Kurt Steiner
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Re: Kurt Steiner
Afin de remonter à la source de notre concours hors-série, voici donc ma chronique du deuxième omnibus estampillé "Angoisses" que Rivière Blanche a consacré à Kurt Steiner.
Parfois il arrive que la vie s’écoule comme dans un rêve sans début ni fin, comme un long tunnel que l’on arpente sans parvenir à trouver la sortie. Parfois il arrive que l’on perde pied, et que l’on sombre dans un brouillard épais et filandreux. Jusqu’à ce qu’un jour on se réveille avec la conscience aigüe du ici et maintenant. Comme dans un roman de Kurt Steiner. Ici, les premières lueurs du petit matin blafard peinent à percer l’opacité presque concrète d’une nuit qui refuse de laisser sa place. Maintenant, un épais rideau de pluie recouvre ma fenêtre et m’empêche de voir au-dehors. Mais y a-t-il vraiment un "dehors" ? Pas de doute, l’automne s’installe, Dans un manteau de brume. C’est l’heure des Angoisses.
C’est l’heure où, perdu sur une petite route de campagne, un jeune homme fait du stop sous la pluie. L’heure où, entre chien et loup, finit par s’arrêter un mystérieux automobiliste. S’ensuit un bref trajet le long de routes désertes, durant lequel ce décidément étrange conducteur ne cesse de parler par énigmes. Mais il n’est qu’un passeur, et abandonne bientôt son hôte sur le seuil d’une forêt au fond de laquelle se dresse un inquiétant manoir… Et c’est là que tout bascule. Là où le premier auteur de Fantasy venu peindrait le tableau ô combien original de la belle châtelaine captive secourue opportunément par un guerrier musculeux, Kurt Steiner prend un malin plaisir à subvertir les codes, en plongeant son personnage principal et, partant, ses lecteurs, dans un monde déréglé où l’illusion est la seule règle. Brisant les certitudes comme autant de miroirs dont chaque éclat correspondrait aux sept ans de malheur de rigueur, l’auteur inflige de brusques torsions à un réel en lambeaux. Qui est cette jeune femme ? Pourquoi évoque-t-elle le mystérieux comte de Saint-Germain ? Quel âge a vraiment Richard Boisrival ? Et pourquoi diable Kurt Steiner a-t-il intitulé ce roman Lumière de sang ?
Le roman suivant, dont je citais le superbe titre en introduction, se déroule quant à lui dans un petit village isolé le long des côtes normandes. Et l’instituteur a fort à faire pour calmer certains de ces élèves. Non pas que ceux-ci soient spécialement turbulents d’ordinaire, mais comment résister, quand on est un enfant curieux et intrépide, à l’envie de braver ses peurs pour aller mettre un nom sur l’agitation anormale régnant la nuit dans le cimetière ? Las, l’expression « reposer en paix » n’est pas ici de mise, car il s’avère que le passé n’est pas vraiment soldé, et que l’heure est venue de rendre des comptes… Et la brume de s’épaissir à mesure que le mystère s’étend jusqu’à la mer, en prenant possession d’une population effarée. Sans trop lever le voile sur les tenants et les aboutissants de l’intrigue, l’ambiance trouble devrait séduire les amateurs du film Fog, de John Carpenter, jusqu’à un inquiétant final où catholicisme et paganisme se rencontreront, dans un exorcisme qui n’est pas sans rappeler la conclusion de l’incroyable The wicker man, de Robin Hardy.
