Profondo nero
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L'Écritoire des Ombres :: CONCOURS DE L'ÉCRITOIRE DES OMBRES :: Archives des concours hors-série :: Hors-série N°2 : Angoisse(s)
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Profondo nero
« Ceci n’est pas un rêve. » Quatre nuits déjà que je me réveille en sursaut, trempé d’une sueur malsaine, au son de la voix sans bouche qui vient scander ce slogan synthétique. Quatre nuits que des scènes soi-disant réelles tissent dans ma tête une toile d’araignée dont je ne puis me dépêtrer. Quatre nuits que leur apparente incohérence se mue de fil en aiguille en un tableau d’ensemble tatouant dans mon cerveau une insupportable impression de déjà-vu.
Du fil à l’aiguille. Tout commence entre chien et loup, alors que j’attends un bus qui n’arrive jamais dans une ruelle déserte. J’essaie d’identifier ce lieu qu’une main inconnue a ceint de ténèbres familières quand soudain, un être fardé et contrefait surgit du grand nulle part opaque tel un diable hors de sa boîte. Tout en ricanant, il boitille vers moi, puis me tend une photographie. C’est au moment où mes yeux se baissent sur le cliché que je me mets à hurler.
« Ceci n’est pas un rêve. » Le nain a disparu, remplacé par une silhouette inquiétante crachée par la pénombre. L’individu, coiffé d’un chapeau noir, est vêtu d’un long manteau de cuir de la même couleur et les traits de son visage sont dissimulés par un masque blanc inexpressif, percé de deux trous pour les yeux. Et ces yeux me brûlent tandis que la créature écarte les pans de son imperméable, pour découvrir lentement un tee-shirt écarlate coupé à hauteur du…
De Charybde en Scylla. Son nombril n’existe plus. À la place, un gouffre béant, obscène, dont émerge le manche d’un couteau. La silhouette masquée entreprend d’ôter le poignard de son ventre, fouillant les chairs molles de l’estomac, comme un chef d’orchestre dément lisant de sa baguette magique une partition d’avenir dans ses propres entrailles. Enfin, elle parvient à extraire l’arme et la pointe, sanglante et dégoulinante, vers un endroit précis de mon anatomie.
« Ceci n’est pas un rêve. » La nouvelle infirmière m’assure que c’en est un, mais je sais qu’elle ment. D’ailleurs je n’aime pas son regard. Pas plus que je n’aime son sourire ironique quand je lui raconte la dernière séquence. Car la créature vêtue de cuir m’a tout expliqué. Ses liens avec le nabot, et le fœtus humain placé dans un bocal sur la photo qu’il m’a montrée.
Du couteau à la plaie. La ruelle sombre. Le prédateur en maraude. Ce couple différent. Cette dissemblance moquée, puis violentée. Jusqu’au point de non-retour. Jusqu’à cet acte si ignoble que ma conscience l’a effacé. Jusqu’à cette impossible inversion du rapport de force, et ce souvenir d’une muette promesse quand les hommes en blanc sont venus me chercher.
La nuit prochaine la boucle sera bouclée. Ses boucles tomberont en cascade sur mon visage quand elle s’assiéra sur moi après avoir arraché son masque. Puis elle m’étranglera de ses longues jambes bottées de cuir avant de se pencher vers mon entrejambe. Et tout s’achèvera au moment où ses dents trancheront la pitoyable limace dont j’étais si fier en profanant sa grossesse, après qu’elle aura susurré une dernière fois : « Ceci n’est pas un rêve. »
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Du fil à l’aiguille. Tout commence entre chien et loup, alors que j’attends un bus qui n’arrive jamais dans une ruelle déserte. J’essaie d’identifier ce lieu qu’une main inconnue a ceint de ténèbres familières quand soudain, un être fardé et contrefait surgit du grand nulle part opaque tel un diable hors de sa boîte. Tout en ricanant, il boitille vers moi, puis me tend une photographie. C’est au moment où mes yeux se baissent sur le cliché que je me mets à hurler.
