(Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
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(Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
Salut à tous. Malgré cette période coronagitée, j'ai trouvé le temps d'écrire un petit quelque chose. Exercice sur la mise en forme, le style (et celui-là représente vraiment mon plaisir d'élaborer de belles phrases en variant leur forme, reste à savoir s'il convient aux idées portées et au rythme) ainsi que sur la création d'un personnage et en même temps, d'une ambiance. J'attends vos retours au moins sur chacun de ces aspects et vous en remercie d'avance. Portez-vous bien !
En attendant que son réveil sonne 7h30, Zackary Tilman imaginait à quoi ressemblerait son nouveau projet. Il n'avait même pas seize ans lorsqu'il avait découvert, dans un documentaire télévisuel, l'existence d'une pionnière en matière de médecine légale : Frances Glessner Lee. S'il n'avait pas retenu grand-chose de sa carrière, ni même de sa vie, Zackary avait en revanche développé une véritable fascination pour ses maquettes, lesquelles représentaient des scènes de crime diverses et variées. Et depuis cette rencontre par l'intermédiaire d'un tube cathodique, le quadragénaire n'avait cessé de marcher dans les pas de l'américaine. Plus d'une soixantaine de maquettes à son actif.
Zack tuait des journées entières dans son atelier sans jamais se préoccuper du nombre d'heures passées à conceptualiser et réaliser ses futures œuvres, sinon à peaufiner les anciennes. Meurtres, suicides, cause naturelle, accidents domestiques, les multiples visages de la mort avaient trouvé leur place derrière les imposantes vitrines de son meuble d'exposition. La chambre, initialement destinée à l'enfant qu'il avait toujours refusé d'avoir avec sa défunte femme, était devenu son musée. Sur la porte massive en pin, trois verrous protégeaient ce temple, et sous aucun prétexte, le disciple de Glessner Lee n'omettait leur verrouillage lorsqu'il devait s'absenter. A cela s'ajoutaient une fenêtre condamnée et un fusil de chasse accroché dans le sombre couloir donnant sur la pièce en question. Toujours chargé.
Ce week-end, Zackary assurait l'astreinte téléphonique, mais par chance, aucun appel ne l'avait encore arraché à sa passion. Pas de corps à aller chercher à bord du corbillard flambant neuf des pompes funèbres Delforte, dont il était l'un des porteurs attitrés.
Fils unique, Zack avait toujours été en décalage avec les autres enfants de son âge, possiblement à cause d'une éducation à la dure, entouré d'adultes eux-mêmes issus de branches du même acabit. Il avait fait de la solitude une seconde nature, tantôt dans le garage peu inutilisé que son père avait transformé en petit atelier, tantôt dehors, au bout de l'impasse, à glaner divers matériaux naturels pour compléter ses maquettes ou à construire des cabanes. Et les années n'avaient guère adouci ce tempérament d'ermite, bien au contraire.
Le réveil sonna. Zack quitta son lit, enfila ses claquettes et replaça la couette avant de se rendre dans la cuisine. Comme chaque matin depuis des années, il se prépara un bol de café sans sucre et trois tartines à la confiture de cerise griotte sur lit de beurre. Et comme chaque matin, il engloutit le tout en vue de regagner au plus vite son havre de paix, animé par l'image mentale de sa prochaine scène.
En ouvrant les volets, l'ermite découvrit un brouillard d'une densité telle qu'il l'observa avec attention, interpellé par le paradoxe qu'il incarnait : inquiétant et apaisant à la fois, définition qui correspondait parfaitement à son hobby.
Puis ses sourcils se froncèrent. Une silhouette suspecte ébauchait ses formes à travers les nappes grises, au milieu de l'allée donnant sur la rue. Il n'en fallait pas moins à Zackary pour que le calibre douze revoie la lumière du jour, si faiblarde soit-elle. Il empoigna l'arme et se rua dehors, canon levé :
— Vous êtes qui ? attaqua-t-il d'emblée. Et qu'est-ce que vous foutez chez moi ? Z'avez pas vu le panneau ?
La forme humanoïde avançait ainsi qu'un ivrogne et semblait n'avoir que faire de la mise en garde du maître des lieux.
— Vous êtes sourd ou quoi ? Demi-tour ou je vous plombe ! Dernier avertissement !
Trois pas de plus et le coup partit. Les feuilles du saule pleureur retombèrent sur les cheveux hirsutes de Zack. De ce coup de semonce en l'air ne résulta qu'une accélération de l'intrus grognant et gargouillant.
— Bordel, mais qu'est-ce que…
Un second tir détonna et toucha la cible, laquelle s'effondra sur le ventre à quelques mètres de sa position. N'ayant pas emporté de munitions supplémentaires, Zackary attrapa le fusil de façon à lui asséner des coups de crosse, si besoin.
— C'est quoi, ce truc ? s'étonna-t-il en s'approchant du corps inerte dont le sang sinuait au milieu des graviers.
Zack doutait. Cet être était-il seulement humain ? La question ne cessait de résonner dans son cerveau tandis qu'il tentait de retourner le cadavre, visqueux et brillant, du bout du canon.
