"Un autre recueil", de Christophe Siébert

Ce n'est jamais idiot de donner son opinion, Jack. Il me semble même que les forums sont faits pour ça. Par ailleurs, Christophe a déjà essuyé tellement de déluges de merde qu'il ne va certainement pas jouer les vierges effarouchées pour un avis négatif. D'autant plus qu'il est tout à fait conscient que ses choix divisent et suscitent des réactions radicales. Quant à moi, eh bien, j'ai ouvert ce sujet, aussi est-il logique que je le défende. Tout va bien, donc.

Ulysse: de Virginie Despentes, je n'ai lu que Les chiennes savantes, dans une vie antérieure. C'est un peu flou dans ma mémoire, mais je ne garde pas un mauvais souvenir de ce roman. Je demanderai à Christophe ce qu'il pense de ton parallèle. Quant au "téquel", on va dire que c'est une licence poétique, avant le passage de l'Obersturmführer-correcteur sur le texte. 

Doumé: bien joué. En tout cas de mon point de vue. Moi je l'adore, le "vieux dégueulasse", et c'est vrai qu'on peut voir un lien entre le poème que tu as posté et ceux de Christophe.

En tout cas, merci à tous pour votre passage sur ce topic, et pour vos commentaires avisés.

Il est vrai que ces poèmes ne sont pas ce que Jack et moi préférons, nous amateurs de classique. Je ne sais d'ailleurs comment qualifier les écrits de Christophe. Il m'est difficile de dire que c'est de la poésie tout en sachant que la définition de la poésie s'est tellement élargie de nos jours qu'on peut y fourrer un peu tout et n'importe quoi (cela-dit sans parler spécifiquement des poèmes ci-dessus).
Il m'est aussi difficile de poser une quelconque critique. Pourquoi ? Bah, je sais pas.  
Mais comme l'a dit Jack, chacun sa voie et toutes les voies sont bonnes si on y trouve son plaisir.

Catherine Robert a écrit:
Je ne sais d'ailleurs comment qualifier les écrits de Christophe.

Du Slam ?

Léonox a écrit:

Ulysse: de Virginie Despentes, je n'ai lu que Les chiennes savantes, dans une vie antérieure. C'est un peu flou dans ma mémoire, mais je ne garde pas un mauvais souvenir de ce roman. Je demanderai à Christophe ce qu'il pense de ton parallèle.

En fait cela m'a tout de suite évoqué un passage bien précis de King Kong Théorie, je suis allée le pêcher dans ma bibliothèque , il est trop long pour être retranscrit en entier, en voici quelques petites bouts : "Qu'est-ce que ça exige au juste d'un être homme, un vrai (...) taire sa sensibilité (...) quitter l'enfance brutalement et définitivement : les hommes-enfants n'ont pas bonne presse (...) S'habiller dans des couleurs ternes, porter toujours les mêmes chaussures pataudes, ne pas jouer avec ses cheveux, ne pas porter trop de bijoux ni aucun maquillage (...)Ne pas jouer à la poupée quand on est petit, se contenter de petites voitures et d'armes en plastique supermoches (...)

@TwwT : pour moi le slam est fait pour être déclamé et écouté, je ne crois pas qu'on puisse parler de slam ici.
C'est de la poésie , épicétou.

AC/DC c'est de la musique, Mozart c'est de la musique aussi , on ne peut pas vraiment les comparer mais on peut aimer l'un ou l'autre...ou les deux.

Edit : adult only - of course -

Ulysse a écrit:

@TwwT : pour moi le slam est fait pour être déclamé et écouté, je ne crois pas qu'on puisse parler de slam ici.

Toujours pas, désolé.
S'il faut vraiment utiliser des étiquettes (ce qui n'a rien d'obligatoire), ici on est plutôt dans une lecture, une performance quasi-théâtrale (le masque), qui doit autant aux "Spoken words" de la musique expérimentale qu'au Cold power electronics/Death industrial/Dark ambient, pour les nappes de Drone qui tournent en boucle derrière.

Rien à voir donc avec le slam, qui n'est rien d'autre que du rap sans boîte à rythmes.

Et puis, pour faire du slam, faut être handicapé et porter une béquille.

Jack-the-rimeur a écrit:J'ai commis une erreur : mettre mon grain de sel sous quelque chose qui va à l'encontre de tout ce que je peux aimer dans la poésie. C'était idiot car ça ne peut finir qu'en vinaigre, ce qui ne m'intéresse pas. A chacun d'illustrer ses options comme il l'entend.
Christophe a choisi sa route.
Ce n'est pas la mienne mais je lui souhaite bon vent.
En toute sincérité.

Donc tu ne dois pas aimer aussi Bukowski ?
Même si, comme toi, je préfère le Classique, l'important reste dans la sincérité, le sentiment, le " quelque chose à dire ". Et puis, Bukowski ou Christophe maîtrisent à leur façon leur syntaxe personnelle : ils n'essaient pas de faire du " joli " comme beaucoup, ils n'envient pas les artisans des rimes qui s'emploient davantage à mettre douze pieds qu'autre chose, tu comprends ?

Maintenant, tu ne fais pas partie de ces artisans Jack, toi, tu équilibres avec talent rimes et lyrisme, inspiration et savoir-faire.

D'autres se calent sur la phrase nue (dixit Bukowski) et on aime ou on aime pas, ce qui n'empêche pas que ce sont des poètes. La poésie, c'est avant tout la sincérité mise à nue, le lyrisme partagé, et on la retrouve chez tous les poètes en rimes ou en prose, comme Didier dans ses petites merveilles sortant de ses tripes.   

