SILENCE ROUGE de Brice Tarvel

Après avoir écrit tout le bien qu'il pensait de Night Stalker et d'EmoRagie, David "Vidéotopsie" Didelot conclut son examen de notre deuxième salve avec une chronique de Silence Rouge:

"S'il en était encore besoin, la réédition de "Silence rouge" montre que la boucle est définitivement bouclée entre la "Collection Gore" et "Trash Editions" : roman d'abord inscrit aux projets éditoriaux de "Gore", "Silence rouge" paraîtra finalement sous la bannière "Angoisses" (en 1994, opus 7 de la collection)... pour renaître de ces cendres rouges chez "Trash", dans une version remaniée, et légèrement gorifiée ! Belle idée que de convoquer Brice Tarvel, alias François Sarkel, ancien combattant de la "Collection Gore" avec "La Chair sous les Ongles"...
Chantre du gore provincial (voire spécifiquement rémois !), et grand admirateur de Simenon, l'auteur inscrit donc son "Silence rouge" dans les pas de "La Chair sous les Ongles" : l'inquiétante étrangeté du réel le plus commun, celui fait de grisaille, de nuits pluvieuses, de matins sombres et de maisons vieillottes, dans le triste contexte d'une ville de Province. Et puis un crime odieux, atroce : la jeune Stéphanie, décapitée chez elle alors qu'elle écoutait un peu trop fort du Heavy Metal... Et puis des bizarreries de l'ordinaire qui viennent rompre le naturel ordonnancement des choses : des coupures de courant inexplicables, une odeur nauséabonde qui flotte dans les rue de Reims, la police qui montre bien peu de zèle lors de ses investigations... Francine (sœur de Stéphanie) et son amant Maxime vont alors mener leur propre enquête, laquelle va les confronter aux "Zélateurs du Silence", secte de vieillards bien frappés qui ont décidé, sous la houlette de leur Grand Maître Antoine Zalanas, de pourfendre bavards pathologiques, commères incorrigibles, pollueurs sonores en tous genres et autres amateurs(trices) de Metal ! Démarrant comme un polar salement glauque et radical, alignant une galerie de personnages bien torves (l'apathique Inspecteur Gordin, Maxime l'alcoolique, le très beauf Hauxin, l'hyperacousique Francine...), "Silence rouge" oblique en son milieu vers la folie la plus sanglante, typique en cela de la série "Trash" : sans verser dans une démesure gore qu'il laisse à d'autres, Brice Tarvel ménage tout de même quelques rudes séquences, comme le supplice de Vévé - motard trop bruyant -, l'horrible massacre des convives de la jeune Alice Ventaille (eh oui, ils avaient fait trop de bruit !), ou la mort abominable d'Hauxin, un pot d'échappement fumant planté dans le fondement ! Quelle idée géniale que ces sectateurs du Silence, née d'une vraie phobie du bruit dont souffrit un temps Brice Tarvel, et dont on partagerait presque les dogmes quand on pense aux bavards de tous poils qui polluent l'atmosphère médiatico-politique ! Oui, on serait presque prêt, parfois, à enfiler la cape de Zalanas, faite des langues cousues d'insupportables zélateurs... du bruit ! Un roman presque ironique, qu'on savoure, qu'on déguste, mais dans le silence le plus complet, sinon..."

Une fois encore, grand merci à David pour cette série de retours enthousiastes et éclairés.  

J'ai été un peu déçue par Silence Rouge. Pourtant, ça débutait bien, avec la décapitation bien glauque de la sœur de Francine.
En fait, je vois plusieurs problèmes à ce roman:
- la révélation de l'identité des coupables et de la raison des meurtres arrive trop tard. Francine et Maxime mènent à peine l'enquête. Je dirais plutôt qu'ils attendent le fameux rendez-vous au château de La Malle et, pendant ce temps, constatent seulement quelques petites choses qui ne tournent pas rond (cette odeur d’œuf dans les rues, les coupures de courant récurrentes, le silence inhabituel qui règne sur la ville dû à l'absence de promeneurs dans les rues de Reims). Je m'attendais plutôt à ce qu'on découvre rapidement l'envers (horrible) du décor et que Maxime et Francine fassent tout pour en sortir. Eh bien non. Ça, on ne le voit qu'à la fin, et pas très longtemps, malheureusement.
- Mais ça n'aurait pas été si gênant si le personnage de Francine n'avait pas cruellement manqué de crédibilité. Difficile de trop développer sans spoiler d'éventuels futurs lecteurs, mais entre la lecture, à la fin, du petit mot de Francine et l'attitude louche de cette dernière tout au long du livre, il y a comme un gros retournement de situation qui passe difficilement avec moi.
- Maxime est plutôt sympa, comme personnage, mais (ce que je vais dire là est totalement subjectif, j'en ai bien conscience) je le trouve très casse-pieds, à se dire qu'il doit protéger Francine. C'est bon, mec, c'est pas parce que tu couches avec elle que tu dois avoir des élans paternalistes. Elle peut se protéger toute seule (et d'ailleurs ça se vérifie). À part ça, il se pose de manière trop fréquente des paragraphes entiers de questions, qui sont d'ailleurs plus ou moins répétitives et qui cassent le rythme déjà lent de l'intrigue.

