Sans-titre 2 (pour l'instant ?)

Ne nous arrêtons pas, pas encore.
Il nous reste peu d’essence, mais tu ne ralentis pas et la voiture nous extrait de ce qu’il reste de cette ville.
Les néons et les enseignes lumineuses s’évanouissent peu à peu dans la pénombre, derrière chaque fenêtre, la vie se met en suspens dans l’obscurité. Tout semble s’effondrer sur notre passage et la nuit nous pourchasse, inlassablement.

Assis sur le capot, je t’admire remplir le réservoir.
Puis j’explore la station-service du regard, à la lumière du seul néon clignotant, comme s’il était sur le point de rendre l’âme.
Ce refuge semble perdu au milieu de la lande, comme l’unique vestige d’une civilisation se dressant au milieu des ténèbres.
Les rares bâtiments qui entouraient la pompe ne sont plus que gravats et cette journée s’effondre, elle aussi, devenant à son tour une ruine du temps jadis.
Tu me serres dans tes bras à l’instant où le néon éclate.

Je crois que nous perdons du terrain.
La nuit est toujours plus profonde et proche de nous. Je parcours la carte de l’index pendant que les phares percent les ombres… Le plan est déchiré à un endroit, au lieu de ce qu’il aurait dû indiquer, il ne reste qu’un lieu absent.
Nous n’avons pas besoin de parler, tu lis en moi et nous nous élançons vers cette destination fantôme.

C’est vrai que tu as jeté ta montre.
Mais je regarde celle qui orne toujours mon poignet, comme je m’y attendais, les aiguilles sont encore figées. Comme l’étaient les étoiles au-dessus de nos têtes, il n’y a pas si longtemps.
Même ma cigarette ne se consume plus, seul le compteur nous accompagne dans notre course à la lumière.

Je m’assied à nouveau sur le capot pour te donner la main.
Comme nous nous y attendions, le ciel obscur dévore peu à peu l’astre sélénite, jusqu’à l’avaler complètement.
Tu serres mon bras avec force à l’instant où les phares de la voiture s’éteignent brusquement.
Combien de temps peut-il rester avant la fin ? Celle avec un F majuscule. La Fin des Fins.

J’aurais voulu que tu restes avec moi, encore un peu… Que tu sois cette lumière qui jamais ne s’éteint, un feu de joie dans les profondeurs de la nuit.
Comme la flamme d’une bougie se noyant dans la cire liquide, ton souffle se fait de plus en plus faible, jusqu’à ce que ton étreinte perde sa force.
Dans la pénombre désormais complète, ta chevelure se mêle à la mienne tandis que ton visage s’enfouit contre ma poitrine.

La voûte autrefois céleste, vient de perdre ses nombreuses lueurs pour la dernière fois, mais c’est sur la terre et dans mes bras que s’est éteint le plus radieux des astres.
Alors, je jette ma cigarette dont la braise meurt à son tour.
Et j’attend un nouveau jour qui ne lèvera jamais.

Pourtant, à mon poignet, les aiguilles de ma montre avancent à nouveau.
Et quelque part, dans ma poitrine, une horloge s’est remise à fonctionner, bien malgré elle.