La belle endormie
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La belle endormie
Quelle chef d'oeuvre, quelle magnificence. Allongée de tout son long dans l'herbe fraîche, encore humide à cette heure de la nuit, elle exposait nonchalamment ses appas ainsi qu'un fruit mûr au soleil. Pareille aux serpents de Méduse, ses cheveux de paille ondoyaient à l'envi sous les voiles spectraux de la lune, mus par l'opportunisme de quelques bourrasques. Je la regardais dormir, paisible près de moi. Ce visage avait perdu toute virginité sous le fard zinzolin de ses paupières et ce rouge à lèvres empreint de caricature. Mais elle n'en demeurait pas moins belle. Tout juste vingt ans, vingt cinq peut-être. A cet âge, le choix d'un caraco aussi lâche, de surcroît sans soutien-gorge en-dessous, avait indéniablement participé à notre rencontre. Sans parler de cette jupe aux ténèbres uniformes, refuge de biens des démons. Il m'avait fallu gravir, depuis ses genoux lisses, les mailles de ses collants jusqu'aux portes obombrées de la tentation, dorées et boisées comme je les aimais. Non sans résistance, elle avait fini par céder et nous avions fait l'amour dans ce pré, à l'écart des regards indiscrets. Sans la réveiller, je caressai de nouveau le duvet de sa joue, sa lippe pulpeuse et brillante sous l'astre, son doux menton, continuait mon pèlerinage entre ses clavicules, ornées d'un ras-de-cou en faux argent auquel était appendu un charmant petit cœur asymétrique. Je jouais avec, du bout de mon index encore parfumé de son intimité, puis las, poursuivis mon cheminement entre ses seins de jouvencelle pointés vers l'infini. Comme ils avaient merveilleusement bien épousé la paume de mes mains, à croire que les dieux les avaient utilisées comme moules. Quel plaisir alors de pouvoir ressentir cette sensation sous ces lumineuses constellations. Juste elle et moi, partageant cette osmose inaliénable. Ma défunte mère se plaisait, de son vivant, à citer Sacha Guitry : "Il ne faut jamais regarder quelqu'un qui dort. C'est comme si on ouvrait une lettre qui ne vous est pas adressée". Mais quoi de plus jouissif que de braver l'interdit. Je humais l'air, puis dans la noirceur de sa nuque, les fragrances de fleur de tiaré. Au passage se déposa un baiser sur son front. Mon regard s'attarda ensuite sur ses pieds nus, souillés de terre et de brins verts, aux ongles empourprés d'un vernis méticuleusement étalé. Cette nubile Vénus avait même pris soin d'ôter toute la rugosité de ses jambes pour notre rencontre. Par chance, je savais, avec exactitude, où elle avait égaré ses ballerines aux suaves nuances d'orange et de rose. Mais peut-être les conserverais-je en souvenir de cette nuit torride, et du moment où ses pieds s'étaient écartés pour m'accueillir. Hélas, elle ne m'avait pas fait part de son ressenti avant de s'abandonner aux songes. Dommage. Mes doigts se faufilèrent une dernière fois sous son haut et sous sa jupe, tandis que les cinq comparses de l'autre main plaquèrent sa culotte en dentelle noire sur mon nez. J'inspirais lentement, profondément pour prolonger cette éphémère félicité. Chaque main porterait jusqu'à demain le souvenir olfactif de cette intimité partagée. Je me souviendrais longtemps de son regard béant, esclave de l'intensité, ainsi que des saphirs qui sertissaient ses deux orbites. Hélas, ceux-là succomberaient, à l'instar de tous les précédents, à la toute puissance du jerrican d'essence et de l'allumette.
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Bon, bon, bon... Comment démontrer après ce texte que je suis parfaitement sain d'esprit. Je vais au moins essayer de vous expliquer ce qui m'y a conduit. Je suis parti sur l'idée de "peindre" une toile avec les mots ou de décrire une peinture, je suis tombé sur plusieurs portraits, de femmes notamment, et allez savoir pourquoi, j'ai pensé au poème de Rimbaud, "Ophélie". Comme j'aime à le faire, je ne voulais pas d'une simple description, d'un texte "chiant". J'ai donc voulu utiliser la paix et le calme que pouvait induire un passage descriptif (et de longues phrases) pour amplifier le choc final, lequel est renforcé avec l'érotisme ambiant qui se termine par une révélation "psychopatesque". J'espère que l'effet recherché est réussi, en dépit du fait que ce soit extrêmement glauque. Mais j'ai cru comprendre qu'il y avait beaucoup d'adeptes dans le coin.
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Bon, bon, bon... Comment démontrer après ce texte que je suis parfaitement sain d'esprit. Je vais au moins essayer de vous expliquer ce qui m'y a conduit. Je suis parti sur l'idée de "peindre" une toile avec les mots ou de décrire une peinture, je suis tombé sur plusieurs portraits, de femmes notamment, et allez savoir pourquoi, j'ai pensé au poème de Rimbaud, "Ophélie". Comme j'aime à le faire, je ne voulais pas d'une simple description, d'un texte "chiant". J'ai donc voulu utiliser la paix et le calme que pouvait induire un passage descriptif (et de longues phrases) pour amplifier le choc final, lequel est renforcé avec l'érotisme ambiant qui se termine par une révélation "psychopatesque". J'espère que l'effet recherché est réussi, en dépit du fait que ce soit extrêmement glauque. Mais j'ai cru comprendre qu'il y avait beaucoup d'adeptes dans le coin.
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