Autres temps, autres mœurs (quoique…), Mortefontaine – quel titre, là encore ! – met en présence un jeune précepteur et son élève, prénommée Cécile. L’attirance qu’ils éprouvent l’un envers l’autre ne tarde guère à compliquer une relation rendue difficile par leurs milieux sociaux respectifs. Mais ce type de clivage ne suffit pas à l’auteur, qui va instiller dans son récit une solide dose de réminiscences empoisonnées… Là est la marque de Kurt Steiner, qui non content d’interroger la réalité en permanence, prouve sa précarité et son caractère poreux en abolissant la frontière entre passé et présent. Les personnages sont doubles, incertains, et oscillent au gré de vents souvent contraires qui les ballottent tels des fétus de paille. Les Angoisses steineriennes passent les vestiges du romantisme noir à la moulinette des psychoses modernes. Et c’est d’une beauté à couper le souffle, car l’homme possède un style à faire pâlir d’envie bien des écrivains moins "populaires"…
Après avoir souligné l’excellence du premier omnibus, je me répèterai donc sans vergogne, sans regret et sans remords : Rivière Blanche a effectué un acte capital en rééditant ces deux fois trois romans épuisés depuis plusieurs décennies. Qu’on se le dise : il existe un territoire obscur, une lande perdue au bord du monde, entre les contes de Théophile Gautier et les romans d’épouvante de Serge Brussolo. Cet espace hors du temps et hors des sentiers battus est celui de Kurt Steiner. Et je suis intimement convaincu que l’on ne saurait se prétendre amateur de Fantastique si on ne l’a pas arpenté au moins une fois. Alors allez-y, vous n’en reviendrez pas. Peut-être même dans tous les sens du terme…
Parfois il arrive que la vie s’écoule comme dans un rêve sans début ni fin, comme un long tunnel que l’on arpente sans parvenir à trouver la sortie. Parfois il arrive que l’on perde pied, et que l’on sombre dans un brouillard épais et filandreux. Jusqu’à ce qu’un jour on se réveille avec la conscience aigüe du ici et maintenant. Comme dans un roman de Kurt Steiner. Ici, les premières lueurs du petit matin blafard peinent à percer l’opacité presque concrète d’une nuit qui refuse de laisser sa place. Maintenant, un épais rideau de pluie recouvre ma fenêtre et m’empêche de voir au-dehors. Mais y a-t-il vraiment un "dehors" ? Pas de doute, l’automne s’installe, Dans un manteau de brume. C’est l’heure des Angoisses.
C’est l’heure où, perdu sur une petite route de campagne, un jeune homme fait du stop sous la pluie. L’heure où, entre chien et loup, finit par s’arrêter un mystérieux automobiliste. S’ensuit un bref trajet le long de routes désertes, durant lequel ce décidément étrange conducteur ne cesse de parler par énigmes. Mais il n’est qu’un passeur, et abandonne bientôt son hôte sur le seuil d’une forêt au fond de laquelle se dresse un inquiétant manoir… Et c’est là que tout bascule. Là où le premier auteur de Fantasy venu peindrait le tableau ô combien original de la belle châtelaine captive secourue opportunément par un guerrier musculeux, Kurt Steiner prend un malin plaisir à subvertir les codes, en plongeant son personnage principal et, partant, ses lecteurs, dans un monde déréglé où l’illusion est la seule règle. Brisant les certitudes comme autant de miroirs dont chaque éclat correspondrait aux sept ans de malheur de rigueur, l’auteur inflige de brusques torsions à un réel en lambeaux. Qui est cette jeune femme ? Pourquoi évoque-t-elle le mystérieux comte de Saint-Germain ? Quel âge a vraiment Richard Boisrival ? Et pourquoi diable Kurt Steiner a-t-il intitulé ce roman Lumière de sang ?
