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Entre six et sept heures

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Message par Martin- Mer 8 Juin 2016 - 4:37

Alors, je pousse le lourd panneau de bois.

La pluie est sur le point de cesser, je me glisse hors de la porte cochère et m'avance sous les dernières gouttes jusqu'à la rue principale. Lorsque le dernier joyau liquide frappe le pavé dans un tintement clair... Le silence envahit le quartier, comme une rumeur apaisante.
La ville est figée, les ruelles vides. Rien ne bouge. L'odeur de la pluie sur le bitume et les pavés tièdes emplit l'atmosphère. Le ciel s'éclaire doucement.

Puis, au sommet de l'église, l'aiguille colossale des minutes s'abat sur le chiffre XII. Une nuée de pigeons quitte alors le clocher dans un bruissement d'ailes, des voix animent de nouveau les rues et les places, des enfants se remettent à courir et la ville prend un nouveau souffle. Comme si, soudainement, un sang neuf et chaud coulait de nouveau dans ses veines.
Il déjà six heures et le soleil décime un à un les nuages pour reconquérir son domaine azur. Inondant la ville de sa lumière cuivrée, il délasse la végétation qui lutte entre les pavés, fait luire l'eau des fontaines et fait danser les ombres des enfants qui jouent sur la place.
Le marché est à la fois plein de vie et de quiétude. On y commerce gaiement, dans un mélange de senteurs et de couleurs tour à tour confort antes et familières puis exotiques et inconnues. Fleurs, épices, étoffes, pâtisseries... Tout ici semble caressant et suave. La foule rit aux éclats, chante au bord de la place, marchande à vive voix alors que le soleil plonge dans l'horizon.
Je me dirige alors vers la rivière qui revêt le manteau crépusculaire du ciel embrasé. L'onde calme est moins fréquentée. Il n'y a que les clapotements de l'eau et le chant des grillons pour accompagner le son de ma foulée. Je souris à un pêcheur solitaire, je ne fais que passer, bonne soirée.

J'escalade la butte pour arriver aux abords de l'église. Le bel édifice, dont le cadrant séculaire indique presque sept heures, domine la ville du regard. C'est ici que tous sont baptisés, que tous se marient, que tous reçoivent leur dernière oraison. De la naissance jusqu'au trépas, il les voit s'unir et se recueillir, chercher refuge, se repentir... C'est cet endroit que je cherchais depuis si longtemps. Un lieu d'une telle quiétude qu'il semble hors du temps, la fin du monde pourrait avoir eu lieu qu'il n'en saurait rien. Peut-être est-ce déjà le cas...
Du haut de la colline, je contemple cette ville que je visite pour la première fois mais dans laquelle j'ai l'impression de revenir. Le vent souffle doucement, agitant les pans de ma veste. Toutes ces odeurs, cette lumière, ces chants dans la rue... J'ai l'impression d'être né ici, d'être rentré à la maison.
Mais je ne suis qu'un étranger, un vagabond sentimental qui va de couches en lits de fortune, de peux de satin en peau de chagrins. Un égaré aussi, qui erre au hasard des routes et des gares... De là où je suis, du sommet de cette colline, j'ai la sensation d'avoir trouvé ce que je cherchais depuis si longtemps.
Le clocher chante alors sept fois.

Et pourtant.

Comme à chaque fois que cette sensation m’effleure, j'ai ce terrible sentiment de néant. Comme à chaque fois qu'un fragment de quiétude me tombe entre les doigts, je me sens trompé. Je me sens revenir en arrière. Et je fuis.
Je ne marche plus, je cours. Je bouscule passants et étals, je glisse, me rattrape, saute au-dessus des grillages, des barrières. Le vent m'emporte plus loin encore jusqu'à la nuit noire alors que les larmes brouillent ma vue. Je m'échappe alors de cette ville radieuse aux habitants souriants, à la lumière tranquille... Du chant de la cloche.

A bout de souffle, je me laisse tomber. Bien à l'abri sous un préau, j’entends la pluie battre l'ardoise du toit. Vide. Je me sens étonnement calme et ai presque la sensation d'avoir retrouvé espoir. Espoir en quoi ? Qui sait ?
Peut-être celui de comprendre un jour ce qui me pousse à fuir inlassablement tous les lieux et toutes les personnes accueillantes que ma route croise.
Le martèlement de la pluie semble faiblir au-dessus de ma tête, je ramasse mon sac, m'étire. J'essaye de retrouver une contenance, de me ressaisir. Mais rien n'y fait. L'averse semble sur le point de cesser.

Alors, je pousse le lourd panneau de bois.


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Message par Tak Mer 8 Juin 2016 - 20:19

Le poète de l'écritoire est de retour !
Et ma foi, il soigne plutôt bien son entrée. On retrouve bien tes thématiques habituelles, mais traitées ici dans une forme moins rigides que le vers, j'ai étrangement plus accroché. Cette fuite en avant nous est bien racontée, ce personnage incapable d'accepter le plaisir simple du bonheur quotidien. Les descriptions sont réussies et plutôt évocatrices (joli passage du marché, par exemple), on visualise très bien l'ensemble. En fait, je n'aurais pas grand-chose à reprocher à ce texte, hormis quelques bourdes d'inattention.

Je pourrais éventuellement revenir sur la répétition du terme "quiétude", qui revient 3 fois pour un texte assez court, finalement.

Mais sinon, ça se lit franchement très bien, le rythme est bon et on se laisse facilement porter. Il manque peut-être une petite finalité à tout ça... mais en fait tu boucles bien la boucle avec cette dernière phrase.
Non, rien à dire, c'est vraiment un joli texte Martin (la seule limite étant mon inexpérience en matière de poésie, qui m'empêche peut-être de capter certains détails).
Merci bien pour ce petit moment poétique, donc !


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Message par Raven Sam 11 Juin 2016 - 0:04

Comme Tak, pour quiétude, et aussi la répétition de nouveau/ de nouveau.
Sinon, c'est très poétique, doux et imagé. J'ai apprécié les odeurs et les sons, également bien rendus.
Et, surtout, le passage peaux de satin/ peau de chagrin, le jeu égaré/gares, le rythme : qui erre au hasard/ des routes et des gares. Ce passage est vraiment bien conçu, tant dans les sonorités, que la cadence, gros coup de cœur. Et la boucle qui se boucle. Une heure pendant laquelle tout est possible, une heure où tous les espoirs sont permis avant de revenir à la dure réalité.

Très satisfaite de ma lecture, Martin.


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Message par Martin- Sam 11 Juin 2016 - 23:45

Hé bien merci pour cos commentaires à tous les deux ! (Décidément c'est jamais l'un sans l'autre haha ! )

Comme vous dites, il va falloir que je liquide cette répétition un peu gênante de "quiétude" et solidifier le style.
En tous cas merci encore pour vos lectures et vos remarques. C'est un peu un essai à la prose, style à côté duquel j'étais passé.

Il va faire partie d'une mini-série inspirée par un road-trip improvisé que j'ai réalisé en mai et pendant lequel j'ai beaucoup réfléchi, pris pas mal de notes et surtout ai vécu un tas de trucs !


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Message par Blahom Dim 12 Juin 2016 - 18:38

Un texte agréablement rythmé, réussissant l'exploit de nous éloigner du quotidien et des horreurs qu'il véhicule.
Bel exemple de prose poétique.


Suis une ombre, toujours elle te fuira;
Essaie de la fuir, et elle te poursuivra.


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