« Ceci n’est pas un rêve. » Le nain a disparu, remplacé par une silhouette inquiétante crachée par la pénombre. L’individu, coiffé d’un chapeau noir, est vêtu d’un long manteau de cuir de la même couleur et les traits de son visage sont dissimulés par un masque blanc inexpressif, percé de deux trous pour les yeux. Et ces yeux me brûlent tandis que la créature écarte les pans de son imperméable, pour découvrir lentement un tee-shirt écarlate coupé à hauteur du…
De Charybde en Scylla. Son nombril n’existe plus. À la place, un gouffre béant, obscène, dont émerge le manche d’un couteau. La silhouette masquée entreprend d’ôter le poignard de son ventre, fouillant les chairs molles de l’estomac, comme un chef d’orchestre dément lisant de sa baguette magique une partition d’avenir dans ses propres entrailles. Enfin, elle parvient à extraire l’arme et la pointe, sanglante et dégoulinante, vers un endroit précis de mon anatomie.
« Ceci n’est pas un rêve. » La nouvelle infirmière m’assure que c’en est un, mais je sais qu’elle ment. D’ailleurs je n’aime pas son regard. Pas plus que je n’aime son sourire ironique quand je lui raconte la dernière séquence. Car la créature vêtue de cuir m’a tout expliqué. Ses liens avec le nabot, et le fœtus humain placé dans un bocal sur la photo qu’il m’a montrée.
Du couteau à la plaie. La ruelle sombre. Le prédateur en maraude. Ce couple différent. Cette dissemblance moquée, puis violentée. Jusqu’au point de non-retour. Jusqu’à cet acte si ignoble que ma conscience l’a effacé. Jusqu’à cette impossible inversion du rapport de force, et ce souvenir d’une muette promesse quand les hommes en blanc sont venus me chercher.
La nuit prochaine la boucle sera bouclée. Ses boucles tomberont en cascade sur mon visage quand elle s’assiéra sur moi après avoir arraché son masque. Puis elle m’étranglera de ses longues jambes bottées de cuir avant de se pencher vers mon entrejambe. Et tout s’achèvera au moment où ses dents trancheront la pitoyable limace dont j’étais si fier en profanant sa grossesse, après qu’elle aura susurré une dernière fois : « Ceci n’est pas un rêve. »
3049 signes
Re: Profondo nero
Whoo, c'est assez impressionnant dans le rythme qui ne faiblit pas en entretenant la tension et l'ANGOISSE !
Il me faudra relire ton récit pour bien le comprendre ; mais nous serons d'accord que c'est l'ambiance qui prime ici, et que tu y réussis parfaitement.
J'ai bien noté quelques bricoles dans le style, mais elles s'effacent aussitôt devant l'ensemble du texte.
Bravo donc !
Il me faudra relire ton récit pour bien le comprendre ; mais nous serons d'accord que c'est l'ambiance qui prime ici, et que tu y réussis parfaitement.
J'ai bien noté quelques bricoles dans le style, mais elles s'effacent aussitôt devant l'ensemble du texte.
Bravo donc !
Doumé- — Mystagogue des Ombres — Disciple du Très Haut
- Messages : 1867
Date d'inscription : 28/01/2013
Age : 64
Localisation : Fréjus
Re: Profondo nero
J'aime! Ça me fait penser aux nouvelles des Territoires de l'inquiétude, l'anthologie d'Alain Dorémieux. On est pris dans la litanie noire au grand pouvoir d'évocation qui compte plus qu'une histoire construite de façon classique.
Tu devines aussi que certains aspects m'évoquent des choses :
Tu devines aussi que certains aspects m'évoquent des choses :
« Ceci n’est pas un rêve. » La nouvelle infirmière m’assure que c’en est un, mais je sais qu’elle ment. D’ailleurs je n’aime pas son regard.
Re: Profondo nero
Je suis un tout petit peu dubitatif... L'exercice de style est ciselé avec art et maîtrise mais (et ceci est tout à fait subjectif) je ne suis pas arrivé à me plonger dans cette nouvelle en forme de boîtes gigognes. Peut-être l'ensemble pêche t-il un peu par un manque de spontanéité.
Ou alors je ne parviens plus à rentrer dans ce type de narration qui me semble un peu trop éloigné d'une certaine forme de véracité... Je ne sais pas... Désolé, j'espère que vous ne m'en voudrez pas pour cet avis un peu décousu.
Ou alors je ne parviens plus à rentrer dans ce type de narration qui me semble un peu trop éloigné d'une certaine forme de véracité... Je ne sais pas... Désolé, j'espère que vous ne m'en voudrez pas pour cet avis un peu décousu.
