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La viande

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Message par Didier Fédou Mar 17 Juin 2014 - 5:50

Voilà bien longtemps, pour le tout premier concours, avais-je proposé un très court texte, Cannibale, ( https://ecritoiredesombres.forumgratuit.org/t442-cannibale?highlight=cannibale ) pas super tip-top, mais pour lequel des gens très bien comme Léonox avaient émis des idées d'améliorations.

Ayant besoin de matière pour mon recueil bientôt sur Amazon, j'ai repris Cannibale, j'ai tenté d'arranger les morceaux proprement, et ça donne ça. Vous me donnez votre avis ? Mieux que l'original ou tout caca ? Je pense qu'on comprend toujours aussi vite de quel type de bétail ça parle, mais le contexte devrait améliorer le tout.


LA VIANDE

Les camions en provenance des fermes d'élevages arrivèrent vers quatre heures du matin au quai de déchargement de l’usine. Dans l’air frais et piquant de l’aube bleutée, on entendait le bétail gémir et cogner contre les parois de la remorque, des cris de secours et de pitié. Il ne fallait pas y faire attention, c'était déjà de la viande, et si on se laissait émouvoir par leurs yeux larmoyants, on ne durait pas longtemps dans ce métier.
Une fois les portes des remorques ouvertes, le bétail fut poussé à l’intérieur de l’abattoir. Il y en eut bien un ou deux qui s’enfuirent mais les employés les rattrapèrent et les reconduisirent dans le troupeau à coups de bâton. Une escouade d’équarisseurs les tuèrent au fusil électrique, c’était rapide et propre, plus respectueux de l'animal. Avant, c'était un coup de masse sur le front, mais les équarisseurs finissaient par ne plus le supporter, et craquaient tous lorsque c'était la saison des femelles et des petits. Il y avait bien le gazage, dans de grandes salles carrelées qui servaient encore à l'épouillage et la douche, mais ça donnait quand même un petit goût à la viande. Chaque bête tuée était ensuite placée sur un tapis roulant l’emmenant dans les profondeurs de l’usine, et immédiatement suivie d’une autre bête. L’élevage était bon en cette saison, il fallut une bonne heure pour abattre tout le cheptel. De belles bêtes, bien grasses, élevées dans des fermes en plein air, nourries avec les meilleures farines. Pas de ces singes élevés en batterie qui n’avaient pas de place pour s’ébattre et se reproduire correctement.
Au bout du tapis roulant, on allongeait correctement les corps et on brûlait les poils au chalumeau avant de retirer d’un coup de tronçonneuse tout ce qui n’était pas utile : les pieds, les mains, les sexes des mâles. On retirait les têtes aussi, car les consommateurs détestaient les voir, ça leur rappellait qu'ils n'étaient pas vraiment éloignés des animaux, ils auraient pu devenir végétariens, mais rien ne devait se perdre. Les cervelles était mises à part et le reste envoyé au fours, où ce serait transformé en farines, revendues aux élevages.
Dans la salle suivante, les bouchers vêtus de grands tabliers très épais et de gants en cotte de maille éventraient les bêtes pour en retirer le cœur, le foie, les reins. Des rigoles étaient creusées dans les tables pour recueillir le sang et le faire couler dans de grandes bassines en inox. On en ferait un excellent boudin. Puis de gros tuyaux aspirateurs avalaient le reste de viscères tremblantes. Il fallait ensuite retourner le corps, découper les bords de l’anus au couteau, et éplucher toute la peau. Elle faisait une mauvaise couenne, pas assez épaisse, et était donc revendue à des usines de traitement du cuir, mais l’an prochain, il était prévu d’en faire des grattons, comme avec la peau des canards. Certaines industries, fortes de leur expérience acquise durant la guerre, en achetaient parfois de grandes quantités pour faire du savon.
Après un dernier passage au jet d’eau pour rincer le sang et les quelques excréments échappés des entrailles, les carcasses étaient envoyées dans le laboratoire de découpe, où d’autres bouchers les faisaient passer et repasser sur de grands scies circulaires. Le bruit des os sciés était assourdissant, strident, et malgré les aérations, l’odeur d’os et de viande était entêtante.
Quand tous les membres étaient séparés du tronc et tranchés aux genoux et aux coudes, il fallait encore scier la carcasse en quatre, et puis tout cela était envoyé dans le labo suivant pour un découpage plus fin. Des ouvriers armés de longs couteaux et de gants en cotte de mailles découpaient avec dextérité toute cette viande, enlevaient le plus gros des aponévroses et les veines, séparaient les côtes, tranchaient les cuisses charnues et les gros bras pour en retirer steaks et rôtis, bavettes et tournedos. Les morceaux de moindre qualité étaient hachés pour faire des hamburgers ou de la farce à légumes. Pendant ce temps, ailleurs, les intestins étaient lavés plusieurs fois, coupés en lamelles, relavés, et cuisinés avec des carottes, du vin blanc, un peu de patates.
Ne restait plus qu’à emballer la viande sous cellophane, la peser, l’étiqueter, y apposer les sceaux des services vétérinaires. Au bout de la chaine, on chargeait des camions frigorifiques qui partiraient distribuer les stocks dans tout le pays, tandis que de l’autre côté de l’usine, d’autres camions arrivaient, plein de nouvelles bêtes à dépecer. Plus tard dans la journée, on traiterait les bêtes sauvages, plus chères mais plus goûteuses, celles qu'on capturait dans les ruines de Normandie ou de Pologne, juste un peu engraissées dans les anciens camps de concentration.
Une organisation sans faille pour le puissant commerce de la viande. Ce n'était pas évident : après les crises bovines et porcines des dix dernières années, il avait bien fallu trouver d'autres sources de protéines pour le bon peuple.


