Le Chateau [ancien atelier]
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Le Chateau [ancien atelier]
par Invité Ven 28 Fév 2014 - 15:02
![Le Chateau [ancien atelier] Aff64](https://i.servimg.com/u/f55/12/48/42/20/aff64.jpg)
Bon, c'est pas vraiment une "œuvre d'art" stricto sensus, mais j'aime bien son côté gothique...
Et voici le petit texte qu'il m'inspire :
- Spoiler:
- Le voyage s’était montré encore plus éprouvant que prévu. Les chemins mal entretenus avaient chahuté l’attelage en tous sens pendant des jours, à travers les forêts, les collines et les tourbières. Mais cet interminable et épuisant périple touchait à sa fin. L’escorte à cheval ralentissait et le carrosse qui la transportait également. La jeune fille passa timidement la tête par l’ouverture de la portière. Il faisait déjà nuit, une de ces nuits brumeuses, froides et humides qui ne laissaient rien voir au-delà d’une vingtaine de pas et qui transperçaient les chairs et les os, glaçant l’être au plus profond de son âme.
Les petites flammes tremblotantes des quelques réverbères ne perçaient pas les ténèbres et s’agitaient frénétiquement dans leur cage de verre, comme des feux follet de mauvais augure. Un nuage dégagea l’astre lunaire et une pâle clarté dévoila la sinistre demeure. Elle se tenait là, au bout du chemin, grise et austère. Menaçante même. Ses fenêtres, tels des yeux inquisiteurs, semblaient fouiller la nuit. Et son portail, telle une bouche édentée, semblait vouloir se repaître du malheureux qui aurait l’audace de le franchir.
La jeune fille ravala un sanglot qui resta coincé dans sa gorge. Ici se déroulerait, à jamais, son avenir. Un avenir voué à la soumission, à l’enfermement, au désespoir. Une non-vie.
L’attelage stoppa complètement à quelques mètres du portail imposant et sinistre. L’ombre du château de Lord Havoc étalait ses doigts tentaculaires, semblant vouloir saisir hommes et bêtes pour les broyer.
Comment ses parents avaient-ils consentis à une telle union ? Lord Havoc était âgé de quarante ans de plus qu’elle. Un véritable vieillard par rapport à ses seize printemps. Elle ne l’avait jamais vu, ni en chair et en os, ni en portrait, mais les rumeurs qui courraient sur son compte étaient nombreuses et effrayantes. On le disait ermite, d’une laideur repoussante, cruel envers ses sujets, impitoyable envers ceux qui osaient le défier ou lui désobéir. Comment pourrait-elle vivre auprès d’un tel homme ? Elle qui rêvait du grand amour, de liberté, de fêtes et de jeux, comme toutes les jeunes filles de son âge, elle qui était douce, timide et jolie comme un cœur… Elle voyait s’effondrer à jamais tous les projets qu’elle aurait pu faire. Le visage de celui qu’elle aimait en secret flotta un instant devant ses yeux. Il n’était que fils de baron, une situation pas assez élevée pour ses parents. Alors que Lord Havoc était comte.
Un des hommes de l’escorte ouvrit la porte du carrosse, installa le marchepied et l’invita à descendre tout en s’inclinant. La jeune fille s’extirpa non sans difficulté de l’étroit véhicule ; sa robe imposante gênait ses mouvements. Ses pieds se posèrent sur les pavés glacés et elle réprima un frisson, dû tout autant au froid qu’au dégoût qui la saisit. Elle leva lentement les yeux vers la bâtisse qui, dorénavant, serait sa demeure et sa prison. Car elle le savait, le Lord d’une jalousie maladive ne la laisserait jamais sortir d’ici, il la garderait pour lui seul, tel un trophée sans prix.
Les hommes de l’escorte, après avoir mis pied à terre, se dirigeaient vers le portail dont la herse se soulevait lentement, égrenant, inexorable, les dernières minutes de liberté de la jeune fille. Aucun ne semblait se préoccuper d’elle. Lentement, elle suivit le mouvement sur le pont de pierre qui menait au portail. Il enjambait un gouffre si profond qu’on le disait sans fin.
Alors, d’un pas leste, elle sauta sur le parapet, sourde aux cris. Fermant les yeux, elle refusa son destin imposé. Elle seule déciderait de sa vie. Ou de sa mort.
