Fragments

Après avoir lu une nouvelle salve des instants de Didier, je me suis dit que j'avais aussi des petits trucs dans le style et pourquoi pas les poster. Bon, j'en ai beaucoup moins que que lui, ça me prend rarement et ils n'arrivent certainement pas à la chevilles des siens. Mais tant qu'à faire.
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1. La nuit tombe, étau de noirceur qui m'enveloppe et m'étouffe. Je n'aime pas la nuit, ce moment où tout semble permis, même les pires atrocités, les actes les plus inavouables, mes actes. Encore quelques minutes et je vais me mettre à errer, je ne pourrai rien empêcher. J'avancerai comme une ombre en quête de nourriture, à la recherche d'une nouvelle proie, encore une. Je la déteste déjà, je me déteste toujours.

2. Le sable est chaud sous mes pieds, il me brûle et je sens des flammèches remonter le long de mes jambes comme autant de décharges électriques. Pourtant, il me faut avancer, tout droit. Vers où, je ne le sais. Seul le soleil sur mon crâne existe, le soleil et le sable, le sable et le ciel, si bleu qu'il éteint mon regard. Le vent parfois souffle, cuisant comme tout ce qui m'entoure et il soulève les grains pour me gifler. J'ai mal, j'ai soif, j'ai faim.

3. Ailleurs est ici. Je ne l'avais pas compris et j'ai roulé encore et encore, enfilant les routes comme autant de conquêtes. De l'asphalte grisâtre, lisse ou cabossé, en travers de villes uniformes et ternes ou de campagnes fleuries et pourtant mortes. J'ai cherché toujours plus loin sans connaître ma quête. Étais-je heureux ? Suis-je heureux maintenant ? Maintenant que j'ai compris, je n'ai plus rien. Les rubans gris ont stoppé leur défilé perpétuel pour un arrêt dans cet ailleurs qui n'est pas ici ou dans cet ici devenu ailleurs.

Tu as ton style bien à toi, différent de celui de Didier, mais ça n'empêche pas qu'il soit tout aussi excellent que le sien.

Les images sont aussi simples que fortes, je trouve. On est vite emporté et pour chaque fragment, j'ai trouvé une de ces phrases dont Silence parlait dans un autre topic sur les "phrases qui marquent et qui vous parlent plus que tout un paragraphe l'aurait fait". Chose totalement subjectif, je l'avoue, mais j'ai adoré ces 3-là en tout cas :
"J'avancerai comme une ombre en quête de nourriture, à la recherche d'une nouvelle proie, encore une. Je la déteste déjà, je me déteste toujours."

"Seul le soleil sur mon crâne existe, le soleil et le sable, le sable et le ciel, si bleu qu'il éteint mon regard."

"J'ai cherché toujours plus loin sans connaître ma quête. Étais-je heureux ? Suis-je heureux maintenant ? Maintenant que j'ai compris, je n'ai plus rien." (j'aurais d'ailleurs mis un point après "rien" pour faire de la suite de la phrase "et les rubans gris ont stoppé leur défilé perpétuel pour un arrêt dans cet ailleurs qui n'est pas ici ou dans cet ici devenu ailleurs." une phrase à part entière, mais je saurais pas dire objectivement pourquoi j'ai cet avis.)

Je sais pas pourquoi, mais ces 3 phrases ont imposé des images dans ma tête avec une force et une netteté que toutes les histoires n'ont pas forcément. Un peu comme si je regardais un film au lieu de lire, signe suprême prouvant qu'on est face à un bon texte.

Bref, j'adore. Surtout le 3e qui traite d'un thème qui me parle bien. Ça me fait penser à Chacun sa chimère de Baudelaire, que je cite dans ma signature d'ailleurs.

J'espère qu'il y en aura d'autres.

Merci Murphy de ta lecture de mes petits instantanés.
J'en ai d'autres, mais pas des masses, donc, je ne posterai pas très rapprochés.
Faudrait que je songe à faire ça plus souvent.