Invité- Invité
Re: Profondo nero
Que dire Léonox ? J'attendais ta participation avec impatience, je ne m'en trouve pas déçu. Je crois que c'est Doumé qui parle de "force d'évocation", le mot est faible, un coup de poing dans la gueule à chaque paragraphe oui ! Ésotérique, certes, surtout pour quelqu'un comme moi qui a besoin de se rattacher à des éléments familiers. Mais Dieu que la chose est prenante, angoissante, terrifiante même ! J'ai relu le texte deux fois pour voir si l'effet était toujours là; il l'est : chapeau…
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
- Messages : 4040
Date d'inscription : 02/01/2012
Age : 50
Re: Profondo nero
Je suis assez d’accord avec Gernier, j’ai un peu de mal à me positionner par rapport à ce texte. Je n’ai pas de « critiques » à en faire, sauf ptt seulement pour des phrases un peu longues (début du texte)… le reste est bien maitrisé.
Je ne sais pas, j’ai eu l’impression de lire mais sans arriver à m’immerger dans l’histoire. Bon voilà.
Désolé pour ce commentaire si peu constructif !
A+
TwwT
Je ne sais pas, j’ai eu l’impression de lire mais sans arriver à m’immerger dans l’histoire. Bon voilà.
Désolé pour ce commentaire si peu constructif !
A+
TwwT
Re: Profondo nero
SILENCE a écrit:Je crois que c'est Doumé qui parle de "force d'évocation"
Non, c'est moi:
Paladin a écrit:
On est pris dans la litanie noire au grand pouvoir d'évocation qui compte plus qu'une histoire construite de façon classique.
... Le classement, y compris le podium (en général les textes préférés se détachent vite, le plus dur est de classer les autres) va être difficile à établir!
Re: Profondo nero
Paladin a écrit:SILENCE a écrit:Je crois que c'est Doumé qui parle de "force d'évocation"
Non, c'est moi:Paladin a écrit:
On est pris dans la litanie noire au grand pouvoir d'évocation qui compte plus qu'une histoire construite de façon classique.
Oups ! Désolé Pala… !
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
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Date d'inscription : 02/01/2012
Age : 50
Re: Profondo nero
Voici encore "du lourd" ! Tes mots ont une vie propre, qui force notre estomac à réagir.
Le sens du texte est obscur et une seule lecture ne suffit pas. Mais l'angoisse est saisissante.
Une vraie réussite !!!
Le sens du texte est obscur et une seule lecture ne suffit pas. Mais l'angoisse est saisissante.
Une vraie réussite !!!
mormir- — Arpenteur des mondes — Disciple de l'arbre noir
- Messages : 2638
Date d'inscription : 11/05/2013
Age : 60
Localisation : Près de Chartres
Re: Profondo nero
Certes le texte est rythmé et les évocations ont de quoi être angoissantes pourtant je ne parviens pas à entrer dans ce texte. Peut être ai-je trop essayé de comprendre l'histoire sous-jacente, je ne sais pas. J'aurais peut-être davantage de choses à dire après avoir lu les autres.
Perroccina- — — — — E.T à moto — — — — Disciple asimovienne
- Messages : 4109
Date d'inscription : 26/12/2012
Age : 59
Localisation : Béarn
Re: Profondo nero
@Doumé, Paladin, Silence et Mormir: un grand merci pour vos commentaires.
Ils me touchent beaucoup, et je suis heureux que le texte ait eu sur vous un tel impact.
Paladin, ta comparaison avec Les territoires de l'inquiétude m'honore. Vraiment.
Je n'en reviens toujours pas de t'avoir fait penser à ces magnifiques anthologies.
J'étais loin d'espérer des parallèles aussi prestigieux quand j'ai commencé à écrire ce texte à partir de quelques influences cinématographiques. J'avais d'ailleurs pensé à toutes les citer en dédiant le récit à ceux et celles qui l'avaient suscité, mais j'ai préféré m'abstenir en songeant que ça pourrait constituer une forme de spoiler. Je le ferai peut-être à la fin du concours.
Bref. Encore une fois merci beaucoup pour votre lecture et vos retours enthousiastes.
Ils me touchent beaucoup, et je suis heureux que le texte ait eu sur vous un tel impact.
Paladin, ta comparaison avec Les territoires de l'inquiétude m'honore. Vraiment.
