Enfants de nuit

Il sombre au fond de moi comme un enfant malade,
Interdit de soleil, plus triste qu'un remords,
Qui regarde au plafond les reflets du dehors
Luire et danser comme on s'évade.

Il pleure au fond de moi comme un enfant perdu
Qui se terre, hébété, sous le fracas des armes,
Berçant son petit frère aux vastes yeux sans larmes
Figés sur le ciel défendu.

Il peine au fond de moi comme un enfant des mines
Qui s'éreinte à pousser son trop lourd chariot
Et ne saura jamais qu'il existe, là-haut,
Du miel et des mamans câlines.

Ils ont le coeur si loin, en exil d'avenir,
Enfants misère, enfants morsure, enfants des marges,
Gibier hâve et furtif arrachant aux décharges
De quoi tenir encor, tenir...

Je les entends sans fin lacérer le silence
De leurs longs cris muets à bout de désespoir,
Gravant au flanc d'un monde en lambeaux rouge et noir
La honte de leur plaie immense.

Ils brûlent dans mes nuits tous ces enfants glacés,
Regard vide et poings durs à blanchir les phalanges...
Comment chanter Noël sans fuir leurs spectres d'anges,
Leurs âmes de jouets cassés ?

Superbe ! Rien d'autres à dire !