Je prends ta suggestion de mettre un point et d'ainsi faire deux phrases séparées.

Une nouvelle volée de trois.
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4. Elle pue ! Sueur rance, chatte mal lavée, haleine maladive. Et elle me regarde. Ses yeux suivent tous mes mouvements pour se les approprier. Moi, j'ai envie de gerber, des nausées de dégoût, des relents de la vinasse bue à midi. Je la sens qui ne désire qu'une chose, que je la monte, que je la baise, que je la défonce. Son regard schlingue le manque et l'excitation. Moi, je sais que si elle s'approche, je vais la tringler comme une bête. J'ai déjà la trique sans avoir envie. Parce que je peux le faire, je vais le faire. Et puis, j'irai enfin gerber.

5. Est-on obligé d'aimer ? Pourquoi l'amour serait-il une chose à absolument connaître, alors qu'il n'est qu'une maladie, une déviance qui nous pourrit et nous tue aussi sûrement que le ferait un cancer. Doit-on ressentir ce sentiment absurde pour oser dire qu'on a vécu ? Et si l'on n'aimait pas, si simplement on refusait ce travers typiquement humain. Redevenir bête pour ne plus connaître que l'instinct, le sexe et le meurtre. Goûter les plaisirs interdits, ne plus souffrir.

6. La musique électro sourde de partout, emplit les murs de la boîte de nuit de ses sons, les danseurs se trémoussent hallucinés en mouvements dépourvus de logique. La sueur se projette de l'un à l'autre, sans que quiconque ne s'en préoccupe. Seuls les rythmes semblent avoir une importance entre deux prises de coke ou d'héroïne. Et des yeux hagards ne vous regardent même plus. Dans un coin, affalée une junkie, jeune, jolie, se fait remonter par un drogué encore capable de bander. D'autres font pareil. Mélange de vibrations et de crasse et de sexe.

Toujours aussi bien écrit et mené. J'adore l'alternance de ton entre ces trois-là, de crue à poétique et inversement, avec la même qualité à chaque fois. Une petite préférence pour le second, plus philosophique que les autres. Une superbe invention que ces fragments.

Merci Murphy. Poétique ? Ah ? Oui peut-être, je ne sais pas.

J'adore les trois premiers. Moins les trois suivants (et en particulier le 5, parce que je suis une abrutie de fleur bleue ), même s'ils sont bien écrits.

Merci Naëlle. Les trois premiers sont moins brutaux que les trois suivants, enfin il me semble, même si tous sont assez sombres. Le cinquième tranche par un côté plus philosophique et un aspect pessimiste de l'amour. C'est sûr que c'est pas fleur bleue.

J'aime les "instants" de Didier parce qu'ils sont suggestifs, comme des petites portes entrouvertes sur des mondes insolites ou inquiétants.
Les tiens m'évoquent des bribes de pensées fugitives (introspections ou défoulements) mais refermées sur elles-mêmes.
Mon besoin de perspectives reste frustré.
Mais si ça te fait du bien, c'est l'essentiel.

Merci de ta lecture Jack. Ah bah, ouais, j'aime bien, donc comme tu le dis c'est l'essentiel.

J'aime beaucoup le premier fragment. Une simple description à première vue mais dont les dernières lignes mettent l'imagination en branle. J'adhère.

Le 2e me parle moins. L'idée est pourtant bonne et bien trouvée, va savoir pourquoi ça m'a pas plus accroché que ça.

J'ai trouvé le 3e très réussi aussi, j'y ai vu un aperçu de la folie avec les pensées étranges de ce personnage. Assez flippant dans son genre.

Merci beaucoup de tes passages fidèles sur mes petites bêtises.

Ces petits textes me font penser aux essais de certains peintres, qui peignent des parties du corps pour s'entraîner.
J'aime beaucoup la N°1 et la N°4.

Celui qui me parle le plus serait le numéro 3 mais tous tes fragments sont réussis en ce sens qu'ils nous accrochent à autre chose que nous-mêmes...