recueil de nouvelles "LE MOINEAU"
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recueil de nouvelles "LE MOINEAU"
Il va sortir incessamment sous peu courant novembre.
L'évènement c'est que Lester Gore m'a fait une préface. Je vous la mets en primeur ainsi que le texte de la nouvelle du moineau que j'avais posé ici pour avoir vos avis.
ANTI-PREFACE
par Lester Gore
L'évènement c'est que Lester Gore m'a fait une préface. Je vous la mets en primeur ainsi que le texte de la nouvelle du moineau que j'avais posé ici pour avoir vos avis.
ANTI-PREFACE
par Lester Gore
Je n’aime pas les préfaces. Soit elles sont brillantes, et leur éclat occulte plus ou moins le texte qui suit, amoindrissant d’autant le plaisir de lecteur que je m’attends à éprouver, soit elles sont médiocres, et elles ne donnent pas envie de tourner les pages suivantes.
Alors, j’ai été bien ennuyé quand Anne Stien m’a demandé de rédiger quelques mots pour son prochain recueil. Au début, et c’est bien normal, j’avais écrit un petit texte bien soigné pour exprimer tout le bien que je pensais du style d’Anne, qui s’améliore avec le temps, en tendant vers une sobriété et une épure qui le rapproche de la langue classique des grands auteurs. J’avais aussi insisté sur la variété des thèmes de son nouveau recueil, sur la diversité de l’inspiration de leur auteur. En effet, quoi de commun entre une enfance malheureuse et des retrouvailles mouvementées avec un ancien amant ? Quel fil conducteur entre le soliloque d’un Diable si humain et le destin d’un enfant trouvé, sinon le talent d’une conteuse authentique ?
Enfin, je m’étais étendu sur l’humanisme qui ressort des textes d’Anne, sur la réelle empathie qu’elle éprouve envers ses personnages, qu’ils soient comiques, tragiques ou empruntés aux genres policier ou fantastique…
Puis j’ai déchiré mon brouillon, car tous ces constats, ils vont vous sauter aux yeux, ami lecteur (et surtout belle amie lectrice), qui perdez votre temps à lire mes mots alors que vous devriez déjà avoir tourné la page pour découvrir ceux d’Anne Stien.
J’avoue aussi que je vous envie un peu, car dans quelques lignes, vous allez avoir la chance de découvrir un recueil riche, sensuel, inventif, un de ces livres qui laissent une impression vivace et durable. C’est suffisamment rare pour que je me retire sur la pointe des pieds, en vous souhaitant bon vol en compagnie du « Moineau ».
Le Moineau
Je m’appelle Elisa. Comme dans la chanson. D’ailleurs, je l’aime bien, cette chanson. Elle m’interpelle d’une étrange manière. Le refrain entêtant suggère des images, des bulles de savon emplies d’air, flottant dans la lumière. J’ai envie de courir et de sauter pour les capturer. Mais elles sont seulement le fruit de mon imagination. J’aime entrer dans un monde secret, le mien, bâtir un univers, écouter les sons de ma musique intérieure.
Après, j’écris des mots sans suite, des confessions, des impressions. Je change de cachette souvent pour ce que je considère être mon journal. J’y rassemble mes secrets, mes promesses, mes envies, mes goûts. J’aspire à une vie meilleure, harmonieuse. Je voudrais faire tant de choses. Pour l’instant, je suis encore en études. Sans orientation précise. Je flotte, je change d’avis, je me passionne. Je suis lunatique, primesautière, naïve. Je pense que les hommes naissent bons. C’est la société qui les rend mauvais, envieux, dominateurs et destructeurs. Pour cela, je me jure à moi-même de ne jamais me mettre en dépendance vis-à-vis de quiconque et de me donner les moyens d’avoir une existence digne de moi.
