? C’était la déesse romaine qui présidait aux premières heures de l’enfant, qui lui conférait, pour ainsi dire, la dignité humaine. « Au moment de la naissance, quand l’enfant goûtait pour la première fois l’atmosphère troublée de notre planète, on le posait à terre. Mais presque aussitôt, de peur qu’une si grande créature ne rampât sur le sol plus d’un instant, le père, comme mandataire de la déesse Levana, ou quelque proche parent, comme mandataire du père, le soulevait en l’air, lui commandait de regarder en haut, comme étant le roi de ce monde, et il présentait le front de l’enfant aux étoiles, disant peut-être à celles-ci dans son cœur : « Contemplez ce qui est plus grand que vous ! » Cet acte symbolique représentait la fonction de Levana. Et cette déesse mystérieuse, qui n’a jamais dévoilé ses traits (excepté à moi, dans mes rêves), et qui a toujours agi par délégation, tire son nom du verbe latin levare, soulever en l’air, tenir élevé. »
Naturellement plusieurs personnes ont entendu par Levana le pouvoir tutélaire qui surveille et régit l’éducation des enfants. Mais ne croyez pas qu’il s’agisse ici de cette pédagogie qui ne règne que par les alphabets et les grammaires ; il faut penser surtout « à ce vaste système de forces centrales qui est caché dans le sein profond de la vie humaine et qui travaille incessamment les enfants, leur enseignant tour à tour la passion, la lutte, la tentation, l’énergie de la résistance. » Levana ennoblit l’être humain qu’elle surveille, mais par de cruels moyens. Elle est dure et sévère, cette bonne nourrice, et parmi les procédés dont elle use plus volontiers pour perfectionner la créature humaine, celui qu’elle affectionne par-dessus tous, c’est la douleur. Trois déesses lui sont soumises, qu’elle emploie pour ses desseins mystérieux. Comme il y a trois Grâces, trois Parques, trois Furies, comme primitivement il y avait trois Muses, il y a trois déesses de la tristesse. Elles sont nos Notre-Dame des Tristesses.
« Je les ai vues souvent conversant avec Levana, et quelquefois même s’entretenant de moi. Elles parlent donc ? Oh ! non. Ces puissants fantômes dédaignent les insuffisances du langage. Elles peuvent proférer des paroles par les organes de l’homme, quand elles habitent dans un cœur humain ; mais, entre elles, elles ne se servent pas de la voix ; elles n’émettent pas de sons ; un éternel silence règne dans leurs royaumes… La plus âgée des trois sœurs s’appelle Mater Lachrymarum, ou Notre-Dame des Larmes. C’est elle qui, nuit et jour, divague et gémit, invoquant des visages évanouis. C’est elle qui était dans Rama, alors qu’on entendit une voix se lamenter, celle de Rachel pleurant ses enfants et ne voulant pas être consolée. Elle était aussi dans Bethléem, la nuit où l’épée d’Hérode balaya tous les innocents hors de leurs asiles… Ses yeux sont tour à tour doux et perçants, effarés et endormis, se levant souvent vers les nuages, souvent accusant les cieux. Elle porte un diadème sur sa tête. Et je sais par des souvenirs d’enfance qu’elle peut voyager sur les vents quand elle entend le sanglot des litanies ou le tonnerre de l’orgue, ou quand elle contemple les éboulements des nuages d’été. Cette sœur aînée porte à sa ceinture des clefs plus puissantes que les clefs papales, avec lesquelles elle ouvre toutes les chaumières et tous les palais. C’est elle, je le sais, qui, tout l’été dernier, est restée au chevet du mendiant aveugle, celui avec qui j’aimais tant à causer, et dont la pieuse fille, âgée de huit ans, à la physionomie lumineuse, résistait à la tentation de se mêler à la joie du bourg, pour errer toute la journée sur les routes poudreuses avec son père affligé. Pour cela, Dieu lui a envoyé une grande récompense. Au printemps de l’année, et comme elle-même commençait à fleurir, il l’a rappelée à lui. Son père aveugle la pleure toujours, et toujours à minuit il rêve qu’il tient encore dans sa main la petite main qui le guidait, et toujours il s’éveille dans des ténèbres qui sont maintenant de nouvelles et plus profondes ténèbres… C’est à l’aide de ces clefs que Notre-Dame des Larmes se glisse, fantôme ténébreux, dans les chambres des hommes qui ne dorment pas, des femmes qui ne dorment pas, des enfants qui ne dorment pas, depuis le Gange jusqu’au Nil, depuis le Nil jusqu’au Mississippi. Et comme elle est née la première et qu’elle possède l’empire le plus vaste, nous l’honorerons du titre de Madone.
