Donna
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L'Écritoire des Ombres :: CONCOURS DE L'ÉCRITOIRE DES OMBRES :: Archives des concours hors-série :: Hors-série N°2 : Angoisse(s)
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Donna
Je connaissais cette fille.
Jolie, blonde, la vingtaine, elle aurait pu chanter de la pop sucrée pour ados. Sauf qu'elle était devant moi, cette nuit-là, à trois heures du matin. Et je la connaissais. Mais d'où ?
Impossible de me souvenir.
Elle a frappé à la porte sans ménagement, comme ça, au milieu de la nuit. Ma femme n'a pas réagi, je me suis donc levé. Le temps d'enfiler un caleçon, et j'étais devant cette jeune fille, le cheveu hirsute, l’œil torve. Je voulais la questionner, éventuellement l'engueuler, mais je suis resté figé sur place, sans rien dire. Elle est entrée en me bousculant, s'est installée dans le salon sans allumer la lumière et à en croire les bruits de vaisselle, s'est servi un verre de whisky.
Alors ? Ta petite vie se passe bien ? Tu es fier de ton couple et de tes enfants ?
Ce n'étaient pas des questions. Le ton était sans équivoque, il s'agissait de reproches.
Mes lèvres ont tremblé. Je voulais répondre. Non, pas répondre car je n'étais fier de rien, ni de mon couple, ni de mes enfants, ni de moi, et je n'avais pas l'intention de l'avouer. Je voulais m'insurger, me plaindre...
La fille a bougé. J'ai entendu une sorte de sifflement métallique, et un coup sourd qui m'a fait sursauter. J'ai allumé la lumière. Elle était assise, son regard bleu fixé sur ma silhouette bedonnante. Sa main droite tenait un long couteau de boucher, dont la pointe était légèrement enfoncée dans le bois de la table...
Je n'ai pas l'intention de perdre mon temps...
Toujours muet, je me suis approché d'elle. Son regard dur tranchait dangereusement avec son visage juvénile. Elle avait parlé fort, sans prêter attention à ma famille encore endormie. Elle avait parlé méchamment, d'un ton agressif. J'étais bouleversé, oppressé sans pouvoir m'expliquer pourquoi. Sa voix résonnait comme une injonction. Ce couteau planté dans la table laissait entendre une sourde menace. Elle m'observait sévèrement, sans crainte, tandis que la distance séparant nos corps se réduisait. Dans ses yeux luisait une violence brute, une animalité malveillante. Je suis venu à elle, fébrilement, le souffle court. Elle a lâché le manche de son couteau, et ma main a remplacé la sienne.
J'ai pris ce couteau. Et je l'ai enfin reconnue.
Donna.
Après toutes ces années, vingt-cinq, trente ans, elle n'avait pas changé. Une sombre réalité m'est alors apparue.
Je rêvais. Cette jeune fille n'était pas réellement devant moi cette nuit-là. Et pourtant, je tenais un vrai couteau de boucher dans la main. La solution à cette énigme paraissait trop radicale. J'ai pourtant pris la bonne décision, j'en suis certain. La seule bonne décision de ma vie. Une vie terne, emplie de mauvais choix, mais surtout d'inertie...
J'ai frappé ma femme à la gorge. Son sang brûlant a giclé sur mon torse nu ; c'est bien la première fois qu'elle parvenait à me réchauffer... Les gamins étaient à l'étage. Ce fut rapide.
J'ai écrit un mot à l'attention de Donna, la vraie, à supposer qu'elle vive encore.
Elle comprendra peut-être...
2999 signes
Jolie, blonde, la vingtaine, elle aurait pu chanter de la pop sucrée pour ados. Sauf qu'elle était devant moi, cette nuit-là, à trois heures du matin. Et je la connaissais. Mais d'où ?
Impossible de me souvenir.