Les bulles… Je me mets à l’abri quand les parents deviennent enragés. C’est à cause de l’alcool et d’un tas d’autres choses. On est montré du doigt dans le village. Forcément, on est presque des indigents. J’ai honte. Alors je m’invente des vies. Etre une grande musicienne. La puissance de mes accords masquerait les bruits, les cris, la violence. Il faut que je parte loin, loin de tout ça. Cela ne fait qu’empirer. J’ai essayé de leur ouvrir les yeux. Mais c’est plus fort qu’eux, dès le lendemain ils remettent ça. Peine perdue. J’avoue qu’il m’arrive presque tout le temps de haïr mes parents. Ils ne sont que mes géniteurs. Rien ne les préoccupe hormis leur ration quotidienne de gnole.
Autour de moi, tout est sinistré, les maisons abandonnées aux fenêtres condamnées, les commerces aux grilles descendues, les cabinets médicaux désertés, les aciéries définitivement fermées, les fours éteints. Les wagonnets immobiles, prisonniers de la végétation, semblent figés dans une attente vaine. La nature, indifférente et cruelle, reprend ses droits. L’exploitation des fosses minières a été progressivement suspendue. Métallos et mineurs ont cru aux promesses de réemploi. Quand ils ont ouvert les yeux sur la réalité, il était trop tard.
Certains sont parvenus à se réinsérer. D’autres, comme mon vieux, distillent chaque jour leur rancœur au bar du coin. Quand ils rentrent chez eux, le premier qui passe prend une branlée. Ma mère, c’est pour le final. La cerise sur le gâteau. Le feu d’artifice. Le combat dans un ring, celui de leur putain de vie, jusqu’au dernier round. Mais l’arbitre s’est porté pâle.
Tout le monde est au courant. Mais personne ne fait rien. Les voisins s’enferment chez eux quand ça barde. C’est l’heure du feuilleton à la télé. Alors ils ferment portes et fenêtres. Ils se gavent de romances virtuelles au lieu d’alerter les services sociaux. La lâcheté joue le premier rôle dans la comédie de l’ignorance.
Au lycée, les autres me toisent d’un air hautain. Un regard assassin, des rires étouffés, des messes basses, je suis mise à l’index. Eux, je les mets dans le même panier. Un panier de crabes. Ils se vantent, fanfaronnent et jouent les durs. En réalité, ils prendront la suite de leur père, c’est presque mathématique. Ils ne fréquentent que les filles de bourges, aux mollets épilés, le sourire en coin, paradant dans leurs fringues de chez machin-chose. Eux, je les provoque parfois, avec mes tenues trash, mes décolletés plongeants et mon air effronté. Ils détournent avec hypocrisie leurs yeux luisants de convoitise. Je sais exactement à quoi ils pensent. Ils peuvent se brosser !
Je n’ai pas de copine. Sauf Chloé. Je la chouchoute et elle me le rend bien. Elle est autiste. Pas besoin de mots entre nous. Quand on est ensemble, les autres me laissent tranquille. On dirait que son handicap leur fait peur. Moi et eux, ça fait deux. Nos différends au lycée, en ville, enfin partout et tout le temps, sont un mur infranchissable. Aucune pierre de ce mur ne pourra jamais être dérobée. Le ciment de l’égoïsme a scellé toute possibilité d’ouverture.
Les profs, eux-mêmes, sont aveugles. Ils ne voient pas le manège des autres.
Au début du trimestre, j’ai fait amende honorable. En pure perte. Ils ne s’intéressent pas à moi, ne se soucient pas de mes conditions de vie. Seul le conseiller pédagogique me convoque régulièrement. J’apprécie son tact, sa douceur, et son côté humain. Il s’appelle Vladimir. Je n’ai jamais réussi à prononcer son nom de famille à rallonge. Il est d’origine russe. Je l’aime bien.