Le roman suivant, dont je citais le superbe titre en introduction, se déroule quant à lui dans un petit village isolé le long des côtes normandes. Et l’instituteur a fort à faire pour calmer certains de ces élèves. Non pas que ceux-ci soient spécialement turbulents d’ordinaire, mais comment résister, quand on est un enfant curieux et intrépide, à l’envie de braver ses peurs pour aller mettre un nom sur l’agitation anormale régnant la nuit dans le cimetière ? Las, l’expression « reposer en paix » n’est pas ici de mise, car il s’avère que le passé n’est pas vraiment soldé, et que l’heure est venue de rendre des comptes… Et la brume de s’épaissir à mesure que le mystère s’étend jusqu’à la mer, en prenant possession d’une population effarée. Sans trop lever le voile sur les tenants et les aboutissants de l’intrigue, l’ambiance trouble devrait séduire les amateurs du film Fog, de John Carpenter, jusqu’à un inquiétant final où catholicisme et paganisme se rencontreront, dans un exorcisme qui n’est pas sans rappeler la conclusion de l’incroyable The wicker man, de Robin Hardy.
Autres temps, autres mœurs (quoique…), Mortefontaine – quel titre, là encore ! – met en présence un jeune précepteur et son élève, prénommée Cécile. L’attirance qu’ils éprouvent l’un envers l’autre ne tarde guère à compliquer une relation rendue difficile par leurs milieux sociaux respectifs. Mais ce type de clivage ne suffit pas à l’auteur, qui va instiller dans son récit une solide dose de réminiscences empoisonnées… Là est la marque de Kurt Steiner, qui non content d’interroger la réalité en permanence, prouve sa précarité et son caractère poreux en abolissant la frontière entre passé et présent. Les personnages sont doubles, incertains, et oscillent au gré de vents souvent contraires qui les ballottent tels des fétus de paille. Les Angoisses steineriennes passent les vestiges du romantisme noir à la moulinette des psychoses modernes. Et c’est d’une beauté à couper le souffle, car l’homme possède un style à faire pâlir d’envie bien des écrivains moins "populaires"…
Après avoir souligné l’excellence du premier omnibus, je me répèterai donc sans vergogne, sans regret et sans remords : Rivière Blanche a effectué un acte capital en rééditant ces deux fois trois romans épuisés depuis plusieurs décennies. Qu’on se le dise : il existe un territoire obscur, une lande perdue au bord du monde, entre les contes de Théophile Gautier et les romans d’épouvante de Serge Brussolo. Cet espace hors du temps et hors des sentiers battus est celui de Kurt Steiner. Et je suis intimement convaincu que l’on ne saurait se prétendre amateur de Fantastique si on ne l’a pas arpenté au moins une fois. Alors allez-y, vous n’en reviendrez pas. Peut-être même dans tous les sens du terme…
Re: Kurt Steiner
Faut que je me les procure... Et ils ne pourraient pas faire partie du prix pour ce concours hors-série ???
Re: Kurt Steiner
Bah merde, ça donne envie. Fumier!
Naëlle- — — Madone des Ombres — — Disciple de la Discipline
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Re: Kurt Steiner
Ah, Kurt Steiner!
Il a aussi ecrit des scenarios de film notamment pour Pierre Richard ( les malheurs d'Alfred)
et sous son vrai nom,un roman de fantastique social
" Les Chiens"
ca avait donné un film avec Depardieu et Victor Lanoux..
et aussi plus tard le film avec Dewaere
"Paradis pour tous"
Eblouissant...
Il a aussi ecrit des scenarios de film notamment pour Pierre Richard ( les malheurs d'Alfred)
et sous son vrai nom,un roman de fantastique social
" Les Chiens"
ca avait donné un film avec Depardieu et Victor Lanoux..
et aussi plus tard le film avec Dewaere
"Paradis pour tous"
Eblouissant...
Invité- Invité
Re: Kurt Steiner
Je viens de commencer la lecture du Village de la foudre, trouvé en bon état et à un prix des plus correct. Le début s'avère très prometteur.
Superbe couverture de Gourdon.
Superbe couverture de Gourdon.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Re: Kurt Steiner
J'ai aussi quelques adaptations BD des romans de Steiner (Dans un manteau de brume, L'Herbe aux pendus, Pour que vive le diable, Les Rivages de la nuit), mais pas celui-ci.
