La petite fille aux allumettes [ancien atelier]

La petite fille marchait le long des grands boulevards. Elle
allait et venait sans cesse depuis le début de l’après-midi. La neige tombait
abondamment sur les trottoirs blancs de la ville. Transie de froid, elle
n’avait pas trouvé d’autres moyens pour se réchauffer. Il faisait nuit depuis
un moment. Fatiguée par la distance parcourue et par la faim qui la tenaillait
de plus en plus, elle décida de s’arrêter près de la porte d’un grand magasin.
La chaleur provenant de l’intérieur était douce et lui chatouillait
agréablement le nez et les oreilles. A travers la grande vitrine illuminée, une
magnifique poupée contemplait la rue d’un air rempli d’aise. Ses cheveux
étaient bouclés et d’une couleur rayonnante. Elle était vêtue de vêtements
soigneusement tissés et aux courbes élégantes. La petite fille ne pu s’empêcher
de penser qu’ils devaient être bien plus chauds que les siens. Alors qu’elle
était ébahie par ce spectacle, une autre fillette à l’intérieur du magasin
s’empara vivement de la poupée. Elle la montra à son père qui se contenta de
hocher la tête pour afficher son consentement. A ce moment précis deux hommes
s’approchèrent de la jeune fille dehors et lui demandèrent ce qu’elle faisait
là. N’obtenant aucune réponse ils lui intimèrent d’aller ne rien faire un peu
plus loin, sa saleté apparente risquant de désappointer les clients. Mais la
fillette refusant de quitter des yeux la poupée, objet de toute son attention,
ils durent la repousser violemment jusqu’au coin de la rue où elle pu estimer
la fraicheur de la neige au sol au contact de ses joues. Reprenant sa marche
interrompue brièvement, elle se demandait de quel côté aller. Instinctivement
elle reprit le chemin de la maison. Mais une fois parvenue sur le seuil, une
vieille dame lui répéta comme elle l’avait fait le jour précédent qu’il n’était
plus question pour elle de venir ici. Que sa maman, la domestique était morte
et que maintenant elle était assez grande pour s’occuper d’elle-même. Désorientée
par la colère de la vieille femme, la petite fille continuait son chemin au
hasard des rues en ne pensant à rien. Jusqu’à un croisement où elle tomba sur
la poupée du magasin, où plutôt sur l’autre petite fille et son père qui rentraient
chez eux en chahutant sous la neige. Magnétisée par les yeux de la poupée, elle
les suivit jusqu’à une grande maison joliment décorée. Les deux étaient déjà
rentrés et la petite fille n’eut d’autre choix que monter sur un petit tas de
bois et regarder par la fenêtre. Le spectacle qu’elle vit alors lui ôta toute
sensation de froid. Le père et la fille avait rejoint l’épouse et le frère dans
le salon. Ils étaient maintenant tous les quatre assis autour d’une grande
table de bois qui débordait de victuailles. Il y avait du pain, du vin, des
petits canapés, de belles tranches de dinde, du pâté et d’autres nombreuses
friandises. Le ventre de la petite fille ne pu s’empêcher d’hurler. La petite
fille à l’intérieur montrait sa nouvelle poupée à son petit frère en rigolant,
sous les sourires heureux et niais des parents. Puis la poupée alla rejoindre
les autres sur une étagère le long du mur. Le vent se faisait plus froid. La
jeune fille frissonnait et ses dents claquaient frénétiquement. Elle fourra ses
mains dans ses maigres poches pour y trouver réconfort. Elle y trouva une boite
d’allumettes. Un maigre sourire se dessina sur ses lèvres. Elle avait
complètement oublié ces allumettes que sa mère lui avait données quelques jours
plus tôt. Elle se faufila vers un renfoncement dans les hauts murs de la maison
et craqua une première allumette. Le peu de chaleur qui lui parvint lui fit le
plus grand bien. Mais l’allumette se consuma très vite et la petite fille dû en
allumer une autre, puis une troisième. Le paquet d’allumette n’était pas plein.
Et elle se demandait ce qu’elle allait bien faire une fois qu’il serait
terminé. Une idée étrange lui vint alors à l’esprit. Et puis non c’était
décidément trop mal de faire ça. Mais la fillette ne pouvait s’empêcher de
sourire de toutes ses dents en y pensant. Elle disposa les bûches le long du
mur et au moyen de copeaux trouvés bien à l’abri, elle craqua l’une des
dernières allumettes et entrepris de mettre lentement le feu. Les petites
flammes jaunes léchaient la paroi avec de petits crépitements joyeux. Puis
soudain la façade entière faite de vieux bois fut submergée par les flammes. Et
la petite fille riait. Une lueur étrange dans les yeux. Bien sûr elle n’avait
plus froid. Mais il y avait autre chose. Ses rires redoublèrent quand la mère
couverte par le feu sortit de la maison en poussant des cris abominables.
D’autres cris venaient de l’intérieur de la maison. La petite fille s’approcha
de ce qui avait été la fenêtre. A l’intérieur tout n’était plus que fumée et
brasier. Deux petits corps gisaient mangés par les flammes au côté du père qui
n’était plus qu’une torche. Le feu avait gagné l’autre côté de la pièce et on
pouvait distinguer les poupées qui elles aussi prenaient feu une à une. La
petite fille reconnu celle qu’elle avait tant aimé s’allumant lentement. Elle
semblait lui sourire. La fillette lui sourit à son tour.