Elle a frappé à la porte sans ménagement, comme ça, au milieu de la nuit. Ma femme n'a pas réagi, je me suis donc levé. Le temps d'enfiler un caleçon, et j'étais devant cette jeune fille, le cheveu hirsute, l’œil torve. Je voulais la questionner, éventuellement l'engueuler, mais je suis resté figé sur place, sans rien dire. Elle est entrée en me bousculant, s'est installée dans le salon sans allumer la lumière et à en croire les bruits de vaisselle, s'est servi un verre de whisky.
Alors ? Ta petite vie se passe bien ? Tu es fier de ton couple et de tes enfants ?
Ce n'étaient pas des questions. Le ton était sans équivoque, il s'agissait de reproches.
Mes lèvres ont tremblé. Je voulais répondre. Non, pas répondre car je n'étais fier de rien, ni de mon couple, ni de mes enfants, ni de moi, et je n'avais pas l'intention de l'avouer. Je voulais m'insurger, me plaindre...
La fille a bougé. J'ai entendu une sorte de sifflement métallique, et un coup sourd qui m'a fait sursauter. J'ai allumé la lumière. Elle était assise, son regard bleu fixé sur ma silhouette bedonnante. Sa main droite tenait un long couteau de boucher, dont la pointe était légèrement enfoncée dans le bois de la table...
Je n'ai pas l'intention de perdre mon temps...
Toujours muet, je me suis approché d'elle. Son regard dur tranchait dangereusement avec son visage juvénile. Elle avait parlé fort, sans prêter attention à ma famille encore endormie. Elle avait parlé méchamment, d'un ton agressif. J'étais bouleversé, oppressé sans pouvoir m'expliquer pourquoi. Sa voix résonnait comme une injonction. Ce couteau planté dans la table laissait entendre une sourde menace. Elle m'observait sévèrement, sans crainte, tandis que la distance séparant nos corps se réduisait. Dans ses yeux luisait une violence brute, une animalité malveillante. Je suis venu à elle, fébrilement, le souffle court. Elle a lâché le manche de son couteau, et ma main a remplacé la sienne.
J'ai pris ce couteau. Et je l'ai enfin reconnue.
Donna.
Après toutes ces années, vingt-cinq, trente ans, elle n'avait pas changé. Une sombre réalité m'est alors apparue.
Je rêvais. Cette jeune fille n'était pas réellement devant moi cette nuit-là. Et pourtant, je tenais un vrai couteau de boucher dans la main. La solution à cette énigme paraissait trop radicale. J'ai pourtant pris la bonne décision, j'en suis certain. La seule bonne décision de ma vie. Une vie terne, emplie de mauvais choix, mais surtout d'inertie...
J'ai frappé ma femme à la gorge. Son sang brûlant a giclé sur mon torse nu ; c'est bien la première fois qu'elle parvenait à me réchauffer... Les gamins étaient à l'étage. Ce fut rapide.
J'ai écrit un mot à l'attention de Donna, la vraie, à supposer qu'elle vive encore.
Elle comprendra peut-être...
2999 signes
Re: Donna
Efficace et plutôt tranchant mais l'angoisse n'est pas vraiment là ! La conclusion est un peu abrupt et ne laisse pas vraiment la liberté de l'interprétation au lecteur. Un bon texte mais un chouia trop convenu pour moi ! Il y a cependant un réel talent derrière.
Invité- Invité
Re: Donna
J'aime beaucoup ton texte.
Il y a une ambiance assez macabre qui en ressort. Mais comme Gernier, je n'ai pas ressenti d'angoisse particulière. Mais très bon texte cependant.
Il y a une ambiance assez macabre qui en ressort. Mais comme Gernier, je n'ai pas ressenti d'angoisse particulière. Mais très bon texte cependant.
Invité- Invité
Re: Donna
J'ai bien perçu l'angoisse, pour ma part. Mais la fin fait retomber la peur, dès qu'on comprend qui est la fille et ce qui va suivre.
Une bonne mise en scène en tout cas. J'aurais trouvé la fin plus percutante et "mystérieuse" si le type prenait le couteau et voyait ensuite du sang sur ses mains. Mais j'avoue que ça aurait pu paraitre trop flou pour certains lecteurs, et hermétique du coup.
