BLOODFIST de Schweinhund

« Bloodfist », de SchweinHund.

C’est ma deuxième incursion dans la collection Gore de Trash éditions, et je ne regrette pas. Dire que je n’en sors pas intact serait exagéré, (j’en ai vu d’autres, et lu encore plus), mais la lecture de ce petit (par la taille) livre pourrait éprouver les nerfs de personnes sensibles. Mais après tout, la collection porte la mention « pour adultes consentants », alors…
« Bloodfist », c’est l’histoire d’un tueur psychopathe confronté à des névropathes vengeurs et à un gourou sociopathe. C’est une histoire de dérives, de sang et de perversions. C’est violent, jubilatoire parfois, c’est un voyage au cœur de la folie meurtrière qui emmène le lecteur jusqu’au bout des transgressions. La construction du récit est impeccable, morcelée entre les différents points de vue des divers protagonistes, alternant les passages à la première personne et le point de vue du narrateur omniscient avec beaucoup de pertinence, si bien que le lecteur n’est jamais perdu.
Mais surtout, avec « Bloodfist », j’ai découvert un vrai auteur, un écrivain avec un style, une personnalité qui transparaît au travers des pages fiévreuses et sanglantes, une voix véritable et reconnaissable. C’est écrit sans concession, sans maniérisme, mais avec une véritable aisance dans le maniement de la langue. Ce SchweinHund a du chien, c’est moi qui vous le dis ! Il parvient même à insérer une sorte de poésie de l’horrible dans ses descriptions les plus nauséeuses, il y a quelque chose de baudelairien dans la façon dont il décrit la beauté perverse de la violence, la fascination pour le sang et la charogne.
À lire pour ceux qui croient que le « populaire », l’« épouvante », le « gore » n’est qu’un sous-genre bâclé par des tâcherons négligeant le style et l’écriture. Voilà qui leur apportera un démenti cinglant.

Léonox va être ravi. Je crois qu'il connait ce bizarre Schweinhund. Les rumeurs disent même qu'ils fricotent ensemble et que tout n'est pas net.

En effet, je suis ravi. Et soulagé, aussi.
Parce que, je peux bien l'avouer maintenant, j'attendais le retour de Lester avec une certaine appréhension. Car je sais que l'homme est non seulement un auteur de grand talent, mais aussi un lecteur avisé, exigeant et impitoyable. De plus, il n'a jamais fait mystère de son peu de goût pour la littérature qui tache. Alors cette chronique me touche d'autant plus.

En guise de bonus, voici les mots de mon ami et partenaire Julien quand il l'a découverte:
"Ah ouais, c'est une très belle critique, qui cerne parfaitement ce que j'apprécie dans ton roman. Bravo donc. A l'auteur de la critique mais aussi à l'auteur du livre critiqué."

Alors un grand merci pour ce superbe retour, Lester. Je suis comblé.

Alors, c'est à mon tour d'être ravi, car tu me prêtes des qualités qui sont peut-être exagérées. Concernant mon peu de goût pour le genre "sang et tripes", c'est un peu plus complexe que ça. Car je suis un aficionado de Graham Masterton, que je place loin au-dessus de King ou Koontz, et cet auteur n'est pas réputé pour sa retenue, mais plutôt pour le côté sanguinolent et réaliste de certaines scènes. Ce qui me rebute - peut-être à tort - dans certaines productions "gore", c'est plutôt la complaisance, et l'absence de style et de recherche d'écriture. Quand le bouquin est bien écrit, avec un plaisir évident (et donc que ce plaisir est partagé avec le lecteur) et une recherche, une exigence stylistique, je ne vais pas bouder ma satisfaction, quel que soit le sujet évoqué.

Je partage ton point de vue, Lester (y compris pour Masterton, qui aurait pu sans problème figurer au sein de la collection Gore). Il rejoint d'ailleurs une de mes petites phrases pour cadrer un peu d'éventuelles soumissions: "ce n'est pas parce que qu'on fait du TRASH qu'il faut que ce soit mal écrit". C'est tout à fait ça. Néanmoins, concernant Bloodfist en particulier, la question du style peut faire débat, et je comprends que certains de mes choix déroutent. Nécrorian, par exemple, a estimé que nos livres étaient "trop bien écrits", alors qu'Andrevon, au contraire, a relevé la qualité du style, supérieur selon lui à celui de nombreux auteurs Gore.

Mon défi, si j'écris un autre roman, sera de faire une synthèse de ces avis, tous deux fondés. Car Nécrorian a raison: trop d'effets tue l'effet, et la littérature que nous défendons vise une certaine forme d'immédiateté. En gros, la distance, c'est le mal. Mais dans le même temps, ma position personnelle est aussi de me servir de TRASH pour tenter des expériences. Je ne m'en suis jamais caché, et puis nous ne sommes pas là pour répéter ce qui a été - bien - fait dans la collection Gore il y a trente ans. Je ne suis donc pas un auteur Gore classique, mais plutôt une sorte de mutant, un bâtard qui aime autant Les chants de Maldoror que Nuit noire.

Je dois avouer que je suis un peu extrémiste en ce qui concerne le style, et ça ne s'arrange pas en vieillissant. C'est pourquoi je ne peux que souscrire à cette phrase :

"ce n'est pas parce que qu'on fait du TRASH qu'il faut que ce soit mal écrit".