Plusieurs années plus tard, les enfants se couchaient la
peur au ventre, après qu’on leur ait raconté l’histoire de la petite fille aux
allumettes. Et de temps en temps, il leur semblait bien les soirs d’hiver où la
nuit tombait tôt apercevoir une silhouette inquiétante dans la pénombre du
dehors. Une toute petite silhouette inquiétante.

Hum, c'est pas mauvais mais j'ai pas été conquis non plus.
Il y a une vraie volonté d'écrire un conte avec ses codes et ses images, mais je trouve que par moments le ton ou le vocabulaire ne colle pas. On devrait pas se douter, en lisant celui-ci, que l'histoire se passe à notre époque (je pense par exemple au "grand magasin"). Et pourtant, la dernière partie nous renvoie à cet aspect conte avec sa grande maison en flammes.

Le truc qui m'a le plus dérangé, en fait, c'est le revirement un peu trop rapide de l'héroïne : il manque un cheminement "logique" entre ce qu'elle est au début et ce qu'elle fait à la fin. Tu pourrais brosser rapidement, en quelques lignes, un petit portrait mental de la fille, qui nous ferait mieux comprendre son acte final.

Mais sinon c'est pas mal, l'approche "conte" est plutôt réussie, mais il manque encore quelque chose en ce qui me concerne.

En fait j'ai pensé à écrire un passage expliquant ce changement mais je me suis dit que premièrement cela ne faisait pas très conte justement, et puis je voulais illustrer (par un manque d'illustration justement^^) un le fait que la fillette ne comprend pas réellement cette envie soudaine. Pas de méchanceté la dedans juste une joie malsaine.

C'est marrant moi je me situais plutôt l'histoire vers le 19ème siècle, avec les rues passantes et les premiers grands magasins à la Zola dans Au bonheur des dames. J'ai essayé de prendre soin de ne pas laisser d'indices temporels particulier comme un conte se doit d'être.

Peut-être devrais-tu juste changer de champ lexical pour certains termes bien spécifiques : "commerce" pourrait remplacer "grand magasin" (là j'ai vraiment pensé à La Grande Samaritaine et compagnie lol) ou "devanture" à la place de "vitrine", où l'on imagine souvent les lumières, leds et autres gadgets technologiques qui vont avec.
Ce ne sont que des suggestions, mais perso ces petites broutilles sémantiques m'ont empêché de m'immerger complètement dans ton "conte".

Mais justement, Tak! Les "Grand Magasins" genre Samaritaine ou Galeries Lafayette datent de la fin du XIXeme siècle, du Second Empire, et Zola en parle dans "Au Bonheur des Dames". Je trouve moi le ton"historique" de l'histoire trés juste, avec les injustices de cette époque de grande différences sociales.

Ce qui manque, en effet, c'est un peu ce que ressent la fille. On devine qu'elle souffre de sa misère et qu'elle envie la petite fille bourgeoise, mais on ne le ressent pas trop...c'est vrai aussi qu'elle doit avoir un certains déséquilibre mental qu'on ne sent pas. En fait ton histoire se situe entre deux genre trés éloignés qui sont le roman naturaliste à la Zola et le conte macabre à la Poe. L'adaptation du conte d'Andersen est habile, le cadre est bien rendu, il manque la dimension plus fantastique, ne serait-ce qu'un fantastique réaliste qui joue sur la folie: la petite fille pourrait entendre la poupée lui parler, par exemple, lui suggérer de mettre le feu (Ce qui donnerait une autre dimension à l'image déjà bien trouvée de la fin, de la poupée qui semble sourire en fondant)

J'ai le même avis que mes confrères. Par contre, j'ai pas trop aimé "la maison submergée par les flammes" car ce terme est surtout utilisé pour les flots et non le feu.

Paladin a écrit:Mais justement, Tak! Les "Grand Magasins" genre Samaritaine ou Galeries Lafayette datent de la fin du XIXeme siècle, du Second Empire, et Zola en parle dans "Au Bonheur des Dames". Je trouve moi le ton"historique" de l'histoire trés juste, avec les injustices de cette époque de grande différences sociales.

Ah ben autant pour moi, alors !
Comme quoi, la méconnaissance du contexte historique peut aussi être un frein à la compréhension/appréciation d'un texte. Oublies donc ce point de mon commentaire, Pierre.

Non peut-être que tu as raison pour le terme vitrine. Je sais pas si ça se disait vraiment. Devanture me semble pas mal. Faudrait que je me replonge dans "Au bonheur des dames", alors que je m'étais juré de plus y toucher après ma 1ère.