En général, ses romans passent plutôt bien le cap de l'adaptation BD.
En général, ses romans passent plutôt bien le cap de l'adaptation BD.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Re: Kurt Steiner
J'ai récemment lu un Steiner relativement méconnu : Les Dents froides.
Solide histoire de possession sur une sinistre épave, voici encore un roman remarquablement écrit qui rappelle (hommage ? influence ?) certaines histoires de Poe ( Arthur Gordon Pym, Manuscrit trouvé dans une bouteille).
Bizarrement, ça se termine bien.
Solide histoire de possession sur une sinistre épave, voici encore un roman remarquablement écrit qui rappelle (hommage ? influence ?) certaines histoires de Poe ( Arthur Gordon Pym, Manuscrit trouvé dans une bouteille).
Bizarrement, ça se termine bien.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Re: Kurt Steiner
Kurt Steiner aime les histoires de bateaux. Ses lecteurs ont forcément en mémoire l'inquiétant vaisseau fantôme des Dents froides (1957) ainsi que la Bagheera, l'immense et luxueux trois-mâts du malfaisant Sir Squizham (1) de La Marque du Démon (1958).
Glace sanglante (1960) est l'avant-dernier Angoisse de Steiner (2). Le début n'est pas sans évoquer les premières pages du Bruit du silence (1955), son premier roman publié dans cette collection.
Dans les deux cas, un automobiliste égaré va être confronté à l'horreur (3)...
Non loin du Mont-Saint-Michel, Jacques, un antiquaire parisien, erre sur une route labyrinthique au volant de sa DeSoto. Pris dans une tempête de neige, il se voit contraint d'abandonner son véhicule. Perdu dans la tourmente, affamé et glacé, il arrive à proximité d'une ferme isolée dont la lumière lui a servi de phare. C'est là qu'il reprend connaissance après avoir été cruellement blessé. Désormais estropié, il doit composer avec ses deux hôtes, la belle et cruelle Laura et Le Dantec, vieux marin alcoolique. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Comment deux êtres aussi dissemblables ont-ils pu s'acoquiner ? Comment expliquer la ressemblance de Laura avec la jeune Hindoue dont le portrait orne la chambre du blessé ? En serait-elle la réincarnation ? Et puis d'où proviennent les magnifiques bijoux de la jeune fille ? Ne constitueraient-ils pas un simple échantillon d'un trésor plus conséquent ?
L'examen attentif du grimoire du capitaine au long cours Teissel apportera sans doute des réponses à certaines de ces questions.
Glace sanglante mériterait certainement une réédition, comme la plupart des romans de Steiner...
(1) Squizham, mahziuqs à l'envers. Magique ?
(2) Le dernier étant Le Masque des regrets (1960).
(3) On peut aussi penser à l'auto-stoppeur de Lumière de sang (1958).
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Re: Kurt Steiner
Je ne connais pas ce roman même si l'on y retrouve apparemment la thématique typiquement "steinerienne" de l'amour plus fort que la mort.
Y a-t-il une référence aux "pourvoyeurs", personnages inquiétants que l'on trouve dans le roman du même nom (Les Pourvoyeurs) ainsi que dans De Flamme et d'ombre ?
Y a-t-il une référence aux "pourvoyeurs", personnages inquiétants que l'on trouve dans le roman du même nom (Les Pourvoyeurs) ainsi que dans De Flamme et d'ombre ?
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Re: Kurt Steiner
N'ayant pas lu "les pourvoyeurs" ni "de flamme et d'ombre", c'est un peu difficile de répondre, mais il y a des personnages inquiétants, les korrigans pour ne pas les nommer. Quant à savoir s'ils peuvent avoir un rapport avec les pourvoyeurs, je ne peux le dire.
Re: Kurt Steiner
Les "pourvoyeurs" sont chargés de ramener des âmes dans l'au-delà en usant de procédés quelque peu tordus.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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