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Message par Invité Sam 3 Jan 2015 - 15:13

Parfois, j'ai le sentiment de porter tout le poids du monde sur les épaules. Souvent, j'ai l'impression d'être seul au monde ; comme si je me trouvais sur une île abandonnée au milieu de l'océan, qu'un orage perpétuel se déchaînait dans les cieux au-dessus de ma tète, et que la mer en furie était en permanence parcourue de vagues immenses et de vents violents. Comme si des éclairs couleur de feu zébraient continuellement le Firmament déchiré de grondements sourds éventrant la terre ; me rendant sourd irrémédiablement. Comme si des larmes de sel et de sang s'écoulaient tout le long de mon visage, depuis mes yeux embrumés jusqu’à mes joues parsemées de suintements amers et désespérés. Comme si, finalement, épuisé, le corps couturé de cicatrices marbrées, le front baigné de sueur et de fièvre, mon corps ne pouvait plus me porter. Comme si, soudain, je m'effondrais sur le sol, les membres parcourus de spasmes incontrôlés. Comme si l'espoir avait définitivement déserté le lieu où je me suis caché.

Les gens croient que je suis fort, que ma volonté et mon courage sont capables de surmonter toutes les épreuves que la vie m'impose au quotidien. Mes parents, ma famille, mes amis, s'imaginent que je suis capable d'endurer chaque épreuve comme si elle n'avait aucune incidence sur ce que je ressens, sur mon endurance ; qu'elle soit morale, nerveuse, ou physique. Ils supposent que je me plains constamment, que je dois, malgré toutes ces difficultés, et coûte que coûte, aller de l'avant. Ils se disent que je ne suis pas le plus malheureux ; il est vrai qu'il y en a tant que l'existence a largement plus blessé, éprouvé, mutilé. Mais ils oublient que chaque personne est différente, et que celle-ci éprouve, face aux âpretés de sa propre Destinée, les événements d'une manière qui lui est propre. Et que ce qu'un individu arrive à surmonter, son voisin n'en n'est pas forcément capable. 

Alors, je suis condamné à me taire et à supporter silencieusement, seul et quotidiennement hanté par ces immondes Démons, ce que d'autres exorciseraient par la haine ou la violence. D'autres maudiraient leurs semblables, leur entourage, leurs amis, leurs parents. Ils les détesteraient, les frapperaient, les voueraient aux gémonies afin de se décharger de ses propres tourments. En ce qui me concerne, c'est moi que je déteste de ne pas avoir la possibilité, la capacité, de les surmonter ou de les accepter. C'est à moi que j'en veux ; c'est mon âme, mon cœur, mon corps, que je déchire et que je mutile pour ne pas à devoir montrer à ceux et celles que j'aime et qui m'aiment à quel point je suis affligé par leur virulence. A quel point je suis désormais arrivé à l’extrême limite de mes forces, et que d'ici peu, c'est ma santé, ma vie peut-être, qui vont être endommagés à tout jamais par leurs circonvolutions. 

Je dois subir et accepter tout ceci, m'explique t'on ; que, de toute façon, je n'ai pas le choix ; que je suis un adulte qui doit s'assumer entièrement ; que personne ne peut m'aider et que, même au plus au plus profond de ce gouffre obscur et moribond où j'ai été projeté il y a longtemps, j'ai pour obligation de me contenter que chaque seconde de mon existence soit empreinte d'intolérables souffrances. Et que, si un jour, celles-ci me poussent vers la démence ou la mort, c'est que cela devait en être ainsi et pas autrement.

Comprenez moi bien : je ne suis pas là pour me lamenter ou pour accuser quiconque. Chacun a ses difficultés, ses problèmes, ses épreuves, ses désespoirs, sa solitude, ses problèmes d'argent, c'est une évidence. Les membres de ma famille ont leurs obligations. Les amis que j'ai ici ou ailleurs également. Et j'ai parfois l'impression d'être un poids mort qu'ils traînent derrière eux, quelqu'un de gênant qui vient les perturber, au sein de leur existence qui n'est ni simple ni apaisée. Parfois aussi, je me dis qu'il aurait mieux valu que je ne naisse pas ; que mes incapacités, mes difficultés, mes souffrances, sont des gènes, sont des sources d’embêtement, pour ceux et celles que j'aime. Or, je les aime trop pour supporter de leur faire endurer les tourments que, au quotidien, je ressens. Et c'est bien malgré moi que je leur impose mes intimes déchirements. C'est pourquoi je me hais tant : je désirerai tant pouvoir ressentir autrement, pouvoir être plus fort, plus endurant. Je rêve d’être capable de soulever des montagnes sans le moindre effort afin de les satisfaire. Je prie Dieu de me libérer de mon handicap, de ma sensibilité exacerbée, de mon passé d'adolescent lourdement traumatisé, ou de mes cauchemars ancrés dans le présent. Je préférerai mourir afin de les en soulager, afin qu'ils puissent vivre en paix, dans la joie et la sérénité. Je leur en impose trop, je leur en demande trop, j'ai trop besoin de ce calme, de me sentir protéger, d'avoir une épaule bienfaisante à coté de moi afin de me rassurer. Et  ceci, hélas, m'a toujours fui, s'est toujours dérobé à la moindre parcelle de ma Destinée. Et bien que j'ai connu de grands moments de bonheur, ils ont toujours été entachés par ce vide, par cette déchéance intérieure. 

Alors que faire ? Dois-je disparaître - je ne dis pas mourir -, afin de soulager définitivement ceux et celles que j'aime et qui se sentiront certainement soulagé de ne plus avoir à se préoccuper de moi, de ne plus avoir à s'inquiéter en permanence pour moi ? Dois je poursuivre sur cette route qui me détruis l'âme et le corps progressivement, irrémédiablement ? Ou dois-je, au contraire, demander de l'aide, lancer un appel au secours désespéré - quitte à culpabiliser sans le vouloir ceux et celles que j'aime et qui m'aiment - ; je ne sais ?  
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