« La seconde sœur s’appelle Mater Suspiriorum, Notre-Dame des Soupirs. Elle n’escalade jamais les nuages et elle ne se promène pas sur les vents. Sur son front, pas de diadème. Ses yeux, si on pouvait les voir, ne paraîtraient ni doux, ni perçants ; on n’y pourrait déchiffrer aucune histoire ; on n’y trouverait qu’une masse confuse de rêves à moitié morts et les débris d’un déliré oublié. Elle ne lève jamais les yeux ; sa tête, coiffée d’un turban en loques, tombe toujours, et toujours regarde la terre. Elle ne pleure pas, elle ne gémit pas. De temps à autre elle soupire inintelligiblement. Sa sœur, la Madone, est quelquefois tempétueuse et frénétique, délirant contre le ciel et réclamant ses bien-aimés. Mais Notre-Dame des Soupirs ne crie jamais, n’accuse jamais, ne rêve jamais de révolte. Elle est humble jusqu’à l’abjection. Sa douceur est celle des êtres sans espoir… Si elle murmure quelquefois, ce n’est que dans des lieux solitaires, désolés comme elle, dans des cités ruinées, et quand le soleil est descendu dans son repos. Cette sœur est la visiteuse du Pariah, du Juif, de l’esclave qui rame sur les galères ;… de la femme assise dans les ténèbres, sans amour pour abriter sa tête, sans espérance pour illuminer sa solitude ;… de tout captif dans sa prison ; de tous ceux qui sont trahis et de tous ceux qui sont rejetés ; de ceux qui sont proscrits par la loi de la tradition, et des enfants de la disgrâce héréditaire. Tous sont accompagnés par Notre-Dame des Soupirs. Elle aussi, elle porte une clef, mais elle n’en a guère besoin. Car son royaume est surtout parmi les tentes de Sem et les vagabonds de tous les climats. Cependant dans les plus hauts rangs de l’humanité elle trouve quelques autels, et même dans la glorieuse Angleterre il y a des hommes qui, devant le monde, portent leur tête aussi orgueilleusement qu’un renne et qui, secrètement, ont reçu sa marque sur le front.
« Mais la troisième sœur, qui est aussi la plus jeune !… Chut ! ne parlons d’elle qu’à voix basse. Son domaine n’est pas grand ; autrement aucune chair ne pourrait vivre ; mais sur ce domaine son pouvoir est absolu… Malgré le triple voile de crêpe dont elle enveloppe sa tête, si haut qu’elle la porte, on peut voir d’en bas la lumière sauvage qui s’échappe de ses yeux, lumière de désespoir toujours flamboyante, les matins et les soirs, à midi comme à minuit, à l’heure du flux comme à l’heure du reflux. Celle-là défie Dieu. Elle est aussi la mère des démences et la conseillère des suicides… La Madone marche d’un pas irrégulier, rapide ou lent, mais toujours avec une grâce tragique. Notre-Dame des Soupirs se glisse timidement et avec précaution. Mais la plus jeune sœur se meut avec des mouvements impossibles à prévoir ; elle bondit ; elle a les sauts du tigre. Elle ne porte pas de clef ; car, bien qu’elle visite rarement les hommes, quand il lui est permis d’approcher d’une porte, elle s’en empare d’assaut et l’enfonce. Et son nom est Mater Tenebrarum, Notre-Dame des Ténèbres.
« Telles étaient les Euménides ou Gracieuses Déesses (comme disait l’antique flatterie inspirée par la crainte) qui hantaient mes rêves à Oxford. La Madone parlait avec sa main mystérieuse. Elle me touchait la tête ; elle appelait du doigt Notre-Dame des Soupirs, et ses signes, qu’aucun homme ne peut lire, excepté en rêve, pouvaient se traduire ainsi : « Vois ! le voici, celui que dans son enfance j’ai consacré à mes autels. C’est lui que j’ai fait mon favori. Je l’ai égaré, je l’ai séduit, et du haut du ciel j’ai attiré son cœur vers le mien. Par moi il est devenu idolâtre ; par moi rempli de désirs et de langueurs, il a adoré le ver de terre et il a adressé ses prières au tombeau vermiculeux. Sacré pour lui était le tombeau ; aimables étaient ses ténèbres ; sainte sa corruption. Ce jeune idolâtre, je l’ai préparé pour toi, chère et douce Sœur des Soupirs ! Prends-le maintenant sur ton cœur, et prépare-le pour notre terrible Sœur. Et toi, — se tournant vers la Mater Tenebrarum, — reçois-le d’elle à ton tour. Fais que ton sceptre soit pesant sur sa tête. Ne souffre pas qu’une femme, avec sa tendresse, vienne s’asseoir auprès de lui dans sa nuit. Chasse toutes les faiblesses de l’espérance, sèche les baumes de l’amour, brûle la fontaine des larmes ; maudis-le comme toi seule sais maudire. Ainsi sera-t-il rendu parfait dans la fournaise ; ainsi verra-t-il les choses qui ne devraient pas être vues, les spectacles qui sont abominables et les secrets qui sont indicibles. Ainsi lira-t-il les antiques vérités, les tristes vérités, les grandes, les terribles vérités. Ainsi ressuscitera-t-il avant d’être mort. Et notre mission sera accomplie, que nous tenons de Dieu, qui est de tourmenter son cœur jusqu’à ce que nous ayons développé les facultés de son esprit. »