Invité- Invité
Re: Le Chateau [ancien atelier]
par Paladin Ven 28 Fév 2014 - 15:20
Joli!
Une ambiance bien rendue par la description du lieu, par le résumé de cette fatalité qui pèse sur cette malheureuse jeune fille, et cette fin qu'on ne voit pas venir... Une excellente "short short story", bravo!
Edit: en fait, Chasseuse, il n'est pas nécessaire de choisir un oeuvre d'art "stricto sensu": le principe est de se laisser aller à écrire à partir d'une image qui inspire: tableau, illustration, dessin, photo, etc...
Une ambiance bien rendue par la description du lieu, par le résumé de cette fatalité qui pèse sur cette malheureuse jeune fille, et cette fin qu'on ne voit pas venir... Une excellente "short short story", bravo!
Edit: en fait, Chasseuse, il n'est pas nécessaire de choisir un oeuvre d'art "stricto sensu": le principe est de se laisser aller à écrire à partir d'une image qui inspire: tableau, illustration, dessin, photo, etc...
Dernière édition par Paladin le Ven 28 Fév 2014 - 18:38, édité 1 fois
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Re: Le Chateau [ancien atelier]
par Jack-the-rimeur Ven 28 Fév 2014 - 17:39
'Mande pardon ! Je sais que j'ai tort, mais j'ai pas pu résister :
- Spoiler:
- Lord Havoc, ulcéré, fit mettre des barques à l'eau. Parmi les serviteurs, tous ceux qui savaient nager se virent sommés de plonger dans les ondes noires et visqueuses tandis que les autres sondaient les profondeurs des douves, munis de perches, ou fouillaient les épais buissons épineux au bord de la rive.
Mais le corps de la jeune fille demeura introuvable. Après deux jours de recherches frénétiques et vaines, Lord Havoc (qui n'avait plus personne pour préparer ses repas et commençait à avoir la dent) finit par renoncer.
Trouver une nouvelle fiancée, il n'y fallait plus songer. C'était la troisième qui disparaissait ainsi avant d'avoir atteint la herse, ce qui n'allait pas manquer de chatouiller désagréablement les oreilles du roi. Une quatrième lui coûterait probablement son titre, ou plus encore. Il n'avait déjà que trop joué avec le feu. Cela ne l'enchantait pas outre mesure mais tant pis : faute de grives... Et il se résigna à commander une de ces nouvelles poupées gonflables dont il avait entendu vanter le réalisme.
A propos de poupées, personne ne fit attention à celle qu'épousa, quelques temps plus tard, le troisième et dernier fils du meunier : une jeune paysanne lumineuse aux longs cheveux dorés en queue de cheval et aux manières charmantes. Et, parmi les invités de la noce, aucun ne se hasarda à émettre de question sur son origine ou celle des carpes grasses qu'on leur servit à table. Ils étaient trop bien élevés pour ça. Et tous savaient qu'un des passe-temps préférés (quoique risqué) du meunier, pour améliorer son ordinaire, était d'aller pêcher en douce, de nuit, à la lanterne, dans les douves du château, dissimulé sous le pont au regard des gardes.
Un loisir passionnant et méconnu, la pêche. Vous n'avez pas idée de ce qu'on peut en ramener !
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Re: Le Chateau [ancien atelier]
par Paladin Ven 28 Fév 2014 - 18:43
Pas mal comme conclusion, Jack! Pas mal du tout... Mais elle est un peu en rupture de ton avec le texte de départ !
- Spoiler:
- En tout cas, on peu imaginer que la jeune fille a survécu, et que lui est-il arrivé? Ça pourrait être le début d'un roman... Peut-être que je me pencherai la-dessus, plus tard, tient! Pour le moment je vais chercher des idées pour le concours, moi qui incite tout le monde à le faire...
Dernière édition par Paladin le Dim 2 Mar 2014 - 12:47, édité 1 fois
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Re: Le Chateau [ancien atelier]
par Ulysse Dim 2 Mar 2014 - 10:56
Jack-the-rimeur a écrit:'Mande pardon ! Je sais que j'ai tort, mais j'ai pas pu résister :
- Spoiler:
Mais le corps de la jeune fille demeura introuvable. Après deux jours de recherches frénétiques et vaines, Lord Havoc (qui n'avait plus personne pour préparer ses repas et commençait à avoir la dent) finit par renoncer.