Eux, les adultes, les gens raisonnables, enfin les autres, ceux qui font semblant de ne pas remarquer mes contusions diverses, un œil maquillé en bleu, une lèvre boursouflée, ceux-là, les vernis, les prétentieux et les parvenus, je les méprise totalement. Leur façon de m’ignorer me prouve que je sors du lot, je suis à part, comme une plante qui a germé sans eau, sans soin particulier et qui s’octroie la première place dans le bosquet fleuri.
Je dis cela mais je sais qu’on ne peut pas se comprendre. Faut pas m’en vouloir, je suis comme ça. Sombre et lumineuse, gaie et triste, silencieuse et bavarde. Lorsque je passe d’un état à l’autre, je branche ma musique et je danse. L’autre jour, je suis tombée sur un poème de Lamartine. Le lac… J’ai eu envie de plonger dans cette eau tentatrice. J’ai lu à voix haute les vers sublimes. Ca faisait une mélodie d’enfer ! La beauté de l’écriture m’élève jusqu’aux nuages. Je suis l’oiseau sacré qui vole si haut que l’œil humain le perd de vue. Il resplendit, solitaire, magnifique. Je crie les mots et l’écho me renvoie la rime finale.
Les bulles dansent autour de moi. Je suis au septième ciel. Je ressens l’appel de la vie, l’espérance de jours meilleurs, la certitude d’échapper à un destin marqué par la violence, Mais sait-on jamais ? Les apparences sont fausses. On veut tous montrer notre meilleur profil. Même les psychopathes sourient…
Je pousse la porte de la maison. Un silence pesant m’accueille. Ma mère git sur le sol. Je prends une carafe pleine d’eau et l’asperge abondamment. La trouille au ventre, j’ouvre la porte du placard. Il est là. Immobile proie offerte au sacrifice. Le rituel s’accomplit inexorablement. Début ou final, la chorégraphie s’exécute en une danse macabre et sordide. Les coups de poing et de pied s’abattent sur le petit corps atrophié d’un être de douleur, sans amour, sans contact, sans lumière, sans espoir. Il s’appelle … On ne l’appelle pas. Pour moi il est « le moineau », privé de ses ailes pour voler en liberté. Je ne suis pas sûre que sa naissance ait été déclarée. Dès qu’il est venu au monde, il a été dissimulé ici et là. En ce moment, le placard fait office de cachot secret. J’ai l’impression qu’on le tabasse pour qu’il meure et débarrasse le plancher.
Je lui chuchote qu’il doit se battre, s’affranchir, se soumettre à la loi des hommes. Il refuse tout en bloc. Il ne grandit plus, il n’apprend ni les mots ni les sons. Victime de la bestialité paternelle, il ne désire que la mort. Son traumatisme est cérébral et physique. Je l’aime tant ce petit frère martyr. Sa constitution est faible, il ne vivra pas longtemps. Les services sociaux ne feraient que le faire souffrir davantage en voulant le garder en vie à tout prix. Mieux vaut pour lui un trépas, une délivrance, une ascension vers le paradis des anges. Les yeux fermés, il subit son lot quotidien de violences, sa tête cogne les murs qui l’entourent, il perd connaissance, ultime refuge contre la douleur, plongeon dans l’irréalité douce de l’inconscience.
Dans mes bras, exerçant un léger bercement, je l’étends sur sa couverture râpée, je lui murmure des mots d’amour, tendres et fraternels. Mes incursions sont rares cependant. Je n’ai accès au placard que lorsque les pochtrons sont givrés. Et la nuit, je dors, dans mon réduit sans fenêtre dont la porte est cadenassée. Personne n’entre chez moi. Surtout pas eux.
Quelques jours plus tard, lorsque les secours arrivent, après l’appel d’un nouveau voisin, je tiens mon petit frère dans mes bras. Tuméfié, inconscient, il paraît sans vie. Le corps de mon père se balance au bout d’une corde dans le terrain vague qui entoure le taudis où nous vivons. Ma mère est raide morte gisant dans une mare de sang sur le sol crasseux de la cuisine.