(Extrait de Visions d'Oxford, un chapitre d'Un mangeur d'opium", dans Les Paradis Artificiels) :
LEVANA ET NOS NOTRE-DAME DES TRISTESSES
« Souvent à Oxford j’ai vu Levana dans mes rêves. Je la connaissais par ses symboles romains. » Mais qu’est-ce que Levana ? C’était la déesse romaine qui présidait aux premières heures de l’enfant, qui lui conférait, pour ainsi dire, la dignité humaine. « Au moment de la naissance, quand l’enfant goûtait pour la première fois l’atmosphère troublée de notre planète, on le posait à terre. Mais presque aussitôt, de peur qu’une si grande créature ne rampât sur le sol plus d’un instant, le père, comme mandataire de la déesse Levana, ou quelque proche parent, comme mandataire du père, le soulevait en l’air, lui commandait de regarder en haut, comme étant le roi de ce monde, et il présentait le front de l’enfant aux étoiles, disant peut-être à celles-ci dans son cœur : « Contemplez ce qui est plus grand que vous ! » Cet acte symbolique représentait la fonction de Levana. Et cette déesse mystérieuse, qui n’a jamais dévoilé ses traits (excepté à moi, dans mes rêves), et qui a toujours agi par délégation, tire son nom du verbe latin levare, soulever en l’air, tenir élevé. »
Naturellement plusieurs personnes ont entendu par Levana le pouvoir tutélaire qui surveille et régit l’éducation des enfants. Mais ne croyez pas qu’il s’agisse ici de cette pédagogie qui ne règne que par les alphabets et les grammaires ; il faut penser surtout « à ce vaste système de forces centrales qui est caché dans le sein profond de la vie humaine et qui travaille incessamment les enfants, leur enseignant tour à tour la passion, la lutte, la tentation, l’énergie de la résistance. » Levana ennoblit l’être humain qu’elle surveille, mais par de cruels moyens. Elle est dure et sévère, cette bonne nourrice, et parmi les procédés dont elle use plus volontiers pour perfectionner la créature humaine, celui qu’elle affectionne par-dessus tous, c’est la douleur. Trois déesses lui sont soumises, qu’elle emploie pour ses desseins mystérieux. Comme il y a trois Grâces, trois Parques, trois Furies, comme primitivement il y avait trois Muses, il y a trois déesses de la tristesse. Elles sont nos Notre-Dame des Tristesses.
« Je les ai vues souvent conversant avec Levana, et quelquefois même s’entretenant de moi. Elles parlent donc ? Oh ! non. Ces puissants fantômes dédaignent les insuffisances du langage. Elles peuvent proférer des paroles par les organes de l’homme, quand elles habitent dans un cœur humain ; mais, entre elles, elles ne se servent pas de la voix ; elles n’émettent pas de sons ; un éternel silence règne dans leurs royaumes… La plus âgée des trois sœurs s’appelle Mater Lachrymarum, ou Notre-Dame des Larmes. C’est elle qui, nuit et jour, divague et gémit, invoquant des visages évanouis. C’est elle qui était dans Rama, alors qu’on entendit une voix se lamenter, celle de Rachel pleurant ses enfants et ne voulant pas être consolée. Elle était aussi dans Bethléem, la nuit où l’épée d’Hérode balaya tous les innocents hors de leurs asiles… Ses yeux sont tour à tour doux et perçants, effarés et endormis, se levant souvent vers les nuages, souvent accusant les cieux. Elle porte un diadème sur sa tête. Et je sais par des souvenirs d’enfance qu’elle peut voyager sur les vents quand elle entend le sanglot des litanies ou le tonnerre de l’orgue, ou quand elle contemple les éboulements des nuages d’été. Cette sœur aînée porte à sa ceinture des clefs plus puissantes que les clefs papales, avec lesquelles elle ouvre toutes les chaumières et tous les palais. C’est elle, je le sais, qui, tout l’été dernier, est restée au chevet du mendiant aveugle, celui avec qui j’aimais tant à causer, et dont la pieuse fille, âgée de huit ans, à la physionomie lumineuse, résistait à la tentation de se mêler à la joie du bourg, pour errer toute la journée sur les routes poudreuses avec son père affligé. Pour cela, Dieu lui a envoyé une grande récompense. Au printemps de l’année, et comme elle-même commençait à fleurir, il l’a rappelée à lui. Son père aveugle la pleure toujours, et toujours à minuit il rêve qu’il tient encore dans sa main la petite main qui le guidait, et toujours il s’éveille dans des ténèbres qui sont maintenant de nouvelles et plus profondes ténèbres… C’est à l’aide de ces clefs que Notre-Dame des Larmes se glisse, fantôme ténébreux, dans les chambres des hommes qui ne dorment pas, des femmes qui ne dorment pas, des enfants qui ne dorment pas, depuis le Gange jusqu’au Nil, depuis le Nil jusqu’au Mississippi. Et comme elle est née la première et qu’elle possède l’empire le plus vaste, nous l’honorerons du titre de Madone.
