Annus apocalypsis

Allez, hop :



Un an aura suffi à plonger le monde en enfer.
Tout a commencé en novembre dernier, je veux dire : commencé vraiment. C'est à dire les foules en exode, les attaques en meutes, les regroupements autarciques, les fortifications, et la rupture des réseaux d'eau et d'électricité. Et puis les vagues de réfugiés, suivis de loin par les troupeaux géants. C'est nouveau ça, qu'ils se regroupent jusqu'à former des troupeaux de cent ou cent cinquante individus. Non, pas individus, plutôt des bouches, à demi-édentées, décérébrées. Avant, il n'y avait que des cas isolés, des rumeurs, des vidéos qui tournaient sur le Net, puis à la télé quand c'est devenu préoccupant. Mais c'était encore gérable, les flics tiraient à vue parce qu'une ou deux cartouches dans la tête réglait définitivement le problème.
Et puis on a été débordés. Par manque de munitions d'abord. C'est con, hein ? Et puis parce que les gens meurent, c'est comme ça. Les statistiques faisaient état de quelque chose comme une naissance toutes les deux secondes pour un mort toutes les trois. Depuis un an, le compteur est bloqué pour les naissances, complètement déréglé pour les morts. Vous vous rendez compte ? Toutes les trois secondes, y'en a un nouveau qui se réveille et se met en route, sans autre pensée que vous bouffer le foie.
J'écris ces lignes depuis une ferme fortifié dans les montagnes. Ce sont des refuges un peu plus sûrs, parce que le froid ralentit les morts, mais nous en souffrons beaucoup, nous aussi. Et en montagne, on ne peut pas cultiver grand chose, alors les stocks de vivres s'épuisent. Nous sommes seize, dont deux enfants et six femmes. Trois d'entre nous sont malades, nous n'avons pas beaucoup de médicaments, et pas assez d'essence dans la dernière voiture pour aller piller le village en bas. Hors de question d'y aller à pied, ce serait du suicide. On en a parlé entre hommes, et on est d'accord : il faudra qu'il guérissent tout seuls, ou bien on devra les abattre. On a préparé un truc avec des pièces de tracteur, une masse mobile sur un levier, qui tape contre une jante, là où ils poseront la tête. Ça ressemble à un casse-noix géant, et avec ça, c'est certain qu'ils ne se relèveront pas. Faut économiser les cartouches. Ouais, ça me fout la gerbe rien que d'y penser, mais le monde est devenu impitoyable.
Parfois, j'en ai assez de me battre pour survivre et de survivre pour encore me battre. Assez de prendre mes tours de garde aux barricades, de scruter la nuit avec les projecteurs en craignant de capturer un visage dans leur faisceau. Lui dire de se barrer parce qu'on n'a plus de place, même si c'est une femme, même si c'est un gosse. Ou bien lui brûler la cervelle à la chevrotine si jamais c'est l'un d'eux. Assez d'attendre et de ne pas savoir de quoi sera fait demain, et j'ai peur que ce ne soit de rien. Des ruines, des villes pillées, des cendres, et une nuit sans fin. Notre espèce est en voie d'extinction. La semaine dernière, j'ai vu sur la route un homme et son fils, poussant un chariot de maigres provisions dans la neige, et ils étaient si misérables, si seuls et sans avenir qu'ils confirmaient toutes mes craintes. Rien pour nous, plus rien après nous.
Parce qu'avant, on avait des supermarchés débordant de nourriture, de belles routes et des voitures rutilantes, des pharmacies et des hôpitaux pour le moindre bobo, on partait en vacances dans une nature domestiquée, on perdait notre temps sur candy crush, et nos photos prises à bout de bras faisaient le tour de nos amis virtuels. Et puis un jour, tout ça s'est arrêté, parce que les morts se sont relevés.
Je sais plus si c'était pas annoncé dans la bible, les trompettes du jugement dernier, les morts qui sortent du tombeau, la guerre entre l'enfer et le paradis qui déborde sur terre, des trucs comme ça. Je sais pas. Ce que je sais, c'est qu'il y a pas de fosses de flammes ou de lacs de lave. L'enfer, c'est froid, et y'a que de la neige et des rochers durs et coupants, je le vois tous les jours de mon poste d'observation. Y'a pas de monstres au cuir rouge avec des cornes, y'a que nous, une fois débarrassés de notre humanité, des morts qui marchent.
Je crois pas qu'il y ait un dieu et un diable qui nous regardent. Je crois plutôt que c'est des métaphores, que c'est en nous, dans notre capacité au bien comme au mal. Et depuis le jour où j'ai vu mon père, mort, attraper ma petite sœur, bien vivante elle, pour lui mordre le ventre, et qu'ensuite j'ai du les abattre tous les deux à coups de hache dans la tête, je crains que ce soit l'enfer qui ai gagné cette guerre.