Trouver une nouvelle fiancée, il n'y fallait plus songer. C'était la troisième qui disparaissait ainsi avant d'avoir atteint la herse, ce qui n'allait pas manquer de chatouiller désagréablement les oreilles du roi. Une quatrième lui coûterait probablement son titre, ou plus encore. Il n'avait déjà que trop joué avec le feu. Cela ne l'enchantait pas outre mesure mais tant pis : faute de grives... Et il se résigna à commander une de ces nouvelles poupées gonflables dont il avait entendu vanter le réalisme.
A propos de poupées, personne ne fit attention à celle qu'épousa, quelques temps plus tard, le troisième et dernier fils du meunier : une jeune paysanne lumineuse aux longs cheveux dorés en queue de cheval et aux manières charmantes. Et, parmi les invités de la noce, aucun ne se hasarda à émettre de question sur son origine ou celle des carpes grasses qu'on leur servit à table. Ils étaient trop bien élevés pour ça. Et tous savaient qu'un des passe-temps préférés (quoique risqué) du meunier, pour améliorer son ordinaire, était d'aller pêcher en douce, de nuit, à la lanterne, dans les douves du château, dissimulé sous le pont au regard des gardes.
Un loisir passionnant et méconnu, la pêche. Vous n'avez pas idée de ce qu'on peut en ramener !
Quel cadavre exquis que les surréalistes ne renieraient pas !
- Spoiler:
- je le trouve d'autant plus savoureux que cette expression s'applique aussi au sens littéral
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Re: Le Chateau [ancien atelier]
par mormir Dim 2 Mar 2014 - 11:45
Bravo à notre amie chasseuse qui a su parfaitement rendre l'atmosphère lugubre de l'image.
Et aussi à Jack, qui a parasité le texte avec humour !
Et aussi à Jack, qui a parasité le texte avec humour !
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Re: Le Chateau [ancien atelier]
par Jack-the-rimeur Dim 2 Mar 2014 - 16:09
J'espère que Chasseuse ne m'en voudra pas. Elle sait tout le bien que je pense de son talent et son histoire se suffit amplement à elle-même. La rupture de ton de mon raccord pirate ne saurait d'ailleurs prêter à confusion : un clin d'oeil amical en témoignage d'intérêt sincère, rien de plus.
Je ne sais plus quel est cet auteur (Jules Renard, peut-être) qui avait débuté à l'adolescence en réécrivant, pour faire plaisir à sa petite soeur, les derniers chapitres des romans qui finissaient mal...
Tous les justiciers masqués ne font pas les Z avec une épée.
Je ne sais plus quel est cet auteur (Jules Renard, peut-être) qui avait débuté à l'adolescence en réécrivant, pour faire plaisir à sa petite soeur, les derniers chapitres des romans qui finissaient mal...
Tous les justiciers masqués ne font pas les Z avec une épée.
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Re: Le Chateau [ancien atelier]
par Invité Dim 9 Mar 2014 - 9:44
![Le Chateau [ancien atelier] 13909970](/users/1515/20/22/14/smiles/13909970.gif)
J'ai bien ri ! Pas mal, cette suite...
D'ailleurs, pourquoi ne pas continuer ? Chacun pourrait apporter sa contribution (autour de 500-600 mots) et en faire une plus longue histoire qui, tel le jeu du téléphone arabe, partirai en quenouille, la fin n'ayant plus aucun rapport avec le début !
A+
Invité- Invité
Re: Le Chateau [ancien atelier]
par FRançoise GRDR Dim 9 Mar 2014 - 11:22
Ton texte est vraiment très bien et colle à la photo. Il est en effet propice à des développements imprévisibles...
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Re: Le Chateau [ancien atelier]
par Ulysse Sam 15 Mar 2014 - 8:55
chasseuse de la nuit a écrit:
J'ai bien ri ! Pas mal, cette suite...
D'ailleurs, pourquoi ne pas continuer ? Chacun pourrait apporter sa contribution (autour de 500-600 mots) et en faire une plus longue histoire qui, tel le jeu du téléphone arabe, partirai en quenouille, la fin n'ayant plus aucun rapport avec le début !
A+
Puisque tu donnes ta bénédiction, je me suis amusée un peu , c'est un clin d'oeil aux contes de mon enfance:
- Spoiler:
- Les jeunes mariées s’installèrent dans une petite maisonnette à l’orée du village. Le fils du meunier travaillait dur à la ferme d’à côté. Son frère aîné travaillait avec leur père au moulin, le cadet venait d’épouser la fille du boulanger mais en tant que benjamin d’une fratrie il ne pouvait compter que sur lui-même. Il espérait pouvoir acheter, dans quelques année,s un lopin de terre .
