Soirée tranquille

Samedi 30 juillet, 22h04. J'ai emballé quelques livres pour demain, des bons trucs qui je l'espère se vendront. Ça me ferait du bien une journée rentable, un peu d'argent.
Là, je fais une pause. Il faudrait que j'en profite pour me mettre au clavier, mais je n'ai aucune inspiration. Il me reste à peine deux heures pour produire un petit texte, c'est peu. Je crois que cette fois, je passerai mon tour.
À la place, j'écoute le silence. Enfin si on veut. Le silence n'est jamais vraiment silencieux, il y a toujours des bruits diffus : le vent  qui souffle à l'extérieur, les gouttes de pluie de l'averse, le léger ronflement du chat dans la cuisine.
Je suis seule, les autres sont au lit, un moment délicieux que je savoure.
C'est étrange, l'atmosphère me paraît un peu lourde. Il n'y a pas de raison pourtant ; avec les fenêtre ouvertes, je ne devrais pas avoir si chaud.
Plutôt que de rêvasser, je ferais mieux de me remettre au boulot, je n'ecrirai de toute façon pas et il me reste des bouquins à préparer ainsi que les tables à charger ou d'autres bricoles à vérifier. Si je continue à traînasser, je me connais, je vais reporter à demain. Pas la bonne idée.
22h17. Je procrastine sur l'écran de mon smartphone, au diable le boulot. Pourquoi suis-je aussi fatiguée ? C'est cette ambiance autour de moi, elle est différente. En quoi, je ne saurais le dire, mais l'impression est là et persiste. Toujours sur ma chaise - je ne sais pas pourquoi je ne me suis pas installée dans le canapé - je ne peux m'empêcher de gigoter. Je balaie des yeux la pièce où tout est pareil à tout à l'heure ou à hier ou aux mois avant. Mon regard s'arrête sur le miroir de l'armoire. Un bête miroir qui forme le panneau du fond. Il es là depuis toujours, même s'il y a peu, il était encore masqué par les innombrables romans entassés sur les étagères, mais celles-ci se sont effondrées sous le poids. Je m'observe quelques instants, cherchant dans mes pupilles ce qui me turlupine. Je finis par hausser les épaules en me traitant d'idiote. Le stress sûrement.
22h29. Je meurs d'envie d'une cigarette. Faut que je me lève pour les dégotter. Juste trois pas qui me semble 3000. Et si j'allais simplement dormir,  visiblement, j'ai besoin de repos. Mais mes jambes sont si lourdes que même aller pisser ma semble tout à coup impossible. Et je reste là avec mes pensées qui s'embrouillent.
22h35. Comme une impression diffuse d'une présence alors que je sais être seule. Les autres dorment, je les entends quand ils s'extirpent de leur chambre, le grincement des gonds est inratable. Pourtant, ce sentiment bizarre perdure. À nouveau, je parcours des yeux la pièce : les entassements de livres un peu partout, la télévision sur son meuble, les chaises, les cadres, tout est à ça place. Je termine par le miroir qui semble soudain me surveiller tout comme moi, je le surveille. Quelle drôle d'idée. Néanmoins, je préfère m'en détourner, calmer mon cœur qui s'emballe. Lasse, sans m'en rendre compte, ma tête se blottit au creux de mes bras avachis sur la table, mais je ne m'endors pas, malgré l'envie, malgré la fatigue.
22h48. Dans mon dos, je sens mon reflet, si lourd, si présent. Parfois, je me retourne avec la vivacité d'un paresseux accroché à sa branche. J'aimerais trouver l'énergie de me secouer. Me lever et quitter ce salon qui m'étouffe. Toute ma volonté n'y fait rien, je suis clouée sur place.
Je suis clouée sur place et il approche. C'est totalement irrationnel, mais je n'arrive pas à me défaire de cette pensée que je dois le garder à l'œil. Alors, je jette mes forces faiblissantes dans un affrontement avec cette copie de moi-même. Si je soutiens son regard, il ne bougera pas. Il ne viendra pas.
22h57. Je faiblis, mes paupières se ferment de plus en plus souvent. A chaque fois pour une poignée de secondes, mais il en profite pour se glisser vers moi. De plus en plus près.
Pourquoi suis-je incapable de m'enfuir. De le fuir ? Bientôt, il va m'aspirer et je disparaîtrai.
Où je suis folle. C'est possible aussi, c'est même l'explication la plus plausible. Seigneur, faites que ce soit l'explication.
23h01.Je