Le cas Julia Verlanger-Gilles Thomas, ou l'Aventurière magique

"Elle n'était pas humaine. Ou si peu." (...)
"Elle avait un visage triangulaire de chatte, posé sur un joli cou rond, et des yeux d'eau grise, des yeux très clairs, obliques, couleur d'étang sous la pluie. Des yeux. Et c'était tout. Pas de nez, pas de bouche, rien d'autre."
"Elle ne respirait pas, elle ne mangeait pas. Elle vivait."

Le style Julia Verlanger, c'est ça : l'évocation sans affectation, l'étrangeté dans la simplicité, et une orchestration enjôleuse ou trépidante mais qui ne vous lâche pas.
Les grandes questions, la psychologie profonde, elle ne s'y arrête guère, sinon par transparence. Ce qu'elle aime, c'est raconter des histoires, histoires colorées et mouvantes dans ses romans ou pastels plus intimes et sombres de ses nouvelles.

Cinq ans de nouvelles, quinze ans de silence et cinq ans de romans, une trajectoire littéraire de comète erratique pour une lady fantôme dont on ne sait quasiment rien, hormis qu'elle rêvait de tordre la tour Eiffel en forme de gigantesque point d'interrogation.
Le portrait qu'en esquisse Stefan Wul (pessimiste et exubérante, bavarde et contemplative, dolente et indignée) est plein de ces contrastes versatiles communs à tant de femmes.

Pas une photo, aucun détail sur elle-même, son enfance ou sa famille, rien que ce que l'on pourrait lire sur n'importe pierre tombale :
Eliane Taïeb, née Grismaître, née le 7 décembre 1929 et décédée le 23 septembre 1985. Des suites d'un cancer ? même cela n'est pas révélé.
Comme si sa vie tout entière se résumait à sa bibliographie.

Elle place sa première nouvelle "les Bulles" en 1956 dans le n° 35 de Fiction.
Puis une vingtaine d'autres, de 57 à 61, dans les revues Galaxie, Fiction, Satellite et Ailleurs.
Une seule en 63, "Chasse au rêveur", Fiction n°118.
Une seule encore en 73, "les Rois détrônés", Lunatique n° 68...

Puis vient l'année 1976 et le début de la déferlante romanesque :
- "les Portes sans retour" (J. Verlanger), Masque Fant. série 1, n° 3.
- "les Hommes marqués" (G. Thomas), FN Ant. n° 737.
- "l'Autoroute sauvage" (G. Thomas), FN Ant n° 742.
- "la Flûte de verre froid" (J. Verlanger), Masque Fant. série 1, n° 9.
____1977 (Tous les romans suivant sont signés Gilles Thomas) :
- "la Croix des décastés", FN Ant. n° 767.
- "la Mort en billes", FN Ant. n° 727.
- "Magie sombre", FN Horizons de l'au-delà n°35.
- "les Ratés", FN Ant n° 818.
____1978 :
- "les Voies d'Almagiel", FN Ant n° 832.
- "la Légende des niveaux fermés", FN Ant n° 841.
- "l'Ange aux ailes de lumière", FN Ant n° 873.
____1979 :
- "l'Ile brûlée", FN Ant n° 910.
- "D'un lieu lointain nommé Soltrois", FN Ant. n° 928.
- "la Jungle de pierre", FN Ant. n° 949.
____1980 :
- "Horlemonde", FN Ant n° 991.
- "la Porte des serpents", FN Ant; n° 1013.
____1982 :
- "les Cages de Belthem", FN Ant. n° 1191.
____(Posthumes) 1995 :
( Version intégrale des "Cages de Belthem" en 2 vol. : )
- "Acherra", FN Ant. n° 1968.
- "Offren", FN Ant. n° 1969.
____1996 :
- "les Oiseaux de cuir" (recueil de 24 nouvelles), FN Ant n° 1999.
(seul recueil de nouvelles de la coll. qui se referma 2 n° plus tard avec "2OO1, l'Odyssée de l'espèce" de Roland Wagner.)