« La seconde sœur s’appelle Mater Suspiriorum, Notre-Dame des Soupirs. Elle n’escalade jamais les nuages et elle ne se promène pas sur les vents. Sur son front, pas de diadème. Ses yeux, si on pouvait les voir, ne paraîtraient ni doux, ni perçants ; on n’y pourrait déchiffrer aucune histoire ; on n’y trouverait qu’une masse confuse de rêves à moitié morts et les débris d’un déliré oublié. Elle ne lève jamais les yeux ; sa tête, coiffée d’un turban en loques, tombe toujours, et toujours regarde la terre. Elle ne pleure pas, elle ne gémit pas. De temps à autre elle soupire inintelligiblement. Sa sœur, la Madone, est quelquefois tempétueuse et frénétique, délirant contre le ciel et réclamant ses bien-aimés. Mais Notre-Dame des Soupirs ne crie jamais, n’accuse jamais, ne rêve jamais de révolte. Elle est humble jusqu’à l’abjection. Sa douceur est celle des êtres sans espoir… Si elle murmure quelquefois, ce n’est que dans des lieux solitaires, désolés comme elle, dans des cités ruinées, et quand le soleil est descendu dans son repos. Cette sœur est la visiteuse du Pariah, du Juif, de l’esclave qui rame sur les galères ;… de la femme assise dans les ténèbres, sans amour pour abriter sa tête, sans espérance pour illuminer sa solitude ;… de tout captif dans sa prison ; de tous ceux qui sont trahis et de tous ceux qui sont rejetés ; de ceux qui sont proscrits par la loi de la tradition, et des enfants de la disgrâce héréditaire. Tous sont accompagnés par Notre-Dame des Soupirs. Elle aussi, elle porte une clef, mais elle n’en a guère besoin. Car son royaume est surtout parmi les tentes de Sem et les vagabonds de tous les climats. Cependant dans les plus hauts rangs de l’humanité elle trouve quelques autels, et même dans la glorieuse Angleterre il y a des hommes qui, devant le monde, portent leur tête aussi orgueilleusement qu’un renne et qui, secrètement, ont reçu sa marque sur le front.
« Mais la troisième sœur, qui est aussi la plus jeune !… Chut ! ne parlons d’elle qu’à voix basse. Son domaine n’est pas grand ; autrement aucune chair ne pourrait vivre ; mais sur ce domaine son pouvoir est absolu… Malgré le triple voile de crêpe dont elle enveloppe sa tête, si haut qu’elle la porte, on peut voir d’en bas la lumière sauvage qui s’échappe de ses yeux, lumière de désespoir toujours flamboyante, les matins et les soirs, à midi comme à minuit, à l’heure du flux comme à l’heure du reflux. Celle-là défie Dieu. Elle est aussi la mère des démences et la conseillère des suicides… La Madone marche d’un pas irrégulier, rapide ou lent, mais toujours avec une grâce tragique. Notre-Dame des Soupirs se glisse timidement et avec précaution. Mais la plus jeune sœur se meut avec des mouvements impossibles à prévoir ; elle bondit ; elle a les sauts du tigre. Elle ne porte pas de clef ; car, bien qu’elle visite rarement les hommes, quand il lui est permis d’approcher d’une porte, elle s’en empare d’assaut et l’enfonce. Et son nom est Mater Tenebrarum, Notre-Dame des Ténèbres.
« Telles étaient les Euménides ou Gracieuses Déesses (comme disait l’antique flatterie inspirée par la crainte) qui hantaient mes rêves à Oxford. La Madone parlait avec sa main mystérieuse. Elle me touchait la tête ; elle appelait du doigt Notre-Dame des Soupirs, et ses signes, qu’aucun homme ne peut lire, excepté en rêve, pouvaient se traduire ainsi : « Vois ! le voici, celui que dans son enfance j’ai consacré à mes autels. C’est lui que j’ai fait mon favori. Je l’ai égaré, je l’ai séduit, et du haut du ciel j’ai attiré son cœur vers le mien. Par moi il est devenu idolâtre ; par moi rempli de désirs et de langueurs, il a adoré le ver de terre et il a adressé ses prières au tombeau vermiculeux. Sacré pour lui était le tombeau ; aimables étaient ses ténèbres ; sainte sa corruption. Ce jeune idolâtre, je l’ai préparé pour toi, chère et douce Sœur des Soupirs ! Prends-le maintenant sur ton cœur, et prépare-le pour notre terrible Sœur. Et toi, — se tournant vers la Mater Tenebrarum, — reçois-le d’elle à ton tour. Fais que ton sceptre soit pesant sur sa tête. Ne souffre pas qu’une femme, avec sa tendresse, vienne s’asseoir auprès de lui dans sa nuit. Chasse toutes les faiblesses de l’espérance, sèche les baumes de l’amour, brûle la fontaine des larmes ; maudis-le comme toi seule sais maudire. Ainsi sera-t-il rendu parfait dans la fournaise ; ainsi verra-t-il les choses qui ne devraient pas être vues, les spectacles qui sont abominables et les secrets qui sont indicibles. Ainsi lira-t-il les antiques vérités, les tristes vérités, les grandes, les terribles vérités. Ainsi ressuscitera-t-il avant d’être mort. Et notre mission sera accomplie, que nous tenons de Dieu, qui est de tourmenter son cœur jusqu’à ce que nous ayons développé les facultés de son esprit. »
Dernière édition par Paladin le Mar 1 Nov 2022 - 15:59, édité 1 fois
Re: Films vus (tous supports) 2022
Paladin a écrit:Suspiria et Inferno ne sont pas des gialli mais des films d'horreur ! Sauf peut-être pour les meurtres qui font penser aux meurtres de gialli.
Oui, c'est vrai qu'on est ici à la limite, mais j'y ai pensé surtout dans la mise en scène du premier meurtre, non montrant un tueur insaisissable et par l'utilisation récurrente des mains gantées donnant la mort, qui revient souvent dans la représentation du meurtrier dans ce genre de films (mais effectivement, il n'y a pas ici les plans en vue subjective ou la "préparation" du tueur, comme dans certains autres de ses métrages, entre autres).