Je suis vivante et morte à l’intérieur.
Alors, j’ai été bien ennuyé quand Anne Stien m’a demandé de rédiger quelques mots pour son prochain recueil. Au début, et c’est bien normal, j’avais écrit un petit texte bien soigné pour exprimer tout le bien que je pensais du style d’Anne, qui s’améliore avec le temps, en tendant vers une sobriété et une épure qui le rapproche de la langue classique des grands auteurs. J’avais aussi insisté sur la variété des thèmes de son nouveau recueil, sur la diversité de l’inspiration de leur auteur. En effet, quoi de commun entre une enfance malheureuse et des retrouvailles mouvementées avec un ancien amant ? Quel fil conducteur entre le soliloque d’un Diable si humain et le destin d’un enfant trouvé, sinon le talent d’une conteuse authentique ?
Enfin, je m’étais étendu sur l’humanisme qui ressort des textes d’Anne, sur la réelle empathie qu’elle éprouve envers ses personnages, qu’ils soient comiques, tragiques ou empruntés aux genres policier ou fantastique…
Puis j’ai déchiré mon brouillon, car tous ces constats, ils vont vous sauter aux yeux, ami lecteur (et surtout belle amie lectrice), qui perdez votre temps à lire mes mots alors que vous devriez déjà avoir tourné la page pour découvrir ceux d’Anne Stien.
J’avoue aussi que je vous envie un peu, car dans quelques lignes, vous allez avoir la chance de découvrir un recueil riche, sensuel, inventif, un de ces livres qui laissent une impression vivace et durable. C’est suffisamment rare pour que je me retire sur la pointe des pieds, en vous souhaitant bon vol en compagnie du « Moineau ».
Le Moineau
Je m’appelle Elisa. Comme dans la chanson. D’ailleurs, je l’aime bien, cette chanson. Elle m’interpelle d’une étrange manière. Le refrain entêtant suggère des images, des bulles de savon emplies d’air, flottant dans la lumière. J’ai envie de courir et de sauter pour les capturer. Mais elles sont seulement le fruit de mon imagination. J’aime entrer dans un monde secret, le mien, bâtir un univers, écouter les sons de ma musique intérieure.
Après, j’écris des mots sans suite, des confessions, des impressions. Je change de cachette souvent pour ce que je considère être mon journal. J’y rassemble mes secrets, mes promesses, mes envies, mes goûts. J’aspire à une vie meilleure, harmonieuse. Je voudrais faire tant de choses. Pour l’instant, je suis encore en études. Sans orientation précise. Je flotte, je change d’avis, je me passionne. Je suis lunatique, primesautière, naïve. Je pense que les hommes naissent bons. C’est la société qui les rend mauvais, envieux, dominateurs et destructeurs. Pour cela, je me jure à moi-même de ne jamais me mettre en dépendance vis-à-vis de quiconque et de me donner les moyens d’avoir une existence digne de moi.
Les bulles… Je me mets à l’abri quand les parents deviennent enragés. C’est à cause de l’alcool et d’un tas d’autres choses. On est montré du doigt dans le village. Forcément, on est presque des indigents. J’ai honte. Alors je m’invente des vies. Etre une grande musicienne. La puissance de mes accords masquerait les bruits, les cris, la violence. Il faut que je parte loin, loin de tout ça. Cela ne fait qu’empirer. J’ai essayé de leur ouvrir les yeux. Mais c’est plus fort qu’eux, dès le lendemain ils remettent ça. Peine perdue. J’avoue qu’il m’arrive presque tout le temps de haïr mes parents. Ils ne sont que mes géniteurs. Rien ne les préoccupe hormis leur ration quotidienne de gnole.
