Solstice (image 1)

L'homme salua l'assemblée, couteau sacrificiel à la main.
On lui amena l'offrande. Un animal court sur pattes et au poil long le fixa de ses yeux humides, tandis qu'on le ligotait.
Un « hourra » collectif l'encouragea.
Le chef du clan abaissa alors la lame et la plongea dans les viscères. Il recueillit le sang encore chaud et le transvasa ensuite dans un bassin aux pieds de la structure. Un câble baignait dans le liquide poisseux, relié à la matrice. Au ciel, les deux lunes bleues alignées marquaient le solstice du PleinSol.

Il leva ensuite les yeux sur l'énorme carcasse métallique qui les surplombait.
O'lkyé n'avait jamais su au juste d'où venait celle-ci. Cet amas de structures éparses, assemblé en dépit du bon sens, ne correspondait en rien aux canons esthétiques de leur pays. Celle-ci évoquait une sculpture née des restes d'antiques machines volantes. Des moignons d'ailes ici, un cockpit délabré par-là. Un fuselage éventré tout en longueur, de ce côté. Cela ne ressemblait pas à grand chose. Malgré tout, ils s'y étaient habitué au fil du temps.
On enclencha à son signal un mécanisme, sous un auvent de tôle.
La structure émit alors une suite de grincements rouillés. Un bruit de succion ; elle acceptait l'offrande. Puis sous leurs yeux fascinés comme au premier jour, celle-ci se mit en branle. Des voyants s'allumèrent, des raccordements de câbles et matières recyclées se distendirent comme autant d'articulations. Les membres agglomérées et les différentes excroissances se déplièrent : la construction avachie au sol se releva lentement et reprit peu à peu sa forme usuelle. Une douzaine de mètres séparait le cockpit faîtier du sol. Ils n'étaient qu'un groupement d'insectes, dans son ombre.
Mais ne le craignaient pas, au contraire : ils le révéraient.
D'un seul ensemble, le clan applaudit à tout rompre. Exclamations de joie et vivats fusèrent de toutes part.
Enfin, celui qu'ils considéraient comme leur protecteur  s'éloigna, dans un grondement de ferraille. Le champion du clan voisin s'avança lui aussi, au milieu de la lande ravagée. Bientôt, celle-ci résonna des attaques meurtrières des deux géants.

O'lkyé n'avait jamais saisi les raisons de cet affrontement séculaire, mais ainsi en avait-il toujours été, de génération en génération. Peut-être cela finirait-il un jour, quand ils n'auraient plus de quoi réparer leur guerrier. Mais en attendant... Se calant entre deux de ses petits-enfants, il s'installa au premier rang afin de profiter du spectacle.
C'était le solstice et une nouvelle saison de combats les attendaient.

Eh, sympa cette petite histoire. Vraiment sympa. Avec un soupçon de mystère et de l'originalité.
Je supprimerais : "– équivalent de la saison d'été terrestre."
Ça n'apporte rien de comparer à la terre, et ça me sort de ma lecture. Ton univers a suffisamment de petits points de repère pour ne pas avoir besoin de ça. "Solstice du pleinSol" est bien suffisant, il est parlant.
Pour la fin, si j'ai bien compris, ils réparent la structure avec du sang d'animal sacrifié, donc je ne vois pas pourquoi il pense que ça pourrait finir un jour. Mais c'est du pinaillage.

Je viens de virer le petit bout de phrase (qui en effet, ne change pas grand-chose à la compréhension).
Quant au petit pinaillage, je me suis dit qu'un jour ils pourraient bien arriver à court de sacrifices...(dans mon esprit, leur planète est un peu en mode post-apo). Mais bon, c'est pas une notion sur laquelle je voulais m'attarder, sinon ça demanderait quelques lignes de plus et je voulais surtout garder ce format court.

Tu me vois ravi, une fois de plus, que mon petit bout de prose t'aies plu. Et cette image m'inspire toujours autant... (mais je vais peut-être arrêter là, sinon la partie ateliers va vite arriver à saturation ).

Très sympa, ce petit texte.

Pour moi, le sacrifice n'est qu'un rite de façade et c'est le mécanisme qui met en branle la machine.

Sinon :
- hourra est un mot en lui-même (nom masculin), pas besoin de l'encadrer avec des guillemets.
- solstice, concerne, comme son nom l'indique, une position particulière du Soleil (racine latine sol). Du coup, même s'il correspond au début de l'été (dans les régions tempérées du globe, alternativement avec l'hiver) il ne correspond pas à une position lunaire. Par contre, cet alignement de lunes s'appelle en principe une conjonction. Après, cet événement peut très bien signifier une saison chaude ou sèche ou estivale, et très probablement une période de haute mer et de grandes marées (l'attraction des deux lunes se cumulant temporairement). On peut aussi imaginer que la pesanteur se ferait moins forte, permettant aux machines de s'envoler plus facilement et expliquant la raison du choix de ce moment pour leurs affrontements rituels (saison légère).