Au passage, je connais déjà Profondo Rosso, c'est même le 1e d'Argento que j'ai vu et à l'époque déjà cette histoire de sang rouge vif m'avait déjà marqué
Et bien noté pour le 3e opus, je vais donc m'abstenir, ça va m'empêcher de perdre du temps pour rien !
Intéressant cette histoire des Trois Mères chez Baudelaire, j'y jetterais un coup d'œil tantôt
Tak- Mélomane des Ondes Noires
Disciple des Livres de Sang - Messages : 6299
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Re: Films vus (tous supports) 2022
J'ai pas mal entendu parler récemment de Barbarian et j'ai voulu y jeter un œil.
Plutôt sympa dans le genre, même si on est loin de la grosse tuerie annoncée par certains ou même du "film culte" instantané, que j'ai pu lire sur certains sites.
Un film d'horreur/épouvante bien branlé, partant d'un postulat tout con et qui nous envoie sur pas mal de fausses pistes, avant de partir sur le vrai sujet du film, arrivé à peu près à la moitié. J'ai surtout apprécié le visuel, jouant sur de jolis cadres bien travaillés, des travellings soignés et quelques plans séquence plutôt bien foutus qui changent un peu des productions Blumhouse mal branlées réutilisant sans fin les mêmes idées sans âme. Le casting est pas mal non plus (dommage d'ailleurs que Bill Skarsgard ne soit plus pas plus présent, ce dernier apportant une intéressante ambiguité à son personnage, même si on finit par se douter que la menace ne viendrait pas de lui) et permet aussi de gagner quelques points, de la même façon que le sous-texte social amène des choses intéressantes, sans aller trop loin non plus.
Après, une fois la bascule du film opérée, on arrive sur quelque chose de plus sombre et plus brut de décoffrage, de plus dérangeant également et les amoureux du genre préféreront certainement cette partie (normal, me direz-vous). Pour autant, j'ai trouvé qu'il manquait un peu de substance, que les thématiques de fond n'étaient pas assez poussées et que le réalisateur aurait pu aller plus loin, avec toutes ces idées. Comme j'ai trouvé le dernier tiers un peu vite expédié, alors qu'il y avait moyen de partir sur du survival bien méchant et là, oui, je pense, on aurait pu avoir une petite pépite aussi défoulatoire qu'acerbe, sur une certaine conception de la misère sociétale poussée dans ses retranchements.
Là, en l'état, j'ai passé un moment sympa (d'autant plus que les petites saillies gores ici et là sont assez réjouissantes, avec un rendu "à l'ancienne" pas déplaisantes), mais il m'a quand même manqué un petit truc pour me décrocher vraiment la mâchoire...
Un bon petit film de seconde partie de soirée, donc, mais loin d'être aussi marquant que sa réputation ne voudrait nous le faire croire.
Plutôt sympa dans le genre, même si on est loin de la grosse tuerie annoncée par certains ou même du "film culte" instantané, que j'ai pu lire sur certains sites.
Un film d'horreur/épouvante bien branlé, partant d'un postulat tout con et qui nous envoie sur pas mal de fausses pistes, avant de partir sur le vrai sujet du film, arrivé à peu près à la moitié. J'ai surtout apprécié le visuel, jouant sur de jolis cadres bien travaillés, des travellings soignés et quelques plans séquence plutôt bien foutus qui changent un peu des productions Blumhouse mal branlées réutilisant sans fin les mêmes idées sans âme. Le casting est pas mal non plus (dommage d'ailleurs que Bill Skarsgard ne soit plus pas plus présent, ce dernier apportant une intéressante ambiguité à son personnage, même si on finit par se douter que la menace ne viendrait pas de lui) et permet aussi de gagner quelques points, de la même façon que le sous-texte social amène des choses intéressantes, sans aller trop loin non plus.
Après, une fois la bascule du film opérée, on arrive sur quelque chose de plus sombre et plus brut de décoffrage, de plus dérangeant également et les amoureux du genre préféreront certainement cette partie (normal, me direz-vous). Pour autant, j'ai trouvé qu'il manquait un peu de substance, que les thématiques de fond n'étaient pas assez poussées et que le réalisateur aurait pu aller plus loin, avec toutes ces idées. Comme j'ai trouvé le dernier tiers un peu vite expédié, alors qu'il y avait moyen de partir sur du survival bien méchant et là, oui, je pense, on aurait pu avoir une petite pépite aussi défoulatoire qu'acerbe, sur une certaine conception de la misère sociétale poussée dans ses retranchements.
Là, en l'état, j'ai passé un moment sympa (d'autant plus que les petites saillies gores ici et là sont assez réjouissantes, avec un rendu "à l'ancienne" pas déplaisantes), mais il m'a quand même manqué un petit truc pour me décrocher vraiment la mâchoire...
Un bon petit film de seconde partie de soirée, donc, mais loin d'être aussi marquant que sa réputation ne voudrait nous le faire croire.
Dernière édition par Tak le Mer 9 Nov 2022 - 16:22, édité 1 fois
Tak- Mélomane des Ondes Noires
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Re: Films vus (tous supports) 2022
C’est pas un film pour moi mais ça peux permettre à certains de passer les longues soirées d’hiver ce genre de film.
kalcidian- —Couteau Suisse des arts — Disciple des mystères mystérieux
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Re: Films vus (tous supports) 2022
Hier soir ils passaient The Silence sur Arte.