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Un texte d'une lecture fluide, utilisant un thème classique poussé à son ultime fin. C'est agréable à lire et dans le thème. Toutefois, je n'ai pas été "transporté" et suis resté assez extérieur, sans pouvoir dire exactement pourquoi.

EDIT : à la réflexion, il me semble que j'aurais aimé en lire plus, alors que le format de ce concours ne le permet pas. Donc Didier, et si tu l'allongeais après le concours ?

À priori, je peux écrire, mais j'ai encore un bug, je ne peux plus ouvrir les spoilers.
Pour en revenir au texte : on est bien en enfer, pas de doute. Pour moi, le texte parait se suffire à lui-même : on voit bien la situation, pourquoi c'est comme ça et on devine sans peine ce qu'il va advenir.
Rien à redire non plus sur le style.
En revanche j'ai eu du mal à m'immerger dans l'histoire, le narrateur est un peu trop distancié. Certes, il est désabusé mais cela manque au textequi aurait gagné à être un peu plus percutant.

Contrairement aux éminents commentateurs précédents, je me pose la question de l'adéquation au thème, question que je m'étais déjà posée lors de la lecture du texte de K2.
Il s'agit d'une histoire de zombies, fort bien narrée. J'ai pensé au Zombie de Romero et c'est un compliment. L'ambiance de fin du monde est très prenante. C'est du Fédou, tout simplement, autrement dit, ça se lit avec un immense plaisir.
Comme Mormir, j'aurais aimé un développement plus poussé, chose évidemment délicate dans le cadre de ce concours.

Hello Didier,

J'espère que tu ne m'en voudras pas trop, mais bon, je n'ai pas accroché.

Je m'explique :

C'est écrit avec une réelle maturité dans l'écriture. Tu n'es pas en train de te chercher, tu lances l'histoire et dés la 1^er ligne on est dedans. Il y a une structure, un scénario, tu déploies le truc et l'espace qu'occupe ton histoire est beaucoup plus grand que la longueur du texte. Bref, pour faire simple, c'est super bien fait… mais j'ai l'impression que tu te repose avant tout sur ta maîtrise de l'écriture.

C'est absolument subjectif mais je trouve qu'il faut tourner la page à ce type de texte :

* C'est trop « walking dead », encore une histoire de zombie. Avec l'inévitable « je dois tuer des gens que j'aime » et « nous sommes les derniers sur terre ».

* Amha, tu forces le raccord au thème en appuyant sur le fait que ce qu''ils vivent c'est l'enfer.

 
Donc, oui, c'est super bien écrit et c'est largement une histoire qui trouverait une publication si tu l'étendais un peu. Mais pour moi il manque une âme à cette histoire.


;-)
A+
TwwT

Je rejoins Perroccina, c'est bien écrit mais je ne suis pas vraiment rentrée dans l'histoire. Celle-ci reste un peu trop basique, et il y a une trop grande distanciation par rapport au personnage principal : il ne m'a pas touchée. Au niveau du style, il n'y a rien à redire, c'est plutôt au niveau du ressenti que ça a péché, désolée.

Salut Didier,

Je reste sur ma faim avec cette énième histoire de zombies traitée sans innovation particulière. J'ai pensé à du Walking Dead moi aussi. Par ailleurs, l'état des lieux de la situation, le tableau que tu dresses, m'a moyennement convaincu, difficile de dire pourquoi (c'est un détail). Au niveau du thème je suis assez d'accord avec TwwT dans le sens où le rapport parait un peu forcé, ou souligné à grands traits, mais en même temps la référence biblique m'a plu. Reste, pour terminer sur du positif, l'écriture efficace qui nous immerge très rapidement dans le texte. Toujours sympa à lire.
Bon titre, aussi.

Comme la plupart de mes prédécesseurs, je n'ai pas entièrement accroché.

L'histoire est parfaitement traitée et écrite, les phrases coulent toutes seules, de ce côté-là, aucun problème, c'est bien du Fédou.

Le "problème", c'est la distance que mets le personnage avec la situation. Distance compréhensible dans son état, c'est certain, mais qui empêche le lecteur de vraiment s'immerger je pense. De ce côté, je n'ai pas retrouvé la signature Fédou ; c'est bien la première fois qu'un de tes personnages me laisse assez froid à vrai dire. (Je sais, je suis très mal placé pour parler de personnages qui laissent froid, les collectionnant moi-même dans mes histoires ).

Après, ce même personnage mis dans une histoire plus innovante ou mystérieuse aurait pu très bien passé ; l'intérêt pour l'histoire aurait contrebalancé la distance d'avec le héros. Mais là, aussi bien rendu soit l'ambiance zombie, elle n'a malheureusement rien de bien nouveau.

