Un atelier de rêve

Ce court texte n'est pas dans les habitudes du forum, mais j'ai eu envie de l'y placer. C'est une tranche de vie réelle racontée à ma manière.
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Mon père - ce bricoleur – était à mes yeux un exemple outils en mains. Il savait tout faire : transformer un miroir chandelier aux bougies fanées en une lampe de chevet 2 x 30 Watts, récupérer la voiture en plastique étrangement égarée dans l’évacuation des WC, construire des placards particulièrement pratiques pour les parties de cache-cache avec les copains, émailler - tel un magicien moderne - la cour de tranchées selon un dessin ésotérique pour mettre à jour les anciennes canalisations ; et tant d’autres miracles de tous les jours depuis le remplacement d’ampoules usées jusqu’au remplacement de plombs, usés également, quoique essentiellement par mes montages électriques. Que n’aurais-je donné pour pouvoir l’imiter, ainsi d’ailleurs que Michel, le père bricoleur de mon meilleur copain !

Dès l’orée de la seconde dizaine d’années, après d’intenses séances de cogitations ayant mobilisé mon cerveau gauche à lui coller des courbatures, je compris que ces deux êtres hors pair, avaient incontestablement sur moi un avantage : ils possédaient un atelier !!! Plein d’outils de toutes sortes, plus ou moins bien rangés, toujours prêts à jaillir dans la main de leur propriétaire pour une lutte acharnée contre un écrou récalcitrant ou un appareil dépressif. Il est bien connu que l’atelier fait le bricoleur ! Aussi, plutôt que de perdre du temps à apprendre à bricoler, je résolus de m’équiper d’un atelier. Une vieille armoire bleue au fond du garage en fut le brouillon, meublée de quelques planchettes et outils récupérés ici et là. Cet atelier minuscule, accessible seulement lorsque le garage était vide de voitures, permit la naissance d’une réalisation unique : un magnifique fort américain en bouts de bois collés qu’aucun cow-boy n’aurait probablement reconnu, mais d’une solidité telle que 35 années plus tard le bâtiment principal existe encore. C’était peut-être un Blockhaus après tout !

Soucieux de ménager à leur enfant un espace d’expression créative à la mesure de son fabuleux potentiel, mes parents attendris décidèrent alors de m’attribuer un véritable lieu de bricolage. Et la cave familiale devint ma demeure aux merveilles. Papa-bricoleur m’y aménagea un espace et un véritable établi. J’obtins même un étau et de vrais outils, des clous, des vis et des… trucs à l’usage obscur. Au fil du temps, je complétai ce capital d’ajouts variés issus des décharges de la région, sources de découvertes quasi magiques. La cave, endroit obscur et empli de créatures oniriques peu recommandables, fut illuminée par une ampoule stratégiquement placée au-dessus de l’établi.

Quel plaisir et quelle fierté me reviennent de cet espace personnel. Et combien je fus reconnaissant à mes parents de leur idée et à mon père de sa réalisation ! Au point que je fis mes devoirs sans rechigner pendant au moins une semaine...

Pourtant, peu de choses sont sorties de cet atelier. D’une part l’escalier massif en pierres ne m’inspirait pas confiance car un trou du côté opposé à l'établi aurait bien pu héberger quelques monstres mythiques – certes petits vu la taille du creux – mais un monstre est un monstre !

Par ailleurs, pour bricoler il faut un but et je n’avais guère d’idées. Cet endroit a été un refuge, un lieu de discussion entre copains, un champ de bataille pour soldats de plastique. Puis il fut envahi par l'un de mes beaux-frères, passionné d'expériences chimiques - et notamment expert en transmutation de n'importe quoi en... la même chose, mais moisi. Ainsi l’atelier devint atelier d’alchimiste. Puis ne fut plus.

Le souvenir de son existence éphémère n’existe probablement plus qu’en moi aujourd’hui. Mais la lumière qui l’éclairait brille encore très fort en mon cœur.

Pas très "castoche", mais joli fragment de souvenir.
Entre nous, tu l'as échappé belle. Car l'embêtant, quand on sait bricoler, c'est les proches qui, eux, ne savent pas mais qui ont plein d'idées de petits travaux amusants : tapisserie, portes sous évier, canalisations bouchées...
Si Tolkien avait été bricoleur, je crois qu'il n'aurait jamais pu achever "le Seigneur des Anneaux"...

Je suis un bricophobe. Je sue comme un porc dès que je touche un outil. Et je psalmodie des insanités en tentant laborieusement de monter un meuble.

Belle tranche de vie, petit texte frais, léger, non dénué d'humour, mais qui nous rappelle notre enfance avec nostalgie.
Ah... la pointe brillante d'un cruciforme, la spirale affutée d'un forêt à bois, et la clé de 13 ! Toujours utile la clé de 13 !

Sans compter le marteau, outil malveillant s'il en est ! Toujours à l'affut pour agresser sauvagement nos doigts innocents !

Y en a qui ont parlé de tronçonneuses ou de haches, mais c'est de la gnognotte en regard de la malignité fondamentale du marteau. D'ailleurs moi pour ne pas l'oublier, j'ai place au-dessus dans mon atelier une étiquette : 666 !

Pas inintéressant, une bonne atmosphère plane sur ce court texte, à un tel point qu'on est frustré de ne pas en lire plus ! Pas forcément de la SFFF mais tout aussi délicat à maîtriser ce genre de petite ambiance nostalgique. En bref, je n'ai pas grand-chose à dire sur votre texte, sinon que c'est très agréable !

Perso, c'est ma compagne qui bricole le plus dans la maison !

Merci pour ta lecture Gernier. J'avais un peu oublié ce texte hors sujet par rapport à la SFFF, mais écrit pour mon père avant son décès.

Une jolie petite tranche de souvenirs et comme c'est court, on ne peut faire autrement que plonger dedans et apprécier. C'est bien écrit.

Merci Catherine de ta lecture. Cela prend tout son sens maintenant que mon père est parti.

Je le découvre aussi. C'est agréable ce genre de souvenirs d'enfance, je crois même qu'il est important de leur donner une place de choix dans la mémoire. Merci Mormir pour plaisante tranche de vie.

De rien, très chère ! J'aime relire ce texte qui me rappelle de bons souvenirs.