Exceptés les posthumes, tous les G. Thomas, y compris "Magie sombre", et les deux J. Verlanger du Masque ont été réédités dans la coll. Anticipation du Fleuve Noir avec des n° différents. Deux fois même pour "l'Autoroute sauvage" : n° 1668 et n° 1925.

Bien que d'une qualité nettement au-dessus de la moyenne, je rappelle qu'il s'agit avant tout (du moins pour les romans) de littérature populaire. Qu'il soit esclave, prisonnier, prospecteur ou révolté, le héros est généralement un homme jeune, vif, bien bâti et dur au mal pour traverser victorieusement une série d'embûches et de contrariétés soigneusement concoctées. C'est de l'action sans temps mort conçue pour bien finir.

D'un point de vue thématique, sur les 17 romans :
- 12 ont une galaxie dépourvue d'extraterrestres pour toile de fond, même pour "les Portes sans retour" à l'atmosphère médiévale,
- 3 sont des post-apocalypse : "l'Autoroute...", "la Mort en billes" et "l'Île brûlée",
- 1 relève du fantastique pur : "Magie sombre",
- 1 est une histoire de gestalt à la Sturgeon : "les Ratés".

Quand j'aurai ajouté que seuls trois d'entre eux ne sont pas écrits à la première personne du singulier, je crois que j'aurai fait le tour du sujet.
Je vais me boire un petit café, tiens.

P-S : J'oubliais : un roman hommage à la trilogie de "l'Autoroute" a été écrit par un certain Thomas Géhat. Cela s'appelle "A comme Alone" et c'est à la Rivière Blanche. Les critiques ont eu l'air d'apprécier...
Non, celui-là, je ne l'ai pas.
Pas encore...

On peut trouver les intégrales de cette auteure chez Bragelonne.

Parce qu'il est inacceptable que sur un forum "consacré aux littératures de genre" un tel topic n'ait jamais reçu qu'une seule réponse.
Parce que mieux vaut tard que jamais.


http://www.bragelonne.fr/livres/View/la-terre-sauvage

http://www.bragelonne.fr/livres/View/recits-de-la-grande-explosion

http://www.bragelonne.fr/livres/View/dans-les-mondes-barbares

http://www.bragelonne.fr/livres/View/les-portes-de-la-magie

http://www.bragelonne.fr/livres/View/les-parias-de-l-impossible

Parce que sur le blog que je partage avec Zaroff, nous avons récemment créé une catégorie spécialement dédiée au Fleuve Noir.
Et parce que le loustic est un sacré bon chroniqueur.

http://gorezaroff.over-blog.com/2013/12/les-portes-sans-retour-gilles-thomas.html
http://gorezaroff.over-blog.com/2013/12/les-rat%C3%A9s-gilles-thomas.html
http://gorezaroff.over-blog.com/2015/01/les-hommes-marques-gilles-thomas.html
http://gorezaroff.over-blog.com/2017/12/magie-sombre-gilles-thomas.html

Merci à toi. Cette femme mérite toute notre admiration.

Bien vu, je n'en ai lu que 2, il y a fort fort longtemps, remettre son œuvre sur le devant de la scène me donne soudainement envie d'y replonger !

Je crois n'en avoir lu qu'un, Magie sombre, la dernière chronique justement du Zaza sur son blog. J'ai dû le chroniquer aussi. En fait, je suis sûre que je l'ai chroniqué, mais je ne sais plus où je l'avais fait (sur "Vos dernières lectures" ou sur mon blog). Ce que je peux dire en tout cas, c'est que j'avais beaucoup aimé et que je n'ai pas oublié l'histoire (ce qui reste un signe de qualité).

Je ne connais pas du tout cette auteure... (Julia Verlanger, hein, parce que Catherine Robert, je connais, elle écrit des trucs dégueus...)

Moi non plus je ne connais pas, mais ça a l'air intéressant.