Une très bonne idée, les paroles de perso inclus dans la narration sont bien trouvées. Encore une preuve, s'il en fallait une, que ce concours a un très haut niveau.
Une bonne mise en scène en tout cas. J'aurais trouvé la fin plus percutante et "mystérieuse" si le type prenait le couteau et voyait ensuite du sang sur ses mains. Mais j'avoue que ça aurait pu paraitre trop flou pour certains lecteurs, et hermétique du coup.
Une très bonne idée, les paroles de perso inclus dans la narration sont bien trouvées. Encore une preuve, s'il en fallait une, que ce concours a un très haut niveau.
Re: Donna
J'ai trouvé ce texte fort dans son genre mais n'ai pas perçu d'angoisse. C'est dommage car c'est un bon texte par ailleurs. En revanche, je n'ai pas trop adhéré aux dialogues inclus dans la narration, cela rend le tout un peu plus hermétique.
Perroccina- — — — — E.T à moto — — — — Disciple asimovienne
- Messages : 4109
Date d'inscription : 26/12/2012
Age : 59
Localisation : Béarn
Re: Donna
Très très très bon texte Cancereugène ! J'ai vraiment adoré. La phrase "bien la première fois qu'elle me tenait chaud" (de mémoire) est vraiment excellente et relève à mon sens une fin qui était un peu en dessous de ce que le texte promettait. Pourquoi n'écris-tu pas plus souvent sur ce forum ? Assurément l'un de mes récits préférés.
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
- Messages : 4040
Date d'inscription : 02/01/2012
Age : 50
Re: Donna
Un bon texte qui se lit avec plaisir. Une fin bien glauque mais le narrateur semble éprouver davantage de soulagement que d'angoisse. Il est même content de lui, ayant pris ce qu'il estime être la seule bonne décision de sa vie.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
- Messages : 2383
Date d'inscription : 02/10/2013
Age : 57
Localisation : Sud-Est
Re: Donna
Merci pour vos commentaires, c'est vraiment important d'avoir un retour.
Après, pour l'angoisse, j'ai opté pour l'approche factuelle plutôt que formelle ou sensorielle. L'angoisse vient d'une visite impromptue, nocturne, et plus largement, d'un sentiment de mal être post-quarantaine (belle angoisse s'il en est !)
Je comprends les critiques sur l'absence d'émotions angoissantes pour le lecteur, mais là n'était pas mon sujet, et j'avoue humblement qu'en 3000 signes, je ne me sentais ni l'envie ni le talent d'aborder une "vraie" angoisse...
Après, pour l'angoisse, j'ai opté pour l'approche factuelle plutôt que formelle ou sensorielle. L'angoisse vient d'une visite impromptue, nocturne, et plus largement, d'un sentiment de mal être post-quarantaine (belle angoisse s'il en est !)
Je comprends les critiques sur l'absence d'émotions angoissantes pour le lecteur, mais là n'était pas mon sujet, et j'avoue humblement qu'en 3000 signes, je ne me sentais ni l'envie ni le talent d'aborder une "vraie" angoisse...
Re: Donna
Horrible et superbement écrit ! L'histoire est très prenante. J'ai beaucoup aimé !
Mais pas d'angoisse ressentie de mon côté non plus.
Mais pas d'angoisse ressentie de mon côté non plus.
mormir- — Arpenteur des mondes — Disciple de l'arbre noir
- Messages : 2638
Date d'inscription : 11/05/2013
Age : 60
Localisation : Près de Chartres
Re: Donna
Ça m'évoque beaucoup un passage du film Harry, un ami qui vous veut du bien, sauf que dans le film, le personnage ne fait pas ce qu'on lui suggère...C'est un bon petit texte bien noir, efficace dans son format court.