Mais malgré ce manque de "force" subjective, issue du personnage détaché et de l'histoire déjà vue, c'est un texte objectivement très bien écrit et traité, comme toujours avec toi.

C'est très bien écrit, tu imprègne assez rapidement ton récit d'une ambiance bien désabusée. Niveau style, je n'ai rien à dire !
Pour le contenu, le fond, j'ai cherché une histoire à l'intérieur de ce contexte... qui n'est jamais venue. Tu restes dans une situation mille fois racontée, sans aller au-delà. Il me manque un scénario, une idée.
Ce texte semble être le prologue d'un récit bien plus long. Dommage.

J'écris ces lignes depuis une ferme fortifié

fortifiée

il faudra qu'il guérissent tout seuls

qu'ils
Comme la plupart, j'ai attendu une étincelle d'originalité qui n'est pas venue. C'est bien sûr très bien écrit, pas de soucis de ce côté-là. J'ai aussi eu l'impression que tu insistais trop sur le rapport à l'enfer à la fin comme pour bien montrer que tu étais dans le thème. J'ai vu un clin d'oeil à "la route" qui m'a bien plu.
En bref, un texte sympathique, mais auquel il manque une âme.

Je ne suis pas vraiment surpris que vous me disiez tous qu'il manque un truc, mais vraiment surpris que vous y songiez tous. Vous êtes donc tous sacrément finauds (c'est bien), parce que ce mini texte, en fait, c'est un peu le prologue d'une nouvelle dont l'idée bourdonne depuis quelques temps. Je l'estimerais à 25-30 pages, de quoi développer le personnage et faire une histoire. Une vraie. Mais je n'aurais de cesse de pester et maudire les contraintes de tailles. 5000, c'est même pas la moitié d'un petit prologue !
Pour l'ambiance Walking Dead, du peu que j'ai vu de cette série et des comics associés, ce n'est pas bien loin non plus des Romero. Je crains qu'il n'y ait plus grand chose à inventer dans ce genre-là : la menace invincible, le huis-clos, le clash entre les personnalités, la réflexion sur la nature de l'humanité et ses plus bas-instincts.
Pour le forçage au thème infernal, c'est pas faux. Un concours thème zombie, ça passait. Disons que l'enfer est surtout dans le difficile quotidien du personnage et son avenir aussi sombre que la nuit (sa vie est un enfer)

En bref, un texte sympathique, mais auquel il manque une âme.

Il l'a vendue au diable...

C'est mon genre de texte et je l'ai bien aimé. Où tout le monde voit du Walking Dead, j'ai plus vu une narration à la ''World War Z''. Comme j'ai dit, je l'ai bien aimé, mais il manque un petit quelque chose, longueur de texte oblige.
Pour moi, la fin du monde c'est quand même assez infernal, mais je comprends pourquoi certains ne sont pas certains.
J'aimerais bien lire la version allongée.

EDIT:
Je sais que ça ne change rien au texte... mais le titre m'a dérangé, je l'ai trouvé puéril et je n'ai pas vu le rapport... J'ai failli ne pas cliquer sur ton texte juste à cause de ça, mais ça, c'est moi.

Annus ? Rien à voir avec anus, hein... c'est peut-être à cause de ça. C'est du latin de cuisine qui signifierait à peu près "l'année de l'apocalypse".


Pour la version longue, faut attendre...

Comment perdre toute crédibilité en quelques lignes ^^' Du tout moi ça Merci d'avoir éclairé mon ignorance... au mois là, je sais !
Puisque je suis bonne joueuse je ne vais pas tenter de me '' sauver la face'' en effaçant mon petit commentaire insipide ahaha.
Bon texte, bon titre, faute à ma culture générale.

Salut Didier,

Entre les Walking Dead, World War Z et consorts ( je parle des version papier), il est en effet difficile d'innover et de se démarquer. C'est pourtant, à mon avis, tout l'intérêt de l'écriture, chercher à trouver le petit plus qui n'a pas été exploité par les autres.
(il semble qu'Olivier Saraja l'ai fait dans Zombie Kébab, un pulp des éditions Walrus)


J'ai senti un frémissement d'invention dans le moyen de régler leur compte aux futurs zombies, mais je n'ai pas vu l'intérêt d'élaborer un mécanisme visiblement complexe lorsqu'un coup de hache fait l'affaire. (ou alors, ça aurait mérité une explication)
Et là d'un coup, j'imagine bien le supplice infernal d'un exécuteur condamné par une société précaire à éclater des crânes à tours de bras, jusqu'à en vomir.

Bref, tu nous offres là un bel exercice de style, mais rien de plus. Il a manqué une étincelle.