Je n'en reviens toujours pas de t'avoir fait penser à ces magnifiques anthologies.
J'étais loin d'espérer des parallèles aussi prestigieux quand j'ai commencé à écrire ce texte à partir de quelques influences cinématographiques. J'avais d'ailleurs pensé à toutes les citer en dédiant le récit à ceux et celles qui l'avaient suscité, mais j'ai préféré m'abstenir en songeant que ça pourrait constituer une forme de spoiler. Je le ferai peut-être à la fin du concours.
Bref. Encore une fois merci beaucoup pour votre lecture et vos retours enthousiastes.
Re: Profondo nero
@Gernier, TwwT et Perro: pas de problème pour vos avis mitigés.
Je suis tout à fait conscient que certains de mes partis pris peuvent diviser.
Il m'arrive de laisser des lecteurs au bord de la route. Désolé que ce soit tombé sur vous.
Gernier, je retiens néanmoins ta phrase: "L'exercice de style est ciselé avec art et maîtrise".
Et je profite de l'occasion pour te demander une nouvelle fois d'opter pour le tutoiement.
Enfin, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Je suis tout à fait conscient que certains de mes partis pris peuvent diviser.
Il m'arrive de laisser des lecteurs au bord de la route. Désolé que ce soit tombé sur vous.
Gernier, je retiens néanmoins ta phrase: "L'exercice de style est ciselé avec art et maîtrise".
Et je profite de l'occasion pour te demander une nouvelle fois d'opter pour le tutoiement.
Enfin, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Re: Profondo nero
Malheureusement, je suis de ceux qui n'ont pas réussi à rentrer dans l'histoire.
D'un point de vue stylistique, c'est parfait, des phrases très belles. Mais côté intrigue, j'ai juste assisté à des images horrifiques qui, même si bien pensées et décrites, ne m'ont pas angoissées parce que je n'y ai rien compris. Je me demande encore si c'est simplement des flashs cauchemardesques à prendre comme tels ou si je suis le seul à pas avoir saisi l'histoire qui se cache derrière.
D'un point de vue stylistique, c'est parfait, des phrases très belles. Mais côté intrigue, j'ai juste assisté à des images horrifiques qui, même si bien pensées et décrites, ne m'ont pas angoissées parce que je n'y ai rien compris. Je me demande encore si c'est simplement des flashs cauchemardesques à prendre comme tels ou si je suis le seul à pas avoir saisi l'histoire qui se cache derrière.
Re: Profondo nero
Je vais essayer de vous tutoyer ! Quand je dis ça, c'est que ce texte m'a inspiré une comparaison avec Stanley Kubrick, bon c'est un cinéaste mais baste, cela servira mon propos.Léonox a écrit:Gernier, je retiens néanmoins ta phrase: "L'exercice de style est ciselé avec art et maîtrise".
Et je profite de l'occasion pour te demander une nouvelle fois d'opter pour le tutoiement.
Enfin, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Et j'aime vraiment beaucoup Kubrick ! Le seul véritable défaut de ses films c'est qu'ils sont incapables de transmettre une seule émotion. Si la chute de Barry Lyndon est pitoyable, le personnage nous est trop étranger, la caméra et l'esthétique trop distanciées pour que l'on puisse ressentir quoique ce soit par rapport au personnage principale.
Ce qui fait de Shining par exemple, un film aussi intéressant et génial que complétement raté puisque le spectateur n'est pas stressé deux secondes. Par contre le pétage de plomb de Nicholson vaut à lui seul le détour mais lorgne plus du côté de la comédie à force d'en faire des tonnes.
Bref, la nouvelle est très bien exécuté mais en même temps on reste de marbre face à cette enfilade énigmatique de cauchemars. En gros, il faut être plus "imparfait" pour parvenir à accrocher, c'est tout le paradoxe...
Invité- Invité
Re: Profondo nero
Gernier a écrit:Ce qui fait de Shining par exemple, un film aussi intéressant et génial que complétement raté puisque le spectateur n'est pas stressé deux secondes. Par contre le pétage de plomb de Nicholson vaut à lui seul le détour mais lorgne plus du côté de la comédie à force d'en faire des tonnes
Marrant parce que moi Shining m'a bien bien collé l'angoisse. Voir le gosse se déplacer sur son petit tricycle dans les couloirs de l'hôtel est un must de l'angoisse (selon mes critères, NdR !).
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
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