Bon il me semblait que j'avais un troisième point à aborder, mais j'ai oublié. Quoi qu'il en soit, je pense que tu tiens un truc avec tes lunes et tes avions batailleurs. Si tu as envie de développer, je suis preneur de la prochaine version !

Pour le coté sacrifice, les deux (mécanismes et rituel) sont complémentaires, je pense. Mais je n'ai pas développé par soucis de longueur. J'y reviendrais peut-être un jour si l'envie me vient de retravailler dessus...

Merci pour les précisions calendaires, j'avoue honnêtement ne pas avoir trop creusé la chose.
Solstice : soleil, conjonction : lune, c'est noté !

Merci à toi, K².
C'est vrai qu'il y a des possibilités sympa sur ce petit texte, j'aime bien l'univers. Allez hop, j'ajoute ça à ma looongue liste d'attente de projets à retravailler ! (et je parle même pas des trucs inachevés...).

En fait, pour être plus précis : conjonction = alignement de différents corps célestes. Les éclipses sont donc des conjonctions. Le solstice, c'est juste la position de la Terre par rapport au Soleil, et l'inclinaison de l'axe de rotation terrestre par rapport à l'écliptique, qui fait que les jours rallongent ou raccourcissent selon l'hémisphère. (ya des schéma super sympas sur internet qui seront bien plus éloquents que moi)

Celui-ci m'a un peu moins emballé.
C'est vrai qu'il est plein de mystère, et d'une force évocatrice intéressante. Pour ma part, j'ai compris que la carlingue était une entité biomécanique qui se régénérait avec du sang.
Mais il est possible que je n'aie pas tout compris, car à la fin, ça s'embrouille un peu.

Dans la partie sacrifice, tu dis que la lame se plonge dans les viscères. C'est peut-être moi, mais cela m'évoque une créature déjà morte avec les viscères béantes. Or, ce n'est pas le cas, il la tue en plongeant sa lame dans le ventre. Voilà, personne n'a fait la remarque, il s'agit sûrement d'une interprétation personnelle, je n'insiste pas...

Tu décris le machin en détaillant des pièces qui paraissent détachées. Ensuite, bruit de succion (là, j'ai pensé qu'une bestiole vivait dans l'un des éléments de la carlingue - je n'ai pas compris qu'il s'agissait des tuyaux plongés dans le sang. Il m'a fallu revenir en arrière, car je ne comprenais plus la suite.) Le truc se lève et forme une entité cohérente. Bon, vu la description précédente, j'avais vraiment l'impression qu'il s'agissait de morceaux.

Après, l'entité s'éloigne et va affronter un "autre champion" ; là, j'ai vraiment du mal. Il y aurait donc deux carlingues ayant les mêmes propriétés ?

Bon, je ne suis pas convaincu, mais tu t'es bien creusé la caboche pour trouver un concept original...

Pour ton impression sur les pièces détachées, même si c'est peut-être pas très clair, je te renvoies à ces deux lignes :

" Cet amas de structures éparses, assemblé en dépit du bon sens, ne correspondait en rien aux canons esthétiques de leur pays. Celle-ci évoquait une sculpture née des restes d'antiques machines volantes."

Un "amas" me semble bien correspondre à l'idée d'un ensemble. Et la phrase suivante évoque une "sculpture" ; en général on imagine un truc tout d'un bloc quand on pense à une sculpture, non ? Ou alors sculpture est mis au pluriel mais ce n'est pas le cas ici.

Et effectivement, il y a bien deux "carlingues" qui possèdent les mêmes propriétés. Là encore, je n'ai pas voulu approfondir pour ne pas surcharger (il me semble qu'il y a déjà pas mal d'éléments en peu de lignes).
Par contre, je suis d'accord avec ta remarque sur le sacrifice : ce passage manque de précision, c'est le truc qui me gêne dans cette scène, mais je n'ai pas su tourner cette phrase différemment. A revoir, donc.
Merci pour ta lecture, Cancer

J'ai deux avis sur ce texte :

1) Ma 1ère pulsion était de dire que je n'avais pas trop accroché car c'est très différent de ce que m'évoque cette image. J'ai eu du mal à situer car tu parles d'antiques machines volantes (donc des choses que ne connaît pas cette civilisation), or le fait de trouver antique une technologie tellement plus avancée que la leur me gêne. Je me suis finalement dit que cette civilisation pouvait avoir rejeté les machines pour se tourner vers un mode de vie plus naturel. Malgré tout, le fait de nommer les éléments comme le "cockpit" (2 fois) avec des noms précis (fuselage, câbles, voyants), laisse supposer que ça ne leur est pas si étranger, alors que tu dis que c'est très différent de tout ce qu'ils connaissent. C'est cette alternance entre la précision de ta narration et le regard d'O'lkyé qui voit ça par rapport aux canons de sa société qui me gêne le plus. Je n'arrive pas à situer le point de vue narratif : par quel œil voit-on ta scène, en fait ?

2) Ceci mis à part, j'ai fini entretemps par changer d'avis sur ce texte que j'avais lu il y a 3 jours : il y a de très bonnes idées. Cet univers est très bien rendu en un format ultra court.