Un rictus de stupéfaction déforma ses traits, déjà ravagés par de profondes rides.
— Joli tir, mon ami ! le félicita la voix calme d'un vieil homme, dans son dos.
Zack tuait des journées entières dans son atelier sans jamais se préoccuper du nombre d'heures passées à conceptualiser et réaliser ses futures œuvres, sinon à peaufiner les anciennes. Meurtres, suicides, cause naturelle, accidents domestiques, les multiples visages de la mort avaient trouvé leur place derrière les imposantes vitrines de son meuble d'exposition. La chambre, initialement destinée à l'enfant qu'il avait toujours refusé d'avoir avec sa défunte femme, était devenu son musée. Sur la porte massive en pin, trois verrous protégeaient ce temple, et sous aucun prétexte, le disciple de Glessner Lee n'omettait leur verrouillage lorsqu'il devait s'absenter. A cela s'ajoutaient une fenêtre condamnée et un fusil de chasse accroché dans le sombre couloir donnant sur la pièce en question. Toujours chargé.
Ce week-end, Zackary assurait l'astreinte téléphonique, mais par chance, aucun appel ne l'avait encore arraché à sa passion. Pas de corps à aller chercher à bord du corbillard flambant neuf des pompes funèbres Delforte, dont il était l'un des porteurs attitrés.
Fils unique, Zack avait toujours été en décalage avec les autres enfants de son âge, possiblement à cause d'une éducation à la dure, entouré d'adultes eux-mêmes issus de branches du même acabit. Il avait fait de la solitude une seconde nature, tantôt dans le garage peu inutilisé que son père avait transformé en petit atelier, tantôt dehors, au bout de l'impasse, à glaner divers matériaux naturels pour compléter ses maquettes ou à construire des cabanes. Et les années n'avaient guère adouci ce tempérament d'ermite, bien au contraire.
Le réveil sonna. Zack quitta son lit, enfila ses claquettes et replaça la couette avant de se rendre dans la cuisine. Comme chaque matin depuis des années, il se prépara un bol de café sans sucre et trois tartines à la confiture de cerise griotte sur lit de beurre. Et comme chaque matin, il engloutit le tout en vue de regagner au plus vite son havre de paix, animé par l'image mentale de sa prochaine scène.
En ouvrant les volets, l'ermite découvrit un brouillard d'une densité telle qu'il l'observa avec attention, interpellé par le paradoxe qu'il incarnait : inquiétant et apaisant à la fois, définition qui correspondait parfaitement à son hobby.
Puis ses sourcils se froncèrent. Une silhouette suspecte ébauchait ses formes à travers les nappes grises, au milieu de l'allée donnant sur la rue. Il n'en fallait pas moins à Zackary pour que le calibre douze revoie la lumière du jour, si faiblarde soit-elle. Il empoigna l'arme et se rua dehors, canon levé :
— Vous êtes qui ? attaqua-t-il d'emblée. Et qu'est-ce que vous foutez chez moi ? Z'avez pas vu le panneau ?
La forme humanoïde avançait ainsi qu'un ivrogne et semblait n'avoir que faire de la mise en garde du maître des lieux.
— Vous êtes sourd ou quoi ? Demi-tour ou je vous plombe ! Dernier avertissement !
Trois pas de plus et le coup partit. Les feuilles du saule pleureur retombèrent sur les cheveux hirsutes de Zack. De ce coup de semonce en l'air ne résulta qu'une accélération de l'intrus grognant et gargouillant.
— Bordel, mais qu'est-ce que…
Un second tir détonna et toucha la cible, laquelle s'effondra sur le ventre à quelques mètres de sa position. N'ayant pas emporté de munitions supplémentaires, Zackary attrapa le fusil de façon à lui asséner des coups de crosse, si besoin.
— C'est quoi, ce truc ? s'étonna-t-il en s'approchant du corps inerte dont le sang sinuait au milieu des graviers.
Zack doutait. Cet être était-il seulement humain ? La question ne cessait de résonner dans son cerveau tandis qu'il tentait de retourner le cadavre, visqueux et brillant, du bout du canon.
Un rictus de stupéfaction déforma ses traits, déjà ravagés par de profondes rides.
— Joli tir, mon ami ! le félicita la voix calme d'un vieil homme, dans son dos.
Re: (Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
J'ai lu et apprécié cette courte entrée en matière. Le personnage me parait correctement planté en quelques lignes avec quelques graines d'interrogations qui pourront être développées plus tard - telle que sa paranoïa - et qui accrochent le lecteur.
Re: (Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
Salut,
J'ai bien aimé ton introduction.
Ton personnage est bien décrit: j'arrive à me l'imaginer et la fin du récit est intrigante. Hâte de lire une suite (si suite il y a...)
J'ai bien aimé ton introduction.
Ton personnage est bien décrit: j'arrive à me l'imaginer et la fin du récit est intrigante. Hâte de lire une suite (si suite il y a...)
Hindi- Apprenti égorgeur
- Messages : 57
Date d'inscription : 23/03/2020
Age : 33
Localisation : Isère
Re: (Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
Hello, Phanthom !