En ce qui me concerne, la lecture de Silence Rouge a donc été fastidieuse. Mais bon, comme je suis du genre acharnée, je lirai Charogne Tango quand il paraîtra 

Merci bien pour ce retour, Naëlle.
Je regrette que Silence Rouge ne t'ait pas enthousiasmée plus que ça, mais je respecte bien évidemment ton opinion, et il serait idiot et vain de ma part de vouloir t'en faire changer.
Pour autant, j'ai quand même envie de revenir sur un point précis, où je suis en désaccord avec toi. Il s'agit de la place de la femme (en l'occurrence Francine) dans ce roman. Car ce personnage est capital. Sans elle, il n'y a aucune histoire. Et tu le dis d'ailleurs toi-même ici:

Naëlle a écrit:entre la lecture, à la fin, du petit mot de Francine et l'attitude louche de cette dernière tout au long du livre, il y a comme un gros retournement de situation qui passe difficilement avec moi

C'est-à-dire que Brice, tout au long du livre, prend un malin plaisir à la faire passer pour un personnage déséquilibré (ce qui est compréhensible avec le trauma qu'elle connaît dès le début), mais cette "attitude louche" n'est en fait qu'un masque porté par la jeune femme. Et le retournement de situation final, justement, vient porter un éclairage bien différent sur le déroulé de l'intrigue, et sur le tempérament de Francine, qui n'a rien d'une faible femme.
En fait, j'ai eu envie de te répondre à ce sujet après avoir lu ton - excellente - chronique de Garbage Rampage, où tu commets à mon humble avis une petite erreur:

Naëlle a écrit:dans les quelques Trash que j'ai lus (Silence Rouge, Night Stalker, Pestilence et Bloodfist), les femmes ont rarement une grande importance, sont rarement marquantes, et souvent elles sont les jouets des hommes

Parce qu'autant j'admets et comprends l'argument pour trois des quatre romans cités, autant je ne trouve pas qu'il s'applique à Silence Rouge. Pour moi, Francine y est clairement le personnage principal, et si elle peut donner par moments l'impression de subir la situation... c'est pour mieux te manger, mon enfant ! 

Oui, en répondant à Julien, j'avais conscience que Francine est le personnage principal de Silence Rouge, même si la quasi-totalité du bouquin est racontée du point de vue de Maxime. C'est pour ça que j'ai ajouté, derrière "les femmes ont rarement une grande importance", qu'elles sont aussi "rarement marquantes" (j'aurais dû préciser qu'elles peuvent être l'un et l'autre mais aussi l'un OU l'autre). Et pour moi, Francine fait partie de cette deuxième catégorie. C'est indéniablement un personnage important du bouquin, mais elle est pas marquante. Si je devais me souvenir d'un personnage féminin qui en jette, ça serait certainement pas de Francine.

Mais en fait, je crois qu'elle aurait pu être un personnage de la première catégorie, du genre monstrueusement classe lorsqu'on apprend le retournement de situation, si son traitement avait été tout autre. J'ai bien compris que son attitude était un masque, mais je la trouve pas crédible (et très agaçante, aussi), comme je l'ai dit dans ma critique. Bon, je dis ça, mais j'ai pas la moindre idée de la manière dont Brice aurait pu s'y prendre pour que ça passe mieux à mes yeux. Et puis, comme je suis apparemment la seule que ça gêne et que le bouquin est de toute façon déjà publié, je suis pas sûre que ce soit intéressant de le savoir.

C'est celui-là que j'ai commandé, mea culpa et pas Nécroporno mais il va me plaire, je pense...

