Ceux des ombres

Bon, finalement...

J'ai écrit ça en cinq minutes, mais j'en ai chié deux jours durant pour rentrer dans les limites. 1095 signes. Je pensais pas que c'était si difficile, mais c'est un exercice interessant pour apprendre à épurer un texte. Je m'en souviendrais.

Donc voilà :

Y sont avec moi, dans les ombres.
Depuis tout petit y me préviennent : des gens m'veulent du mal.
J'crois qu'y ont raison.
A dix ans, les ombres ont dit que la fille des voisins était mauvaise.
Elle se moquait, j'suis gros, et ma tête est pas bien faite, cause
que mon père m'avait tapé. Les ombres disaient qu'elle voulait me
couper les couilles. Alors, j'l'ai coincée dans les chiottes à la
récré. J'y ai cassé la tête sur les WC. Les ombres criaient de
taper plus fort. J'me sentais bien. Ça me sortait des trucs sales.
J'avais la trique. J'étais bien.
Y m'ont enfermé, j'ai fait l'tour des centres, des foyers, vu plein de
docteurs. Les ombres me soufflaient ce que j'devais dire pour m'en
sortir. J'ai retrouvé la liberté à seize ans. Me suis tenu à
carreaux, pas con, les ombres disaient d'attendre. Juste attendre.
Et puis elles sont revenues me hurler que les gens me regardaient. J'en
ai eu quatre, sont dans la cave du HLM, y'en a plein d'autres qui
m'regardent. Suis prêt, j'ai mon couteau.
Toi, là, dans ton fauteuil, tu m'regardes aussi !
R'garde bien alors !
Parce que j'arrive...

Bravo ! Du réel bien rendu, de l'Homère dialogué. Ton texte se démarque des nôtres comme un coup de poing ! . Et pour moi, les dialogues collent bien au détraqué que tu nous brosses.


Fais chier : nous (ou moi), à vouloir faire trop style on s'est mis dedans. Dans ce concours, je te mets premier loin devant les autres, à part Zaroff qui es de ta race . Bon on a pas vu tout le monde encore, ok, et d'autres textes sont supers mais, pour moi, tu as le pompon

Merci Doumé
Cathy : les m', c'était une combine pour économiser des signes...

Du lourd.
Brutal, malsain, avec un style sans fioritures particulièrement adapté au format.
Un label "Trash approved", en quelque sorte.
Je relirai tous les textes avant de voter, mais il est d'ores et déjà acquis que celui-là figurera quoiqu'il advienne sur mon podium perso. Bravo Didier.

Excellent, approche originale, dérangeante et finalement tellement réelle. On sent le vécu... Non je plaisante. Mais tu as certainement du te mettre dans la peau de ce dément pour écrire. Vraiment bien trouvé. J'adhère.

Merci.
En fait, je ne sais pas trop quels mystères ont présidé à l'accouchement de ce petit texte. Comme souvent, c'est la phrase de départ (Depuis que je suis tout petit, ils sont avec moi, cachés dans les ombres) qui a donné l'impulsion, mais ça faisait un bon moment que je cherchais ce que je pourrais bien raconter pour ce concours. Jusqu'à annoncer que je n'y participerai pas.
Cette première phrase m'est donc tombée dessus, j'ai laissé le stylo courir, et en chemin, la fin s'est imposée toute seule, quand le narrateur se retourne vers le lecteur pour s'adresser directement à lui.

Après, se mettre dans la peau... on voit tellement de trucs aux nouvelles, ma femme est accro aux reportages sensations des crimes, des histoires de flics, des petits meurtres en famille, des tueurs en série et tout ça, qu'à force, un gars comme moi ne peut que en retenir des morceaux croustillants.

Simple et percutant ! Je partage l'avis de Doumé : le travail donne un style, le talent une réussite.
Bravo !!!

Travail au corps et crochet du droit pour conclure ! Du Fédou comme on l'aime, net et (quasiment) sans bavure.
Le Balboa de l'écritoire a encore frappé !

Vous êtes bien indulgents, parce que j'ai tellement élagué pour rentrer dans les limites que je ne vois plus qu'un squelette un peu désossé, le texte original (2000 et quelques mots) avait des rondeurs plus appétissantes.

Didier Fédou a écrit:Vous êtes bien indulgents, parce que j'ai tellement élagué pour rentrer dans les limites que je ne vois plus qu'un squelette un peu désossé, le texte original (2000 et quelques mots) avait des rondeurs plus appétissantes.

Ben non justement, ce sont les aspérités du squelette qui donnent ce charme à ton texte !

Je comprends mieux pourquoi Zaroff et Paladin te traitent d'enfoiré chaque fois qu'il est question de concours, d'AT et autres joyeusetés littéraires. Au début, tu nous as dit: "J'trouve rien, j'participerai pas!" puis, quelques jours plus tard, t'arrives avec tes gros sabots: "Bon, en fin de compte j'ai un truc, mais j'en ai chié pour le pondre." Et le lendemain, deux ou trois personnes te placent déjà sur un piédestal. Laisses-en un peu aux autres, quoi!

Bref, revenons au texte. Je suis de l'avis de Catherine. Quitte à écrire comme on pense/parle (même si à la base c'était que pour grappiller quelques signes), autant y aller à fond. Parce que moi, en pinailleuse de mon état, une fois que j'ai vu les élisions, je les attendais partout ailleurs (dans la mesure où ça gênait pas la compréhension du texte). Or, je les ai pas trouvées partout. Mais bon, comme indiqué deux lignes plus haut, c'est du pinaillage. Parce que j'ai bien aimé, sinon.

Excellent texte Didier ! Ce qui est fort ici, c'est le côté visuel. Le personnage est là, il existe, il est réel. Tu ne le détailles pas (pas le temps, pas assez de signes) mais qu'importe. On l'imagine, que dis-je !, on le voit. La scène des toilettes est particulièrement bien rendue. Le truc d'écriture qui, à mon sens, sonne vrai c'est le "cause" que mon père... Il sonne juste celui-là. En moins de 1000 signes tu réussis à nous faire froid dans le dos. Bravo.

Très bon texte nerveux. Le parti pris du langage "parlé" m'a un peu déstabilisé. Excellente mise en scène. C'est sûr qu'il tient la route et que tu passeras haut la main au-dessus de nous tous ! Pffff !

Que dire qui n'a déjà été dit ?

J'ai apprécié l'économie du style, même s'il est vrai que la langue est inégalement "torturée" à certains endroits, et la force de l'évocation. Au point que la chute me semble de trop... La véritable conclusion, le point d'orgue, c'est selon moi "Suis prêt, j'ai mon couteau." Je trouve que la suite n'apporte finalement rien au texte et, constituant un effet un peu éculé, l'affaiblit en fin de compte.

Mais je suis d'accord pour dire que c'est une excellente microfiction.