De base, pas forcément le genre de sujets qui me parlent, mais j'ai trouvé ce film très fort aussi bien dans sa mise en image que les thèmes abordés.
On y suit deux prêtres jésuites portugais chargés de retrouver et possiblement ramener au pays leur mentor (joué par Liam Neeson) parti en mission d'évangélisation dans le Japon du XVIIe siècle (où les chrétiens sont alors violemment persécutés). Le fameux silence est celui éprouvé par le prêtre Rodriguez (Justin Garfield), qui au beau milieu des tortures et des persécutions de toutes sortes, n'arrive plus à entendre la voix du seigneur et qui le plonge peu à peu dans des gouffres insondables de doute et de solitude.
Dit comme ça, ça a l'air "simple", mais tout cela est très bien amené, aussi bien par les qualités narratives du récit que par la prestation des acteurs. En outre, j'ai beaucoup aimé cette opposition des dogmes et des idéaux, entre deux doctrines qui n'ont absolument rien à voir, le prêtre essayant de convaincre l'inquisiteur japonais du bien-fondé de "sa vérité", mais l'autre ne pouvant y accorder foi, tout simplement car leurs conceptions respectives sont antinomiques. Le catholique baigné dans la lumière divine d'un créateur miséricordieux, tandis que le japonais ne considère la divinité que dans la nature, le Bouddha qu'il vénère pourtant n'en étant qu'une des nombreuses incarnations. Pas de discours manichéen ici sur la nature du bien ou du mal ou de propagande catho-cul bénie, mais une confrontation des points de vue finalement plus philosophique que théologique ou religieuse et j'ai beaucoup apprécié ce point de vue.
Le mixage sonore est également très bien pensé, les bruits environnants de la nature (les vagues s'écrasant sur le littoral, les trilles d'oiseaux, le souffle du vent ou les bruissements des feuillages), bien mis en avant dans le mix répondant aux vagues de silence intérieur du prêtre, dans lequel il finit par se perdre... Tout comme les paysages de ce Japon sauvage et naturaliste idéalement filmé (du moins dans sa 1e partie), qui donne une puissance assez grisante à ces images.
Et je parle même pas de l'interprétation brillante d'un Justin Garfield qui me bluffe décidément d'un film à l'autre (dommage qu'Adam Driver et Liam Neeson soient si peu présents, en comparaison, eux aussi parfaitement en place).
Bref, encore un excellent film de Scorcese, qui change un peu des fresques mafieuses pour lesquelles il est réputé, mais qui prouve qu'il est à l'aise dans pas mal de registres différents. Du cinoche de haute volée, donc, en ce qui me concerne !
P.S: Il doit y avoir une théma' Scorcese ces temps-ci sur Arte, parce qu'ils diffusent aussi ce soir À Tombeau Ouvert, que j'avais vu à l'époque au ciné (et adoré) et qui à la revoyure, n'a pas trop mal vieilli, je trouve.
De base, pas forcément le genre de sujets qui me parlent, mais j'ai trouvé ce film très fort aussi bien dans sa mise en image que les thèmes abordés.
On y suit deux prêtres jésuites portugais chargés de retrouver et possiblement ramener au pays leur mentor (joué par Liam Neeson) parti en mission d'évangélisation dans le Japon du XVIIe siècle (où les chrétiens sont alors violemment persécutés). Le fameux silence est celui éprouvé par le prêtre Rodriguez (Justin Garfield), qui au beau milieu des tortures et des persécutions de toutes sortes, n'arrive plus à entendre la voix du seigneur et qui le plonge peu à peu dans des gouffres insondables de doute et de solitude.
Dit comme ça, ça a l'air "simple", mais tout cela est très bien amené, aussi bien par les qualités narratives du récit que par la prestation des acteurs. En outre, j'ai beaucoup aimé cette opposition des dogmes et des idéaux, entre deux doctrines qui n'ont absolument rien à voir, le prêtre essayant de convaincre l'inquisiteur japonais du bien-fondé de "sa vérité", mais l'autre ne pouvant y accorder foi, tout simplement car leurs conceptions respectives sont antinomiques. Le catholique baigné dans la lumière divine d'un créateur miséricordieux, tandis que le japonais ne considère la divinité que dans la nature, le Bouddha qu'il vénère pourtant n'en étant qu'une des nombreuses incarnations. Pas de discours manichéen ici sur la nature du bien ou du mal ou de propagande catho-cul bénie, mais une confrontation des points de vue finalement plus philosophique que théologique ou religieuse et j'ai beaucoup apprécié ce point de vue.
Le mixage sonore est également très bien pensé, les bruits environnants de la nature (les vagues s'écrasant sur le littoral, les trilles d'oiseaux, le souffle du vent ou les bruissements des feuillages), bien mis en avant dans le mix répondant aux vagues de silence intérieur du prêtre, dans lequel il finit par se perdre... Tout comme les paysages de ce Japon sauvage et naturaliste idéalement filmé (du moins dans sa 1e partie), qui donne une puissance assez grisante à ces images.
Et je parle même pas de l'interprétation brillante d'un Justin Garfield qui me bluffe décidément d'un film à l'autre (dommage qu'Adam Driver et Liam Neeson soient si peu présents, en comparaison, eux aussi parfaitement en place).