Maintenant, c'est quoi, le "style" ? Je suis incapable de donner un avis définitif sur cette question. (D'ailleurs, ce n'est peut-être pas le lieu pour en discuter. Il faudrait ouvrir un topic dédié à la question, et y confronter nos points de vue. Ça risque d'être édifiant !) Simplement, je crois être en mesure de reconnaître ce qui me plait, question écriture.

Et je suis également capable de reconnaître ce qui est laborieux, sans âme, sans conviction, bref, sans style. Car le style ne me semble pas être une accumulation d'effets - ce qui explique que je ne suis pas d'accord entièrement avec cette phrase de Nécrorian :

" trop d'effets tue l'effet"

Léonox a écrit:Nécrorian, par exemple, a estimé que nos livres étaient "trop bien écrits"

A mon humble avis, non.

Quant à la question que Lester aborde , c'est quoi, le "style" , je dirais que, pour moi, un style agréable, c'est tout d'abord celui qui se fait oublier, c'est-à-dire que grâce à une syntaxe impeccable, je ne suis pas obligée de ligne plusieurs fois une même phrase pour parvenir à la comprendre. C'est aussi la richesse du vocabulaire et l'agencement des mots qui recrée les atmosphères que l'auteur avait à l'esprit au moment où il écrivait. C'est surtout le souffle inexplicable qui fait que le lecteur est "accroché" et dévore le livre d'un bout à l'autre sans pouvoir le poser. Mais cela, nul ne peut en analyser le comment et le pourquoi, car autrement, tout le monde les mettrait en application...

Ce qui est certain, c'est que, au moins, les règles de la langue française doivent être respectées.

T.

Léonox a écrit: Je ne suis donc pas un auteur Gore classique, mais plutôt une sorte de mutant, un bâtard qui aime autant Les chants de Maldoror que Nuit noire.

Alors que moi, je me revendique comme auteur gore à l'ancienne. J'aime les effets visuels qui claquent. Je veux une écriture simple (pas simpliste) qui donne au lecteur un plaisir rapide et assouvi.

Et j'adore ça. C'est justement cette diversité de styles qui fait la richesse de notre catalogue. Ma manière personnelle est toutefois un peu différente. Je pense être aussi capable d'écrire de cette façon (il me semble que dans Bloodfist les chapitres écrits du point de vue de l'homme au crâne rasé l'attestent, en tout cas j'espère), mais je ne tiens pas à le faire systématiquement. Je fais des mélanges. Parfois ça marche, parfois non. Ou pour être plus précis, certains aiment mon bouquin exactement pour les raisons qui font que d'autres ont du mal à entrer dedans. D'où mes interrogations quant au style, et au bon dosage à adopter.

Tipram a écrit:

Léonox a écrit:Nécrorian, par exemple, a estimé que nos livres étaient "trop bien écrits"

A mon humble avis, non.

Quant à la question que Lester aborde , c'est quoi, le "style" , je dirais que, pour moi, un style agréable, c'est tout d'abord celui qui se fait oublier, c'est-à-dire que grâce à une syntaxe impeccable, je ne suis pas obligée de ligne plusieurs fois une même phrase pour parvenir à la comprendre.

Parce que précisément, ce que Nécrorian veut dire par "trop bien écrit", c'est un style trop appuyé. Donc qui ne se fait pas oublier. Et l'homme sait de quoi il parle. Il sait ce qu'est un style "blanc" et un style un peu "baroque". C'est ce que je voulais dire par "trop d'effets tue l'effet" (qui n'est pas une phrase du Maître mais une déduction de mon crû). Ma façon de faire est heurtée, je tire sur la langue dans tous les sens, ce qui rend parfois la lecture peu fluide. Or dans un roman Gore, ce qui importe avant tout, c'est l'efficacité. Il faut être le plus direct possible, et l'auteur doit s'effacer derrière son récit, ce que Zaroff sait faire à merveille.

Mais, comme le proposait Lester, un fil spécifique serait sans doute plus approprié, car le débat, une fois sorti de son contexte TRASH pourrait peut-être intéresser d'autres personnes...

lester l gore a écrit:(D'ailleurs, ce n'est peut-être pas le lieu pour en discuter. Il faudrait ouvrir un topic dédié à la question, et y confronter nos points de vue. Ça risque d'être édifiant !)

C'est proposé si gentiment... On attend ce topic avec impatience, Lester!  Je serai de la partie!

Mais je ne suis pas gentil, ça devrait se savoir, à force   .

Alors, je l'ouvre dans quelle section, ce topic ? Je penserais à "comment écrivez-vous" ?

J'adore quand une phrase vient bousiller le propos de la précédente 
Oui, dans "Comment écrivez-vous?", ce sera très bien!

lester l gore a écrit:Mais je ne suis pas gentil, ça devrait se savoir, à force   .

Terrible de constater qu'on puisse en venir à oublier des choses aussi essentielles.
L'âge, sans doute. Naëlle devrait mettre son profil à jour et changer ce 22 ans en 82.  

Sinon, vous aurez remarqué que grâce au gentil Lester, le topic de Bloodfist vient de franchir le cap des 1000 vues. Night Stalker, surveille tes arrières. Et c'est vraiment le cas de l'écrire.

Léonox a écrit: Night Stalker, surveille tes arrières. Et c'est vraiment le cas de l'écrire.

Pour finir par avoir mal au dos comme Paladin ?   

Absolument. 
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Paladin hésite à lire mon roman.
Il craint que cela n'aggrave ses problèmes de... dos, donc.