L'angoisse est ici plus celle du lecteur que du narrateur, le narrateur, lui, n'a pas vraiment l'air de se poser de question, ce qui va avec le ton détaché... Et j'aime bien la fin qui suggère que Donna n'est peut-être que dans sa tête
Encore un texte que je ne sais pas où placer dans classement, y'a qu'un top 3, et même qu'un top 5! Mais où que je le place, en tout cas je l'ai apprécié!
L'angoisse est ici plus celle du lecteur que du narrateur, le narrateur, lui, n'a pas vraiment l'air de se poser de question, ce qui va avec le ton détaché... Et j'aime bien la fin qui suggère que Donna n'est peut-être que dans sa tête
Encore un texte que je ne sais pas où placer dans classement, y'a qu'un top 3, et même qu'un top 5! Mais où que je le place, en tout cas je l'ai apprécié!
Re: Donna
Très bon texte, j'avais senti une fin comme ça, je ne suis pas decu, une bonne surprise.
Malbordus- Éventreur titulaire
- Messages : 416
Date d'inscription : 17/07/2014
Age : 52
Localisation : Clermont-Ferrand
Re: Donna
Un bon petit texte mais je n'ai pas été angoissée.
Au début, c'est dommage que tu mettes dans la première phrase : "Je connaissais cette fille" sinon je me serais imaginée assez bien dans cette situation où quelqu'un que tu ne connais pas veuille entrer chez toi (mais si c'est une personne connue ça rompe le charme, je trouve alors que si c'était une parfaite inconnue, cela m'aurait fait flipper) et ensuite j'ai assez vite deviné que le narrateur est en plein délire et le dénouement sanglant était trop conforme à ce que je pensais. C'est une fin comme le dit Pala presque similaire à "Un ami qui vous veut de bien", excellent film. Tu retranscris parfaitement cette ambiance de suspicion qui aboutit à la folie meurtrière de ton personnage.
Très bien écrit, c'est appréciable
Au début, c'est dommage que tu mettes dans la première phrase : "Je connaissais cette fille" sinon je me serais imaginée assez bien dans cette situation où quelqu'un que tu ne connais pas veuille entrer chez toi (mais si c'est une personne connue ça rompe le charme, je trouve alors que si c'était une parfaite inconnue, cela m'aurait fait flipper) et ensuite j'ai assez vite deviné que le narrateur est en plein délire et le dénouement sanglant était trop conforme à ce que je pensais. C'est une fin comme le dit Pala presque similaire à "Un ami qui vous veut de bien", excellent film. Tu retranscris parfaitement cette ambiance de suspicion qui aboutit à la folie meurtrière de ton personnage.
Très bien écrit, c'est appréciable
Re: Donna
Hors quelques concordances de temps, le texte est très bien écrit et pour moi, l'atmosphère angoissante très bien rendue... La fin ironique est glaçante...
Un des meilleurs textes du concours !
Un des meilleurs textes du concours !
Doumé- — Mystagogue des Ombres — Disciple du Très Haut
- Messages : 1867
Date d'inscription : 28/01/2013
Age : 64
Localisation : Fréjus
Re: Donna
Bien écrit. Je trouve que l'angoisse est quand même là dans cette rencontre incongrue. La fin me laisse perplexe mais pas spécialement de la mauvaise façon.
Je sais pas trop quoi dire en fait et je sais pas non plus où te classer. M'en vais réfléchir à la chose.
Je sais pas trop quoi dire en fait et je sais pas non plus où te classer. M'en vais réfléchir à la chose.
Re: Donna
Merci à vous pour ces quelques avis.
Doumé : j'aimerais en savoir plus sur les erreurs de concordance de temps. Je vois, à mon avis, où il serait possible de voir des erreurs, mais elles répondent à ma logique de narration. Mais j'ai peut-être une interprétation faussée. Si tu maîtrises bien le sujet, je suis preneur.
Doumé : j'aimerais en savoir plus sur les erreurs de concordance de temps. Je vois, à mon avis, où il serait possible de voir des erreurs, mais elles répondent à ma logique de narration. Mais j'ai peut-être une interprétation faussée. Si tu maîtrises bien le sujet, je suis preneur.
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