Ce qui est bien avec les éditions TRASH, c'est que chaque roman est différent et nous propose quelque chose d'autre.
Pour cette fois, nous avons droit à un roman sans sexe, ça change de mes cinq premières lectures, et le gore y est moins prononcé, sans pour autant en être absent. "Silence rouge" nous fait découvrir l'histoire de Maxime et Francine. Après avoir découvert le cadavre affreusement mutilé de sa jeune sœur, Francine se jure de retrouver le ou les assassins et entraîne dans sa quête son ami-amant. Leur enquête les mènera jusqu'à une mystérieuse secte adoratrice du silence et les confrontera à d'autres meurtres horribles.
La lecture est plaisante, je dirais presque tranquille, mais l'histoire avance à son rythme avec un déroulé peut-être un peu rapide.
Ce n'est donc pas le TRASH le plus dur, mais, personnellement, je ne me suis pas ennuyée à sa lecture.

Merci beaucoup pour ce retour, Catherine.

Il me fait d'autant plus plaisir que tu écris là quelque chose d'important:

Catherine Robert a écrit:Ce qui est bien avec les éditions TRASH, c'est que chaque roman est différent et nous propose quelque chose d'autre.

Nous avons en effet à coeur d'éviter les redites, et de prouver que le genre est bien plus vaste que le laissent entendre ceux qui ne le connaissent pas. Brice constitue d'ailleurs à lui seul un bel exemple, car Charogne Tango est vraiment différent de Silence Rouge. Sans trop en dévoiler, je pense que tu le trouveras plus dur, à tous points de vue. Sexe y compris, bien sûr.

Du sexe dur ! Comment dire... ça ne peut être qu’alléchant !

Cela fait un moment que j'ai refermé la dernière page de ce petit roman... Court mais percutant !

L'atmosphère est dès le début oppressante grâce à la description de la maison des deux sœurs solitaires. Elle vivent en ville et leurs parents dans le midi. La ville n'échappe pas au traitement morbide que Brice Tarvel semble vouloir infliger à tout l'environnement proche de son héroïne : aucune rédemption possible pour personne ! Enfin si, grâce à un sacrifice que l'on ne découvre qu'à la toute fin, des gens seront sauvés !

On suit Francine, jeune femme renfermée et pleine de tics qui vit dans une maison "pourrie", assez effrayante car n'importe quelle plante se retrouve emplie de vers blancs, l'eau du robinet se trouble, la chaudière se met en route à n'importe quel moment... Pour aller à l'étage, il faut emprunter un escalier raide où elle découvre la tête de Stéphanie, sa sœur de 16 ans avec qui elle partage le logement, ses écouteurs rivés à ses oreilles car son penchant malsain est d'aimer la musique "métal", à fond si possible. Comme une sorte de secte "Les zélateurs du Silence" n'apprécie pas, elle n'a pas échappé à leur vigilance à vouloir massacrer toute personne n'entrant pas dans leur règlement strict, ou ayant un comportement déviant de leur point de vue. Il y a de l'humour noir qui transpire dans la description des préceptes de la secte, à rapprocher de tous les extrémismes...  

J'ai apprécié ce roman et sa conclusion sèche. L'héroïne, malgré son mutisme et sa possible envie de devenir chef des barbares de la secte se révèle d'une grande force et m'a émue. Sa détermination, à vouloir retrouver les morceaux de sa sœur et à vouloir la venger, la guide vers des actions folles. Je tremblais avec elle et lui soufflait de prévenir la Police plutôt... Mais celle-ci se révélait peu fiable en la personne de l'inspecteur Gilles Gordin, dépêché sur les lieux des crimes, tous plus odieux les uns que les autres !  

Ah ! Les descriptions des supplices endurés par les victimes ! On en a un exemple sur la quatrième de couverture. Je vous promets qu'au cours du cheminement de Pauline pour intégrer la secte, accompagnée de son ami Maxime, Brice Tarvel en commet d'autres aussi terribles comme le voisin, garagiste...

Encore un titre et un auteur que Trash nous offre avec un goût pour la démesure qui me plaît bien.

Merci pour cette belle chronique, voici un petit cadeau de Noël bien sympa pour l'auteur (et l'éditeur) !

Celles et ceux qui s'intéressent à ce qu'on fait savent déjà que Stéphane Erbisti, fondateur de l'excellent fanzine Toutes les couleurs du Bis, a commencé fin août une espèce de "marathon TRASH". J'avais relayé ses chroniques de nos trois premiers titres il y a un mois. Voici la suite :

http://www.horreur.com/?q=nid-5775%2Fsilence-rouge-silence-rouge

Je les ai toutes lues. Bien rédigées, sympa à lire.