Autour de moi, tout est sinistré, les maisons abandonnées aux fenêtres condamnées, les commerces aux grilles descendues, les cabinets médicaux désertés, les aciéries définitivement fermées, les fours éteints. Les wagonnets immobiles, prisonniers de la végétation, semblent figés dans une attente vaine. La nature, indifférente et cruelle, reprend ses droits. L’exploitation des fosses minières a été progressivement suspendue. Métallos et mineurs ont cru aux promesses de réemploi. Quand ils ont ouvert les yeux sur la réalité, il était trop tard.
Certains sont parvenus à se réinsérer. D’autres, comme mon vieux, distillent chaque jour leur rancœur au bar du coin. Quand ils rentrent chez eux, le premier qui passe prend une branlée. Ma mère, c’est pour le final. La cerise sur le gâteau. Le feu d’artifice. Le combat dans un ring, celui de leur putain de vie, jusqu’au dernier round. Mais l’arbitre s’est porté pâle.
Tout le monde est au courant. Mais personne ne fait rien. Les voisins s’enferment chez eux quand ça barde. C’est l’heure du feuilleton à la télé. Alors ils ferment portes et fenêtres. Ils se gavent de romances virtuelles au lieu d’alerter les services sociaux. La lâcheté joue le premier rôle dans la comédie de l’ignorance.
Au lycée, les autres me toisent d’un air hautain. Un regard assassin, des rires étouffés, des messes basses, je suis mise à l’index. Eux, je les mets dans le même panier. Un panier de crabes. Ils se vantent, fanfaronnent et jouent les durs. En réalité, ils prendront la suite de leur père, c’est presque mathématique. Ils ne fréquentent que les filles de bourges, aux mollets épilés, le sourire en coin, paradant dans leurs fringues de chez machin-chose. Eux, je les provoque parfois, avec mes tenues trash, mes décolletés plongeants et mon air effronté. Ils détournent avec hypocrisie leurs yeux luisants de convoitise. Je sais exactement à quoi ils pensent. Ils peuvent se brosser !
Je n’ai pas de copine. Sauf Chloé. Je la chouchoute et elle me le rend bien. Elle est autiste. Pas besoin de mots entre nous. Quand on est ensemble, les autres me laissent tranquille. On dirait que son handicap leur fait peur. Moi et eux, ça fait deux. Nos différends au lycée, en ville, enfin partout et tout le temps, sont un mur infranchissable. Aucune pierre de ce mur ne pourra jamais être dérobée. Le ciment de l’égoïsme a scellé toute possibilité d’ouverture.
Les profs, eux-mêmes, sont aveugles. Ils ne voient pas le manège des autres.
Au début du trimestre, j’ai fait amende honorable. En pure perte. Ils ne s’intéressent pas à moi, ne se soucient pas de mes conditions de vie. Seul le conseiller pédagogique me convoque régulièrement. J’apprécie son tact, sa douceur, et son côté humain. Il s’appelle Vladimir. Je n’ai jamais réussi à prononcer son nom de famille à rallonge. Il est d’origine russe. Je l’aime bien.
Eux, les adultes, les gens raisonnables, enfin les autres, ceux qui font semblant de ne pas remarquer mes contusions diverses, un œil maquillé en bleu, une lèvre boursouflée, ceux-là, les vernis, les prétentieux et les parvenus, je les méprise totalement. Leur façon de m’ignorer me prouve que je sors du lot, je suis à part, comme une plante qui a germé sans eau, sans soin particulier et qui s’octroie la première place dans le bosquet fleuri.
Je dis cela mais je sais qu’on ne peut pas se comprendre. Faut pas m’en vouloir, je suis comme ça. Sombre et lumineuse, gaie et triste, silencieuse et bavarde. Lorsque je passe d’un état à l’autre, je branche ma musique et je danse. L’autre jour, je suis tombée sur un poème de Lamartine. Le lac… J’ai eu envie de plonger dans cette eau tentatrice. J’ai lu à voix haute les vers sublimes. Ca faisait une mélodie d’enfer ! La beauté de l’écriture m’élève jusqu’aux nuages. Je suis l’oiseau sacré qui vole si haut que l’œil humain le perd de vue. Il resplendit, solitaire, magnifique. Je crie les mots et l’écho me renvoie la rime finale.
