Collection ANGOISSES

Ephémère collection dirigée par Juliette Raabe de 1993 à 1994. Neuf titres parus seulement.
Bien connue des amateurs de la collection GORE, qu'elle dirigea, seule ou accompagnée, à partir du numéro 89 et jusqu'à son interruption en 1990, Juliette Raabe entendait s'adresser avec ANGOISSES aux orphelins de la série, tout en faisant un clin d'oeil opportuniste aux nostalgiques d'ANGOISSE sans "s".
Hélas, la sauce ne prit pas, et faute d'avoir su trouver son public, la série s'arrêta rapidement.
C'est fort regrettable, car le choix des auteurs (une majorité d'anciens goreux, parfois cachés sous des pseudonymes différents) était bon, et les couvertures d'ANGOISSES, toutes réalisées par Marc Demoulin (un habitué de Pocket Terreur) bien plus réussies que celles de Dugevoy pour GORE.

1. Rap killer. Fred Chéreau. Fred Chéreau n'est autre qu'Yves Ramonet, auteur de Guillotine sous le pseudonyme de Céline W. Barney et de La massacreuse, Aux morsures millénaires et Dunes sanglantes sous celui d'Axelman (GORE numéros 95, 74, 89 et 109).
2. Cauchemars d'acier. Jean-Pierre Andrevon. Jean-Pierre Andrevon, autrement dit le coupable idéal pour cette collection, grâce à ses trois ANGOISSE sous le pseudonyme d'Alphonse Brutsche et à ses deux GORE Cauchemars de sang (N. 26) et Comme une odeur de mort (N. 85).
3. Souterrains. Gilbert Picard. Peu d'informations au sujet de cet auteur, désigné comme "Sylvie Picard" (!) sur la couverture de Souterrains, hormis les quatre romans qu'il écrivit pour Anticipation entre 1985 et 1986.
4. Dîner de têtes. Kaa. Kaa, autrement dit Corsélien chez GORE et Behemoth pour MANIAC. De son vrai nom Pascal Marignac, l'homme est déjà évoqué sur les topics des collections sus-citées. Et c'est bien normal, car il en fut de l'avis général l'un des plus brillants contributeurs.
5. Le baigneur. Jean Mazarin. Auteur de cinq des GORE les plus époustouflants sous le pseudonyme de Necrorian. Ai-je besoin d'en dire plus ? Ah, si une curiosité à propos de ce livre quand même. Il fut la seule réédition d'ANGOISSES, car il parut initialement dans la collection Science-Fiction développée par Patrick Siry en parallèle à MANIAC. Signé Emmanuel Errer, le titre original de ce roman était L'hiver en juillet.
6. Les deux orphelines vampires. Jean Rollin. On ne présente plus le regretté cinéaste-écrivain Jean Rollin. A noter tout de même que le cycle des deux orphelines vampires connut quatre suites, parues dans la collection FRAYEURS (dirigée par... Jean Rollin) entre 1994 et 1995, avant d'être adapté au cinéma en 1997 par l'auteur sous le titre éponyme.
7. Silence rouge. François Sarkel. Sévissant désormais sous le pseudonyme de Brice Tarvel, François Sarkel fut l'auteur de l'avant-dernier GORE (La chair sous les ongles, N. 117), récemment réédité chez Rivière Blanche. C'est tout ? Oui, pour l'instant. Très bientôt davantage de précisions au sujet de ce livre et de son auteur dans un autre topic.
8. Magna mater. Laurent Fétis. Laurent Fétis est connu pour avoir signé, sous le pseudonyme de Brain Splash, le centième GORE (La cervelle contre les murs) à l'âge de dix-huit ans. Il s'est depuis reconverti dans le Polar et le Thriller à la Série Noire, puis chez Baleine.
9. Incarnations. Axelman. Déjà évoqué plus haut avec le numéro un de la série, Axelman-Yves Ramonet a par ailleurs écrit sous son nom deux romans chez Denoël. Le premier, Les perspectives du mensonge, est paru chez Présence du futur en 1994. Le second, Dislocation, sortit en 1996 dans la collection Sueurs froides.

Belle collection en effet.  

"La petite fille tenta de courir pour rattraper la femme frileuse que le garde entraînait vers la sortie, mais elle glissa sur le parquet humide et s'étala, lâchant sa poupée. Le crâne de celluloïd éclata sous le lourd croquenot..."

Paris, 1992. Julien est réparateur de poupées anciennes. Un jour, en plein mois de juillet, une femme curieusement emmitouflée en dépit de la chaleur ambiante lui amène un baigneur à la tête enfoncée. Le jeune homme, intrigué par le comportement mystérieux de sa cliente, accepte de s'occuper du poupon. C'est alors que sa vie va basculer. Littéralement. Il se retrouve propulsé cinquante ans plus tôt dans la France de 1942, en pleine furie antisémite.

Je me revois m'installer chez ma mère près de la cheminée à Noël dernier pour me plonger dans ce roman. En temps normal, j'aime les feux de cheminées, leur odeur, leur couleur, les branches qui crépitent. Mais là c'était insupportable. Parce qu'en 1942 il y avait des camps. Avec des cheminées spéciales. Alors je me suis senti vraiment mal. Physiquement. Je voyais des images horribles danser dans la cheminée familiale, qui me rappelaient celles évoquées dans le livre. Bref. J'ai dû aller poursuivre ma lecture dans ma chambre. Il y faisait plus froid, mais c'était un peu moins pénible. Comme si la chaleur éprouvée quelques instants plus tôt me faisait honte. Comme si les lueurs rouges et jaunes de la flambée avaient voulu tatouer sur ma rétine toute l'horreur dont l'homme peut se rendre coupable avant de m'aveugler.