Bien aimé aussi, c'est plutôt propre et sur les points attendus je n'ai rien à dire : on plante vite le décor et un début d'atmosphère, avec un personnage bien caractérisé. Cela dit, cette ébauche n'est pas tout à fait autosuffisante, on se demande qui (ou quoi) est ce cadavre et au final aucune explication.
Sinon, une formulation que j'ai trouvé un poil maladroite : "La forme humanoïde avançait ainsi qu'un ivrogne".
"Tel qu'un ivrogne " aurait été mieux je pense, mais même ainsi ça reste un poil bancal.
Sinon le cadavre "visqueux et brillant" me laisse un peu perplexe aussi, mais peut-être cela fait-il partie de cette atmosphère inquiétante que tu as essayé de poser (mais dans ce cas-là, il aurait peut-être fallu donner une ou deux bribes d'explications supplémentaires, ce qui rejoint ce que je disais plus haut).
Mais sinon sur la pure forme, je dirais que c'est un exercice plutôt réussi.
Bien aimé aussi, c'est plutôt propre et sur les points attendus je n'ai rien à dire : on plante vite le décor et un début d'atmosphère, avec un personnage bien caractérisé. Cela dit, cette ébauche n'est pas tout à fait autosuffisante, on se demande qui (ou quoi) est ce cadavre et au final aucune explication.
Sinon, une formulation que j'ai trouvé un poil maladroite : "La forme humanoïde avançait ainsi qu'un ivrogne".
"Tel qu'un ivrogne " aurait été mieux je pense, mais même ainsi ça reste un poil bancal.
Sinon le cadavre "visqueux et brillant" me laisse un peu perplexe aussi, mais peut-être cela fait-il partie de cette atmosphère inquiétante que tu as essayé de poser (mais dans ce cas-là, il aurait peut-être fallu donner une ou deux bribes d'explications supplémentaires, ce qui rejoint ce que je disais plus haut).
Mais sinon sur la pure forme, je dirais que c'est un exercice plutôt réussi.
Tak- Mélomane des Ondes Noires
Disciple des Livres de Sang - Messages : 6299
Date d'inscription : 01/12/2012
Age : 42
Localisation : Briançon, Hautes-Alpes
Re: (Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
Intéressant en effet. Comme le dit Tak, c'est propre du point de vue stylistique même si certaines de tes expressions ont parfois tendance à me sortir de ma lecture. Par exemple, autant je suis d'accord pour que l'on me dise que chaque matin il mange des tartines beurrées avec de la confiture, autant je ne suis pas certain de l'importance de la phrase : "Et comme chaque matin, il engloutit le tout...". Je pense que le "Et comme chaque matin" est superflu ici. Pareillement : des tartines de cerise griotte sur lit de beurre. On dirait un peu l'intitulé d'un menu dans un restaurant gastronomique, lorsque l'on se dit "ouais donc ok, l'écrasée de pomme de terre en vrai c'est rien d'autre qu'une purée". Personnellement, je pense que tartine beurrées avec de la confiture de griotte c'est suffisant. Et même c'est déjà trop. Est-il si important de savoir ce que mange ton personnage ? Oui, me répondras-tu parce que tu veux nous montrer qu'en plus d'avoir un hobby bizarre, il a des routines qui le rendent encore plus étrange et que c'est précisément ce que tu cherches à démontrer. Ok, si tel est le cas, garde ta phrase sur les tartines mais allège-là un peu. Je suis également d'accord avec Tak en ce qui concerne la forme dans le brouillard. Ici aussi le passage est un peu trop écrit à mes yeux. Tout comme " Une silhouette suspecte ébauchait ses formes à travers une nappe grise". Là, cette phrase me taraude. Quand tu dis que la silhouette ébauchait ses formes, tu veux dire qu'elle apparaissait progressivement ; qu'elle se dessinait dans le brouillard ? "Ébauchait ses formes" laisse penser à une action consciente de la part de la silhouette. Or, il me semble difficile ici d'avoir une intention de la silhouette en question... Je ne sais pas si je suis très clair ?
Bref, je trouve cet exercice plutôt réussi en dépit des deux trois trucs relevés plus haut.
Bref, je trouve cet exercice plutôt réussi en dépit des deux trois trucs relevés plus haut.
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
- Messages : 4040
Date d'inscription : 02/01/2012
Age : 50
Re: (Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
Merci tout le monde. Oui cette intro est un amuse-gueule à quelque chose de plus conséquent... Effectivement, je vais corriger ces quelques maladresses. Argh !!!! Et oui, les tartines, c'était pour cette "routine"...
Re: (Début d'histoire et exercice sur la création de personnage) 4600 SEC
Dans le genre routine de personnage dérangé (si c'est bien cela dont on parle) je te conseille de lire, si ce n'est déjà fait, American Psycho de Brett Easton Ellis (un de mes livres préférés, un de mes personnages préférés, et l'un de mes auteurs préférés). Point de vue routine, Bateman se pose là ! Mais ton texte est effectivement une excellente entrée en matière également.
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
- Messages : 4040
Date d'inscription : 02/01/2012
Age : 50
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