Madame Germaine appela son mari qui trainait au rayon des conserves.
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Message par Doumé Mar 17 Juin 2014 - 8:18

Excellent texte journalistique, avec une chute vertigineuse...

Par Crom ; non, par tous les saints : je suis catho  Very Happy  , déjà que j'ai une tendance au végétarisme. Alors là, bien sûr...

Ton texte, on devra l'utiliser pour ne plus manger de viande, la fin en moins...  affraid


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Message par Catherine Robert Mar 17 Juin 2014 - 8:25

C'est un texte sympa. Mais il lui manque un petit quelque chose.
Comme tu le dis, on comprend tout de suite de quoi il s'agit, donc on n'aura pas d'effet de surprise, il faut donc que le texte capte par autre chose. Et c'est ce qui manque je crois. Il n'y a pas d'intensité, on a presque l'impression de lire un article documentaire, un ton détaché qui ne te fait pas rentrer dedans.
Alors c'est un style qui peut se défendre et comme le texte est court, on le lit quand même facilement, mais il me manque juste un petit truc en plus.
Au niveau écriture, il reste bien l'une ou l'autre tournure à retravailler, répétitions à corriger ou fautes à éradiquer, mais c'est déjà très bien.


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Message par Doumé Mar 17 Juin 2014 - 8:39

Ben non justement : si Didier n'avait pas vendu la mèche, ce n'est qu'à la fin qu'on comprendrait le schmiblik ; et le contraste entre le texte journalistique et la chute est extra : on était en train de s'endormir sur un reportage ennuyeux, et tout à coup...

Pour moi, c'est du bon. Seul risque : celui de ne pas vouloir aller au bout du texte... Peut-être faut-il une amorce au début, sans dévoiler la chute  Smile


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Message par Catherine Robert Mar 17 Juin 2014 - 8:45

Non, même si Didier n'avait pas vendu la mèche, dès les premières lignes, on peut comprendre.
on entendait le bétail gémir et cogner contre les parois de la remorque, des cris de secours et de pitié
Rien que cette phrase est trop suggestive. Des cris de secours et de pitié, c'est typiquement humain. Un animal n'implore pas la pitié.
J'ai d'ailleurs tiqué sur cette phrase, je la trouvais trop claire, donc ça n'a rien à voir avec le fait que Didier a vendu la mèche.


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Message par Doumé Mar 17 Juin 2014 - 10:26

Désolé, Catherine, mais un animal implore la pitié et pousse des cris de secours. Va dans un abattoir et tu comprendras  Sad 

Bon, on va pas se disputer pour ça  Wink


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Message par Catherine Robert Mar 17 Juin 2014 - 10:33

Bin, non on va pas se disputer. Mais tu passeras quand même prendre ta punition ce soir.  :sm: 
Je suis néanmoins d'accord, un animal peut pousser des cris de secours, mais implorer la pitié me semble exagéré. Pas que ce soit impossible, mais ça fait trop humain. Enfin, ce n'est que mon avis. Sur la phrase, j'ai tiqué direct.
Pour moi, je transformerais cette phrase. Je supprimerais la référence à la pitié et ne laisserais que des cris de détresse, ce qui est moins parlant.