En lisant Le baigneur, vous sombrerez dans la tourmente d'une période effroyable, vous vous ferez écraser le visage par des bottes à clous, vous aurez peur des loups qui rôdent, vous aurez très froid, même au mois de juillet... Mais vous songerez aussi aux "Angoisse" du grand Kurt Steiner, pour ce flottement fantastique entre passé et présent, et pour l'éclatement de la personnalité du protagoniste principal. Peut-être même ferez-vous le parallèle avec un certain roman de Claude Seignolle intitulé... Les loups verts. Une chose est toutefois certaine: l'image de la femme frileuse vous hantera durablement, et vous fera sans doute regretter le titre original porté par ce roman lors de sa première édition chez Patrick Siry. Car L'hiver en juillet était quand même beaucoup mieux adapté à son atmosphère étrange et oppressante.

L'auteur a manifestement mis beaucoup de lui-même dans ce récit très dur, qui n'hésite pas à saisir le lecteur par les tripes pour lui arracher toute la compassion dont il est capable. Voilà pourquoi j'ai été très touché que Jean Mazarin me fasse cadeau de ce livre juste avant Noël. Parce que je considère un tel présent comme un véritable gage de confiance. Je vous assure que j'ai apprécié le geste à sa juste valeur. Sur le plan littéraire comme sur le plan humain.

Je l'achète de suite. Tu l'auras voulu.

Il me tente bien aussi  

Je suis heureux que ma petite chronique ait retenu votre attention.
Parce que si avec Zaroff nous évoquons régulièrement la facette Gore de Jean Mazarin, il s'avère, aussi excellente soit-elle, que sa contribution à la mythique collection éponyme est un peu l'arbre qui cache la forêt. En effet, que ce soit sous le pseudonyme de Jean Mazarin ou celui d'Emmanuel Errer, l'homme a quand même écrit une centaine de romans depuis ses débuts il y a 40 ans. Pour la Série Noire, puis au Fleuve Noir, dans les collections Spécial Police, Espionnage et Anticipation. Il a aussi obtenu en 1983 le grand prix de littérature policière avec le roman Collabo Song. Un vrai grand auteur populaire qui, à l'instar de G.J. Arnaud, s'est frotté avec bonheur à tous les "mauvais genres" en y apposant sa patte. Françoise et Zaroff, je pense que Le baigneur a tout pour vous plaire.

Ce livre est enfin en ma possession.   

Splendide. Je t'en souhaite donc une agréable - quoique douloureuse - lecture.
Merci de ta confiance.

Le Baigneur est un diamant, du très très grand Mazarin. Si ce livre te plaît et que tu souhaites de nouveau te plonger dans les affres de l'Occupation, jette-toi sur Collabo-Song, bien sûr, mais également Un détour par l'enfer (signé Errer) !

Schootswater a écrit:Le Baigneur est un diamant, du très très grand Mazarin. Si ce livre te plaît et que tu souhaites de nouveau te plonger dans les affres de l'Occupation, jette-toi sur Collabo-Song, bien sûr, mais également Un détour par l'enfer (signé Errer) !

Je note.
Edit : c'est acheté ! Le tout pour 9 euros.

"Paris, décembre 1943.
La traction-avant s'arrête devant le bar. Il fait nuit. Les rues sont désertes, sillonnées par de rares voitures dont les propriétaires possèdent des ausweis et parfois des cartes jaunes et noires de la Gestapo..."
"Un détour par l'enfer" (1987) est le n° 13 d'une collection sympa et éphémère de polars cartonnés qui s'appelait "L'Instant Noir". Un jeu trouble de miroirs déformants entre taupes, traîtres et collabos sur un décor terriblement documenté et vivant (ou mortel, au choix).
Un très bon Errer/Mazarin. (René-Charles Rey de son vrai nom, et né comme Charles Manson en 1934.)
Toujours content d'avoir l'occasion d'évoquer un vieux copain de lecture.

En effet, "Le baigneur" est un livre marquant et dur malgré son aspect fantastique. Un réparateur de poupées anciennes est condamné à revivre le douloureux passé vécu par son grand-père en 1942. Par différents paradoxes temporels, le personnage principal revit les évènements de la rafle du Vel d'Hiv en se retrouvant dans la peau de plusieurs protagonistes. Petite fille déportée, commandant S.S... il se trouve plongé dans l'hypocrisie et la délation contre les Juifs, cinquante ans avant.
C'est un bouquin au ton suranné mais qui dispense une atmosphère troublante et angoissante. Je vous recommande cette lecture sans hésitation.

L'auteur dispose du lien menant au fil de cette conversation.
Nul doute qu'il sera aussi ravi que moi en découvrant ton avis.

Tu lui demanderas pourquoi les poupées sont un thème récurrent dans son oeuvre.   

À Jean Mazarin, s'il me fait l'honneur de lire ce message : sachez que je donnerais un rein (voire deux) pour lire Mutins légitimes, votre roman sur la Waffen-SS Handschar, prévu chez Nuits blanches en 2012 mais malheureusement tombé dans les limbes...