Bref, encore un excellent film de Scorcese, qui change un peu des fresques mafieuses pour lesquelles il est réputé, mais qui prouve qu'il est à l'aise dans pas mal de registres différents. Du cinoche de haute volée, donc, en ce qui me concerne !
P.S: Il doit y avoir une théma' Scorcese ces temps-ci sur Arte, parce qu'ils diffusent aussi ce soir À Tombeau Ouvert, que j'avais vu à l'époque au ciné (et adoré) et qui à la revoyure, n'a pas trop mal vieilli, je trouve.
Tak- Mélomane des Ondes Noires
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Re: Films vus (tous supports) 2022
The Silence, on était allé le voir au cinéma avec ma femme. Je ne peux pas vous en dire grand chose, j'ai vu la première demi-heure et la dernière. Le reste du temps j'ai dormi, sur un film de 2h 42 quand même ! Je ne sais pas si c'est parce que je me suis ennuyé, ou plutôt parce que les séances de fin de journée ne me réussissent pas !
Re: Films vus (tous supports) 2022
Un peu longuet, ça je dis pas le contraire, y'a quelques passages qui auraient pu être zappés ou d'autres un peu répétitifs (les nombreuses scènes de torture où ils essayent de faire craquer le prêtre), mais au final ça ne m'a pas dérangé plus que ça...
Mais bon, moi aussi ça m'est déjà arrivé de m'endormir et sur de très bons films, même ! J'avais vu le Retour du Roi au Portugal avec mon frangin au cinoche et on s'étaient tous deux endormis en plein milieu lol (mais je crois aussi qu'on avait bien fait la fête la veille et qu'on étaient plus très frais, ceci expliquant en partie cela ).
Mais bon, moi aussi ça m'est déjà arrivé de m'endormir et sur de très bons films, même ! J'avais vu le Retour du Roi au Portugal avec mon frangin au cinoche et on s'étaient tous deux endormis en plein milieu lol (mais je crois aussi qu'on avait bien fait la fête la veille et qu'on étaient plus très frais, ceci expliquant en partie cela ).
Tak- Mélomane des Ondes Noires
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Re: Films vus (tous supports) 2022
Vu ce soir sur Arte le triptyque « un nouveau monde » de Cyril Dion
C’est revigorant à un moment où le négatif est omniprésent autour de chacun de nous.
Ça me donne d’autant plus l’envie d’écrire des histoires positives avec un récit à l’opposé de Huxley ou Orwell. Des récits en lien avec les propositions de nouveau monde et de nos elles sociétés potentiellement possible pour les générations à venir.
C’est revigorant à un moment où le négatif est omniprésent autour de chacun de nous.
Ça me donne d’autant plus l’envie d’écrire des histoires positives avec un récit à l’opposé de Huxley ou Orwell. Des récits en lien avec les propositions de nouveau monde et de nos elles sociétés potentiellement possible pour les générations à venir.
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Re: Films vus (tous supports) 2022
J'ai vu il y a quelques jours le film Beast, avec Idris Elba.
Très bon survival animalier où le menace vient cette fois-ci d'un lion passablement vénère contre les humains, après qu'une bande de braconniers vilains-pas-beaux ait anéanti son clan. Point de départ peu original, mais dans la mise en scène c'est du solide et le réalisateur (Baltasar Kormàkur, qui avait déjà tourné le sympathique Everest) ménage très bien ses effets, en faisant monter la tension comme il faut et lâchant les chevaux dans les scènes de charclage avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir. C'est classe et bien filmé, d'autant plus que les décors africains sont réellement bien mis en valeur et même si la bestiole est en CGI, cela est assez bien fait pour ne pas choquer la rétine.
J'avais vu sur un article un journaliste comparer ce film à Prey (le dernier épisode de Predator, pour ceux qui ont pas suivi), en disant que ce serait Prey, donc, si un lion remplaçait l'alien... "en mieux". Chacun son avis sur la question, mais sur la forme le gars n'a pas tort (pour le côté prédateur sournois) et certaines scènes, assez brutes pour un film "tout public" sorti récemment en salles, valent le coup d'œil.
Ah et puis Idris Elba, je sais pas, mais j'adore cet acteur : il imprime une présence et un charisme de dingue à l'écran, même quand il joue le pistoléro du dimanche dans une adaptation moisie de la Tour Sombre ou un médecin père de famille sans histoire ici, mais qu'il fait exister avec force et simplicité à la fois, renforçant d'autant plus le côté immersif.
Bref, j'ai bien kiffé et d'autant plus profité que ce genre de séries B, couillues et efficaces, se font de plus en rares de nos jours : ici, en 1h40 à peine, tout est dit et sans inutiles prolongation, comme les bonnes petites péloches de l'époque. Vu et approuvé, donc !
Très bon survival animalier où le menace vient cette fois-ci d'un lion passablement vénère contre les humains, après qu'une bande de braconniers vilains-pas-beaux ait anéanti son clan. Point de départ peu original, mais dans la mise en scène c'est du solide et le réalisateur (Baltasar Kormàkur, qui avait déjà tourné le sympathique Everest) ménage très bien ses effets, en faisant monter la tension comme il faut et lâchant les chevaux dans les scènes de charclage avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir. C'est classe et bien filmé, d'autant plus que les décors africains sont réellement bien mis en valeur et même si la bestiole est en CGI, cela est assez bien fait pour ne pas choquer la rétine.