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Message par Murphy Myers Mar 17 Juin 2014 - 10:39

En effet, la même phrase m'a fait comprendre la chute, alors que je n'ai jamais rien lu des concours précédents de l'écritoire. Bon, le titre original "Cannibale" a bien aidé aussi et, surtout, le fait que le texte est prévu pour un recueil de nouvelles horrifiques. Dans un tel recueil, on se doute bien qu'on ne va pas avoir un reportage sur Maïté dans tous les cas.

Mais ça ne m'a pas dérangé plus que ça de comprendre la chute avant la fin. Au contraire, j'ai ainsi pu savourer chaque petite horreur que nous décrit cette nouvelle. Si je n'avais pas compris, comme on l'a dit, je me serais sans doute lassé devant ce que j'aurais pris pour un énième reportage pro végétarisme.

Je suis plus ou moins d'accord avec les remarques de Catherine, en fait. Mais j'avoue que je ne vois pas trop, vu l'histoire, comment lever cette impression de distance. Peut-être par un narrateur interne, qui serait soit horrifié de son travail soit, au contraire, morbidement joyeux. Mais ça serait peut-être une bien grande transformation pour un texte si court. L'impression de distance est bien là, mais sur moins de 2 pages, on peut faire avec sans trop de mal je dirais.

Edit : Je suis aussi de l'avis qu'un animal ne peut pas implorer la pitié. La pitié est un sentiment qu'ils ne connaissent pas, ça suppose une conscience morale alors qu'ils n'ont que l'instinct. De plus, implorer la pitié suppose qu'ils ont conscience ce qu'ils vont devenir. Ils peuvent couiner et se débattre quand on les chope pour leur mettre un coup de couteau, mais ça n'est encore que l'instinct qui leur dicte comment fuir le danger qui arrive. Dans les camions, ils n'en sont pas encore là.

Maintenant que j'y pense, on parle aussi, par la suite, de couper les mains et les pieds. Là encore, termes typiquement humain (sauf, à la limite, si on parle de découper des singes). Mais, comme je disais, je pense que c'est une bonne chose qu'on saisisse vite le double sens du texte.



"Je questionnai l'un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu'il n'en savait rien, ni lui, ni les autres; mais qu'évidemment ils allaient quelque part, puisqu'ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher." Baudelaire, Chacun sa chimère
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Message par Invité Mar 17 Juin 2014 - 10:54

Hello !

Alors, c'est bien, mais je rejoins les autres sur le fait qu'il ne faut pas indiquer trop d'indices au début sur la nature de la "viande".
Comme c'est un texte court, je pense qu'il faut vraiment garder le suspens jusqu'à la fin.

Dans l’air frais et piquant de l’aube bleutée, on entendait le bétail gémir et cogner contre les parois de la remorque, des cris de secours et de pitié.

Des cris de peur, d'angoisse, de terreur ... plutôt. Insister sur le fait qu'un "animal" sent la mort à l'abattoir, que ça le panique.

Pareil pour les mains et les pieds : si on voit ces humains comme du bétail, autant faire l'analogie avec les bêtes et parler de pattes, de membres inférieurs, supérieurs, antérieurs ou postérieurs...

Bref, essayer de garder unmaximum de parallèles avec les animaux pour laisser planer le doute, même si on devine de quoi il s'agit...

Voilà, sinon c'est bien.
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Message par  Mar 17 Juin 2014 - 11:50

Salut !

J'avais écrit une critique chiadée, mais je ne sais pas ce que j'ai foutu, elle n'a jamais été postée... J'ai sûrement dû me planter de bouton.