Les bulles dansent autour de moi. Je suis au septième ciel. Je ressens l’appel de la vie, l’espérance de jours meilleurs, la certitude d’échapper à un destin marqué par la violence, Mais sait-on jamais ? Les apparences sont fausses. On veut tous montrer notre meilleur profil. Même les psychopathes sourient…
Je pousse la porte de la maison. Un silence pesant m’accueille. Ma mère git sur le sol. Je prends une carafe pleine d’eau et l’asperge abondamment. La trouille au ventre, j’ouvre la porte du placard. Il est là. Immobile proie offerte au sacrifice. Le rituel s’accomplit inexorablement. Début ou final, la chorégraphie s’exécute en une danse macabre et sordide. Les coups de poing et de pied s’abattent sur le petit corps atrophié d’un être de douleur, sans amour, sans contact, sans lumière, sans espoir. Il s’appelle … On ne l’appelle pas. Pour moi il est « le moineau », privé de ses ailes pour voler en liberté. Je ne suis pas sûre que sa naissance ait été déclarée. Dès qu’il est venu au monde, il a été dissimulé ici et là. En ce moment, le placard fait office de cachot secret. J’ai l’impression qu’on le tabasse pour qu’il meure et débarrasse le plancher.
Je lui chuchote qu’il doit se battre, s’affranchir, se soumettre à la loi des hommes. Il refuse tout en bloc. Il ne grandit plus, il n’apprend ni les mots ni les sons. Victime de la bestialité paternelle, il ne désire que la mort. Son traumatisme est cérébral et physique. Je l’aime tant ce petit frère martyr. Sa constitution est faible, il ne vivra pas longtemps. Les services sociaux ne feraient que le faire souffrir davantage en voulant le garder en vie à tout prix. Mieux vaut pour lui un trépas, une délivrance, une ascension vers le paradis des anges. Les yeux fermés, il subit son lot quotidien de violences, sa tête cogne les murs qui l’entourent, il perd connaissance, ultime refuge contre la douleur, plongeon dans l’irréalité douce de l’inconscience.
Dans mes bras, exerçant un léger bercement, je l’étends sur sa couverture râpée, je lui murmure des mots d’amour, tendres et fraternels. Mes incursions sont rares cependant. Je n’ai accès au placard que lorsque les pochtrons sont givrés. Et la nuit, je dors, dans mon réduit sans fenêtre dont la porte est cadenassée. Personne n’entre chez moi. Surtout pas eux.
Quelques jours plus tard, lorsque les secours arrivent, après l’appel d’un nouveau voisin, je tiens mon petit frère dans mes bras. Tuméfié, inconscient, il paraît sans vie. Le corps de mon père se balance au bout d’une corde dans le terrain vague qui entoure le taudis où nous vivons. Ma mère est raide morte gisant dans une mare de sang sur le sol crasseux de la cuisine.
Je suis vivante et morte à l’intérieur.
Dernière édition par anouk le Ven 17 Oct 2014 - 11:24, édité 1 fois
Re: recueil de nouvelles "LE MOINEAU"
Vraiment classe ! L'anti préface est aussi marrante que le texte qui suit est dramatique et prenant.
Bravo à vous deux pour ce boulot. Ça risque d'être une grande réussite, ce recueil.
Bravo à vous deux pour ce boulot. Ça risque d'être une grande réussite, ce recueil.
Re: recueil de nouvelles "LE MOINEAU"
Franchement, bravo pour cette parution Anouk !
(un petit bravo & un « thumb-up » pour Lester également ;-)... super sympa ! )
Etre édité est déjà une performance en soit, une jolie réussite, mais en plus avec un recueil de nouvelles, doublement bravo !