J'avais vu sur un article un journaliste comparer ce film à Prey (le dernier épisode de Predator, pour ceux qui ont pas suivi), en disant que ce serait Prey, donc, si un lion remplaçait l'alien... "en mieux". Chacun son avis sur la question, mais sur la forme le gars n'a pas tort (pour le côté prédateur sournois) et certaines scènes, assez brutes pour un film "tout public" sorti récemment en salles, valent le coup d'œil.
Ah et puis Idris Elba, je sais pas, mais j'adore cet acteur : il imprime une présence et un charisme de dingue à l'écran, même quand il joue le pistoléro du dimanche dans une adaptation moisie de la Tour Sombre ou un médecin père de famille sans histoire ici, mais qu'il fait exister avec force et simplicité à la fois, renforçant d'autant plus le côté immersif.
Bref, j'ai bien kiffé et d'autant plus profité que ce genre de séries B, couillues et efficaces, se font de plus en rares de nos jours : ici, en 1h40 à peine, tout est dit et sans inutiles prolongation, comme les bonnes petites péloches de l'époque. Vu et approuvé, donc !
Tak- Mélomane des Ondes Noires
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Re: Films vus (tous supports) 2022
Bonjour tout le monde, ma fille de 18 ans m'a trainé hier au cinéma pour voir "Bones and all", car elle est fan du beau Timothée Chalamet.
Le film est cru ! Sortes de vampires modernes, les héros sont des cannibales, victimes d'une faim intarissable, ce qui promet des moments sanglants, à juste titre.
En parallèle, il s'agit d'un road movie classique, contemplatif, autour d'une histoire d'amour entre deux adolescents/jeunes adultes paumés et asociaux, du fait de leur malédiction.
Bon, le film n'est pas mauvais car il enchaîne des scènes passionnantes, le mélange entre l'horreur de leur don et flânerie est assez habile, transformant des scènes bucoliques en moments psychologiquement lourds.
Il y a des défauts bien sûr, certaines scènes très fortes, surtout celles où il y a des oppositions, des risques flagrants pour nos héros, ne sont pas assez poussées. Il y aurait dû y avoir moyen d'aller plus loin, en rajoutant un cliffhanger pour les rendre plus intéressantes.
Comme c'est un road movie, il y a des longueurs, surtout que le film dure 2h10, et donc ça gène un peu quand même. Après coup, on pourra se dire que les événements sont attendus, mais ce n'était pas forcément le cas avant de les voir à l'écran, donc ça va !!
Au final, le sujet n'est pas vraiment une mauvaise idée (même si ce n'est pas ma tasse de thé comme film), il y avait vraiment matière à faire plein de choses, et je pense à aller plus loin, peut-être jusqu'à un "Bonnie and Clyde", parce que par exemple les passages où on croise la police ne sont pas exploités. Mais c'est un peu normal, c'est un teen movie ??!!
Si vous êtes curieux, ça peut donc se voir.
Le film est cru ! Sortes de vampires modernes, les héros sont des cannibales, victimes d'une faim intarissable, ce qui promet des moments sanglants, à juste titre.
En parallèle, il s'agit d'un road movie classique, contemplatif, autour d'une histoire d'amour entre deux adolescents/jeunes adultes paumés et asociaux, du fait de leur malédiction.
Bon, le film n'est pas mauvais car il enchaîne des scènes passionnantes, le mélange entre l'horreur de leur don et flânerie est assez habile, transformant des scènes bucoliques en moments psychologiquement lourds.
Il y a des défauts bien sûr, certaines scènes très fortes, surtout celles où il y a des oppositions, des risques flagrants pour nos héros, ne sont pas assez poussées. Il y aurait dû y avoir moyen d'aller plus loin, en rajoutant un cliffhanger pour les rendre plus intéressantes.
Comme c'est un road movie, il y a des longueurs, surtout que le film dure 2h10, et donc ça gène un peu quand même. Après coup, on pourra se dire que les événements sont attendus, mais ce n'était pas forcément le cas avant de les voir à l'écran, donc ça va !!
Au final, le sujet n'est pas vraiment une mauvaise idée (même si ce n'est pas ma tasse de thé comme film), il y avait vraiment matière à faire plein de choses, et je pense à aller plus loin, peut-être jusqu'à un "Bonnie and Clyde", parce que par exemple les passages où on croise la police ne sont pas exploités. Mais c'est un peu normal, c'est un teen movie ??!!
Si vous êtes curieux, ça peut donc se voir.
Re: Films vus (tous supports) 2022
Il fallait bien que je vois au moins un film de Jean Rollin, dont Maitre Paladin est le disciple. La nuit des traquées n'est pas dans le haut du panier, si j'en crois les critiques. Effectivement, le casting est catastrophique, hormis Brigitte Lahaie que je trouve plutôt bonne actrice même habillée. Certaines scènes s'enchainent sans queue ni tête. Des dialogues oiseux sont propices à l'endormissement. Il n'en demeure pas moins que j'ai apprécié le talent du cinéaste dans la mise en valeur des décors. J'ai beaucoup aimé les lieus choisis et la façon de les filmer. Cela m'a rappelé "Buffet froid", avec cet œil qui a senti avant l'heure la monstruosité froide et déshumanisée du quartier de la Défense encore en construction. Un film à part que je ne regrette pas d'avoir visionné.
Collapsus- Plumitif éviscéré
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