Ceci dit, j'ai pas accroché quand même, trop de trucs pour moi : redonner vie à un vieux coucou par du sang (bon, pourquoi pas, si la magie a pris le dessus sur la technologie), puis l'affrontement. Trop plein d'idées pour ma vieille caboche^^

Je sais que je radote, mais je trouve que tu pourrais resserrer encore la narration. J'ai eu l'impression que plein de petits mots pouvaient virer sans que ça gêne la compréhension.

Exemple : "Il leva ensuite les yeux sur l'énorme carcasse métallique qui les surplombait."
D'une part, "ensuite" est écrit quelques lignes plus haut, et en plus je ne vois pas bien en quoi il est important de préciser que ça se passe "ensuite", puisque le déroulé du texte l'indique. D'autre part, étant donné que le perso lève les yeux sur la carcasse, on comprend tout de suite qu'elle le surplombe, donc tu peux virer "qui les surplombait", à mon avis.

Voilà, des trucs comme ça.

Ce qui fait que je suis restée assez "éloignée" du texte (je n'ai donc pas relevé à la lecture ce qu'ont dit mes petits camarades, même si, en lisant leurs commentaires, je me demande si ces flous n'ont pas participé à me tenir à distance de ce texte), tout en le trouvant assez évocateur. Je sais pas pourquoi, mais j'ai pensé au Château dans le ciel de Miyazaki !

Mais donc sinon t'as fait le job : interpréter à ta sauce l'image 1.

Merci à vous deux.
Naëlle : Une référence Miyazakienne, ça me parle ! C'est pas du tout le genre d'auteurs auxquels je pense quand j'écris, mais si ça t'as évoqué ce genre d'images ça me va (Le Château dans le Ciel, un très bon crû en passant, même si j'ai préféré son Château Ambulant).
Je vois ce que tu veux dire quand tu parles de ma narration, mais ce sont mes vieux travers qui ressortent quand j'essaie d'inclure beaucoup d'éléments dans un texte. Ça s'étend rapidement sur le reste, les tournures, tout ça... Je combats sans cesse contre ces vieux démons, mais parfois ils resurgissent comme ça, inopinément (enfin, y'a quand même du mieux depuis l'époque du manoir, non ? ).

Raven : Alors juste par rapport à ce "flou technologique" : dans mon esprit ces gens connaissent plus ou moins ces engins, vu qu'ils les nomment et les reconnaissent (du moins le chef de clan), mais c'est surtout l'assemblage biscornu de tout ça qui leur est étranger.
D'ailleurs, l'image de l'atelier est en soi très jolie, mais pareil : ça ressemble plus à un amas de carcasses qu'à un avion. C'est ce que je voulais faire passer au travers de son œil. Pris séparément, ces éléments sont reconnaissables, mais imbriqués les uns dans les autres comme ça, ils ne signifient pas grand-chose. C'est cette étrangeté que je voulais souligner, puisque le "géant" est cet assemblage. D'où vient-il, qui l'a créée ? Voilà que ce je voulais traduire du point du vue du gars.
Mais sûrement cet aspect-là est-il mal rendu ; comme souvent avec mes ateliers, c'est du "écrit-posté" et je ne cherche pas à fouiller plus en profondeur, une fois mes idées de base posées.

Cela dit, tu fais bien de rentrer dans les détails, parce que je me rends compte que j'aime bien ce petit texte et qu'il pourrait bien l'un de ces jours avoir droit à une version plus étoffée...
Je recueille donc vos remarques et conseils avec d'autant plus d'attention.
Thanks a lot !

Pas mal du tout ! Il y a de bonnes idées. Je pense que la forme de ce texte reste améliorable, mais l'ensemble déclenche déjà l'intérêt du lecteur.
Décidément tu es un serial-writer ! Que de textes !

mormir a écrit:Pas mal du tout ! Il y a de bonnes idées. Je pense que la forme de ce texte reste améliorable, mais l'ensemble déclenche déjà l'intérêt du lecteur.
Décidément tu es un serial-writer ! Que de textes !

Oui, enfin sur du format court. Et parce que j'ai beaucoup de temps à y consacrer, ces temps-ci (ce ne sera sûrement pas le cas dans les jours/semaines à venir).
Mais ton petit commentaire me fait néanmoins bien plaisir. C'est sûr, c'est améliorable et je réfléchis d'ailleurs ces temps-ci à une adaptation sur un format nouvelle. Beaucoup trop de projets ces temps-ci pour aller jusqu'au bout de (toutes) mes idées, mais celle-ci me séduit peut-être un peu plus que les autres.

Y'a sûrement matière à en faire quelque chose de sympa, je pose une option dessus...

C'est pas mal Tak !
Ça se lit très bien, donc un bon point je trouve. Pour le reste, les amis ont tout dit. Bonne histoire bien ficelée bravo

Merci à toi, Stéphane.
C'est qu'on a des images sympa sur cet atelier pour y puiser notre inspiration. Au passage, on attend toujours une 3e image...