J’aurais 2 ou 3 questions pour toi, si tu le veux bien ?
Lester est certainement l’exception qui confirme la règle, mais normalement les éditeurs sont (parait-il) plutôt frileux pour les recueils de nouvelles (pas anthologies – recueil d’un même auteur):
Quelle est ton opinion & ton expérience sur ce point ? Comment as-tu présenté & soutenu ton projet ?
Toutes les nouvelles sont dans le ton « noir » de ce texte ? Est-ce un avantage d’avoir cette approche « sombre » ?
Avec quel éditeur Cécile Langlois ? Donc édition papier ?
Merci !
TwwT
(un petit bravo & un « thumb-up » pour Lester également ;-)... super sympa ! )
Etre édité est déjà une performance en soit, une jolie réussite, mais en plus avec un recueil de nouvelles, doublement bravo !
J’aurais 2 ou 3 questions pour toi, si tu le veux bien ?
Lester est certainement l’exception qui confirme la règle, mais normalement les éditeurs sont (parait-il) plutôt frileux pour les recueils de nouvelles (pas anthologies – recueil d’un même auteur):
Quelle est ton opinion & ton expérience sur ce point ? Comment as-tu présenté & soutenu ton projet ?
Toutes les nouvelles sont dans le ton « noir » de ce texte ? Est-ce un avantage d’avoir cette approche « sombre » ?
Avec quel éditeur Cécile Langlois ? Donc édition papier ?
Merci !
TwwT
Re: recueil de nouvelles "LE MOINEAU"
Merci de l'intérêt que tu nous portes à Lester et à moi. En fait comme le dit Lester dans son anti-préface, je suis romancière, novelliste et poétesse (sans prétention aucune).
J'ai d'abord commis des romans que j'ai publiés chez Edilivre et aux Editions Saint-Martin. Puis la poésie est venue ainsi que les nouvelles. parallèlement, j'ai cherché un éditeur digne de ce nom. Rencontres sur les salons du livre, envois de manuscrits, entretiens, etc... J'ai aussi fait de mauvaises rencontres. Il ne faut pas dorer la pilule.
En tout état de cause, le courant "nouvelles",jusque là typiquement anglo-saxon, s'est développé en France. On en redemande.
Actuellement et j'espère pour longtemps, je suis aux Editions Langlois Cécile, une maison d'édition qui tend vers l'excellence éditoriale et soutient ses auteurs.
Il ne faut pas se décourager. Peu d'auteurs ont pu vivre de leur plume. Mais si on en retire une satisfaction personnelle, alors le pari est gagné.
J'ai d'abord commis des romans que j'ai publiés chez Edilivre et aux Editions Saint-Martin. Puis la poésie est venue ainsi que les nouvelles. parallèlement, j'ai cherché un éditeur digne de ce nom. Rencontres sur les salons du livre, envois de manuscrits, entretiens, etc... J'ai aussi fait de mauvaises rencontres. Il ne faut pas dorer la pilule.
En tout état de cause, le courant "nouvelles",jusque là typiquement anglo-saxon, s'est développé en France. On en redemande.
Actuellement et j'espère pour longtemps, je suis aux Editions Langlois Cécile, une maison d'édition qui tend vers l'excellence éditoriale et soutient ses auteurs.
Il ne faut pas se décourager. Peu d'auteurs ont pu vivre de leur plume. Mais si on en retire une satisfaction personnelle, alors le pari est gagné.
Le moineau
Enfin l'oiseau migrateur est revenu se poser dans le jardin de mes pensées.
Le recueil de nouvelles sort dans quelques jours.
Les commandes peuvent se faire directement auprès de l'auteure, mouah, également auprès des Editions Langlois cecile ou en librairie et Amazon etc
Le recueil de nouvelles sort dans quelques jours.
Les commandes peuvent se faire directement auprès de l'auteure, mouah, également auprès des Editions Langlois cecile ou en librairie et Amazon etc
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