La seule chose que je pourrais chipoter à Bukowski, c'est l'utilité de saucissonner trois lignes de prose pour en faire une page de poésie. (Si rime et rythme sont des artifices, le découpage des phrases en petits tronçons décalés est tout aussi fumeuse et gratuite.) Sinon, c'est une magnifique déclaration d'amour. En écrivant cela, était-il sincère, bourré à mort (ou les deux) ? On s'en fout. Il touche. Il ne raisonne pas, ne se justifie pas, ne juge pas, il évoque ! En trois mots, il évoque la rupture de la mort, le chaos de la vie commune pour finir par la force du lien qui transcende le reste... Pas de souci, j'adhère.
La poésie de Christophe, c'est autre chose. Mais c'est un sujet de Léonox et l'auteur préfère rester à l'écart. Alors quoi, je tire dans le dos ?
Non, merci. Pas mon genre...

Tirer dans le dos, si c'est avec "La position du tireur couché" chère à Jean-Patrick Manchette, je ne crois pas que Christophe t'en tiendra rigueur, Jack... J'en veux pour preuve la fin du douzième texte ci-dessous, si tu le lis. Mais bon, c'est toi qui vois, bien sûr.  


10

Je me souviens du Heysel
Je me souviens de Tian'anmen
Je me souviens de Bagdad

Je me souviens du monde
Que je voyais en direct
A la télévision
Avant d'avoir vingt ans
Je me souviens de la mort, la mort, la mort

Je me souviens de Ceausescu
Je me souviens de Malik Oussekine
Je me souviens des voltigeurs de Pasqua
Je me souviens de la mort, la mort, la mort
Que je voyais en direct
A la télévision
Avant d'avoir vingt ans

Et là j'en ai quarante et que s'est-il passé ?
J'ai été exilé
Je n'ai plus la télé
Et de fait j'ai quitté
Ce monde


11

Non je n'ai pas les moyens
D'acheter du Viagra
Alors je suis condamné
A bander
Ceux qui n'ont pas de fric n'ont pas non plus le choix
Et pour eux il ne reste
Que la réalité


12

J'adore quand mes demandes
Les plus idiotes
Sont prises au sérieux
Par mes copains
C'est dans ces moments-là
Que je me sens aimé
Le plus
Et quand on m'envoie chier
En rigolant un coup
Et bin je me sens
Aimé
Aussi

Ooooh j'aime bien le 12!

Je l'aime bien parce que c'est exactement ça: y a que les vrais amis pour accepter tes délires et pour t'envoyer chier franchement. Tous les autres te disent trop rien, ils gardent un silence poli de peur de te vexer.
Petite remarque cependant:
"Et bin je me sens
Aimé
Aussi"
J'aurais mis "aimé" à la suite de "je me sens". Comme ça, le "aussi" est plus marqué (et marquant).

J'ai lu les autres, et comme Ulysse certains me parlent plus que d'autres, mais dans l'ensemble j'aime ce qui est dit.

(merci à tous ceux qui lisent et discutent, je suis tout ça avec un grand intérêt ; maintenant, une petite remarque destinée en particulier à jack-the-rimeur, mais que tout le monde peut prendre à son compte : c'est la première fois qu'on me fait la joie de donner à lire mes textes sans que je sois à l'origine de l'initiative, j'en suis à la fois très fier et très heureux, mais aussi, ça me donne le sentiment que, pour une fois, je ferais mieux de fermer ma gueule et laisser les lecteurs causer entr'eux et surtout sans moi - autrement dit : jack, je t'en prie, dis ce que tu as envie de dire, je ne me sentirai pas pris en traitre, tu es ici chez toi, et même je dirai, tu l'es davantage que moi)

Y aura-t-il quelqu'un qui osera répondre à la question posée à la fin du quinzième poème ?
Ouais, c'est un défi. Perso, je ne connais pas la réponse. Bonne lecture quand même.  

13

Les crimes qu'on commet
Juste pour se prouver
Ou pour prouver au monde
Au monde dégueulasse
Qu'être plus dégueulasse
Que lui
On peut
Les petits garçons
Et les petites filles
Qu'on loue dans une ruelle
Et qu'on force à baiser
Dans la chambre d'hôtel
Ou alors qu'on dérouille et tout le reste qu'on fait juste pour se prouver que quel que soit ce monde on peut le surclasser
C'est bon pour le moral
De savoir qu'en enfer
On peut mener la danse


14

Les bagnoles qui se cartonnent
Aux carrefours
Sur les routes
Ça et là dans le monde
Font un bruit de sac en papier
Rempli d'air
Qu'on éclate
D'un coup
Dans le sac les gens meurent
Parfois
Nous sommes le siècle
De la mort ridicule


15

En dehors de ce qu'on fait
Pour hâter notre mort
Du plaisir manifeste à la frôler de près
Et de ces autres trucs
Qu'on fait quand on la sent
Venir pour de vrai
De tous ces autres trucs
Pour gagner quelques mois
Quelques minutes
Il reste quoi ?
Hein ?
Il reste quoi ?

Il reste l'amertume de n'être pas parvenu. Siebert c'est un Hemingway qui s'ignore.

Léonox a écrit:Y aura-t-il quelqu'un qui osera répondre à la question posée à la fin du quinzième poème ?
Ouais, c'est un défi. Perso, je ne connais pas la réponse. Bonne lecture quand même.  


15

En dehors de ce qu'on fait
Pour hâter notre mort
Du plaisir manifeste à la frôler de près
Et de ces autres trucs
Qu'on fait quand on la sent
Venir pour de vrai
De tous ces autres trucs
Pour gagner quelques mois
Quelques minutes
Il reste quoi ?
Hein ?
Il reste quoi ?

Ben, il reste après, non ?
L'éternité l'ami, l'éternité vivante et intense !

Tu veux que je te fasse une confidence, Léonox ?
IL ME TARDE !