Sa jeune épouse semblait heureuse avec lui , elle était gaie comme un pinson et chantonnait souvent. Elle s’occupait de leur petit nid, l’embellissait d'un rien : quelque fleurs ici, de joli rideaux par là . Et si on voyait bien que ses mains blanches et délicates n’étaient guère habituées aux rudes besognes, elle s’adaptait sans heurts à sa nouvelle vie ; savourant sa chance d’épouser un homme qui lui plaisait et de vivre loin des obligations que son rang lui imposaient. Le visage du fils du baron s’estompait lentement.
Elle apprit aussi à préparer les carpes : les écailler, leur ouvrir le ventre, les vider et enfin les faire tremper quelques heures dans un mélange d’eau et de vinaigre.
Un jour qu’elle s’occupait d’une belle prise, elle trouva au milieu des entrailles un anneau d’or. Intriguée, elle nettoya pour l’examiner de plus près.
Il semblait être ancien , plusieurs rayures griffaient la surface et atténuaient son éclat. De minuscules saphirs étaient incrustés dans le métal.
Elle hésita sur la conduite à tenir ; à qui pouvait appartenir ce bijou ? À quelqu’un du village ? Certainement pas ! Personne ne s’approchait du château à part son mari et de toute manière même le riche meunier n’aurait pas les moyens de s'offrir une telle bague.
Cet anneau avait sûrement passé plusieurs années au fond de l’eau –ou dans le ventre du poisson ; son époux lui avait dit que les carpes pouvaient vivre plusieurs dizaines d’années.
Il avait l’air d’être fait pour une main fine , comme la sienne. Elle glissa son doigt dans l’anneau et le fit pivoter pour l'ajuster.
Une odeur de vase envahit le logis,méduséé elle vit apparaître devant elle un être étrange. Il mesurait sept pieds de haut , ses long cheveux bruns lui descendaient jusqu’aux épaules et sur sa tête reposait une couronne d'algues tressées. Il était drapé d’un long manteau brun vert. Sa chevelure et ses vêtements gorgés d’eau gouttaient sur le sol et, dans la flaque formée à ses pieds, des petits poissons frétillaient.
─ Qui invoque Vodnek, Grand Roi des Ondins ?
Le regard interloqué de la jeune fille allait alternativement de l’anneau à la créature. Son éducation refit surface, elle esquissa une révérence:
─ Sire, pardonnez-moi de vous importuner, je voulais juste essayer l’anneau, je l'ai trouvé en préparant le repas.
Le regard du roi se posa sur le bijou, glissa jusqu'à la carpe éventrée puis il plongea son regard dans les yeux de la jeune fille, comme pour sonder son âme.
─ Il appartient à ma fille Valinia, elle s'est toujours aventurée plus loin que ses soeurs et nous a causé bien du souci. Elle n'a jamais osé nous dire où elle l'avait égaré; d'où vient donc cette carpe ?
─ Des douves du château, Sire, mon époux s'y rend souvent pour pêcher. Je suis heureuse de pouvoir vous restituer ce qui vous appartient.
Elle ôta la bague puis la tendit au seigneur des ondins. Il s'empara de l'anneau; sa main était fraîche, humide et elle s'aperçut qu'il avait les doigts palmés. Un léger sourire adoucit ses traits sévères :
─ Je tiens à te récompenser, d'autres que toi ,réalisant la valeur de l'anneau, auraient oeuvrer pour le conserver. Je serais donc le parrain de ton premier enfant. Quand il sera né, vient à la rivière et appelle moi, en disant " Vodnek, Rois des ondins, souviens-toi de l'anneau de Valinia ! Je viens à toi pour te présenter mon enfant".
La jeune femme s'inclina pour le remercier. Quand elle se redressa, il avait disparu, abandonnant perches et ablettes sur le sol détrempé.
Le soir, ils se régalèrent de petits pâtés de poisson.
─ Ils sont encore meilleurs que d’habitude, tu as changé quelque chose à la recette ?
─ Les cuisinières ne dévoilent jamais tous leur secrets répondit-elle avec un sourire mailiceux.
Ulysse- Écritoirien émérite
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