Tout ça pour dire que ton texte est pas mal mais qu'il y a quand-même des trucs à revoir.
Le souci, c'est que je ne m'y connais pas bien en horrifique. J'aurais tendance à penser qu'il faut faire monter l'angoisse, et pour moi, ton texte ne cadre pas avec ça.
Certes ton thème est horrible et ta chute est surprenante, mais ce n'est pas vraiment angoissant. (pour le coup, j'aurais plus vu un truc bien immersif avec un type qui bosse à dépiauter les carcasses avec gros plans sur les organes, et description de repas goulus ou de file d'attente chez le boucher... mais ça ferait ptet un peu Delicatessen)

Quoi qu'il en soit, tu as un petit souci de vocabulaire. Tu es dans un champ lexical étroit et je suis conscient de la difficulté, mais il a trop de répétition ( parfois dans la même phrase) et tu emploies des mots propres à l'homme. Des périphrases ne seraient pas mal du tout.

Dans ma première critique, je parlais de l'aspect journalistique. Si c'est ce que tu recherches, il faudrait sans doute que tu passes au présent avec un vocabulaire bien froid et distant, brut voire brutal. Et tu balances tout l'aspect humain et ignoble dans ta chute.
( le mec pose son journal, cause à sa femme et dévore sa viande sans scrupule, ou avec, comme tu veux)

A l'heure actuelle, ton texte ressemble plus à une introduction. On dirait que te poses un cadre pour une action future.

Le concept est bon, le cadre historique très intéressant mériterait peut-être un développement... (pourquoi pas en intro de l'article si tu optes pour cette forme)

Personnellement, je pense que la pitié est un concept un poil trop humain qui trahit directement la nature de la viande.

Voilà, j'espère avoir été utile.


Libérée, délivrée, ma femme peut à nouveau voir ses pieds...
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Message par Léonox Mar 17 Juin 2014 - 13:08

J'aime décidément beaucoup ce texte. Et pour mieux le prouver, je viens de passer une heure à l'épouiller. Voilà le résultat, avec quelques propositions de modifs/corrections en rouge:


LA VIANDE


Les camions en provenance des fermes d'élevages arrivèrent vers ("à". Sinon, ça fait "ver-ver") quatre heures du matin au quai de déchargement de l’usine. Dans l’air frais et piquant de l’aube bleutée, on entendait le bétail gémir et cogner contre les parois de la remorque, des cris de secours et de pitié (A supprimer: c'est un indice, et la tournure n'est pas très heureuse). Il ne fallait pas y faire attention, c'était déjà de la viande, et si on se laissait émouvoir par leurs yeux larmoyants (à supprimer. C'est un autre indice, et l'antécédent est "bétail", donc "leurs yeux" ne convient pas), on ne durait pas longtemps dans ce métier.
Une fois les portes des remorques ouvertes, le bétail fut poussé ("les bêtes furent poussées". Tu as déjà "bétail" trois lignes plus haut, et juste après tu utilises le pluriel avec "qui s'enfuirent") à l’intérieur de l’abattoir. Il y en eut bien un (une) ou deux qui s’enfuirent mais les employés les rattrapèrent et les reconduisirent dans le troupeau à coups de bâton. Une escouade d’équarisseurs les tuèrent au fusil électrique, c’était rapide et propre, plus respectueux de l'animal.

Avant (avant quoi ? "Avant la guerre", peut-être ?), c'était un coup de masse sur le front, mais les équarisseurs ("ouvriers" éviterait la répétition) finissaient par ne plus le supporter, et craquaient tous lorsque c'était la saison des femelles et des petits. Il y avait bien le gazage, dans de grandes salles carrelées qui servaient encore à l'épouillage et la douche, mais ça donnait quand même un petit goût à la viande. Chaque bête tuée ("animal tué" éviterait la répétition trois lignes plus bas) était ensuite placée (placé) sur un tapis roulant l’emmenant dans les profondeurs de l’usine, et immédiatement suivie d’une autre bête (Moyen. Ma proposition: "et immédiatement remplacé par un autre sitôt qu’il avait disparu derrière la grande bâche en plastique située à l'extrémité de la chaîne"). L’élevage était bon en cette saison, il fallut une bonne heure pour abattre tout le cheptel. De belles bêtes, bien grasses, élevées dans des fermes en plein air, nourries avec les meilleures farines. Pas de ces singes élevés en batterie qui n’avaient pas de place pour s’ébattre et se reproduire correctement.

Au bout du tapis roulant, on allongeait correctement les corps et on brûlait les poils au chalumeau avant de retirer d’un coup de tronçonneuse tout ce qui n’était pas utile : les pieds, les mains, les sexes des mâles (autre indice. "membres inférieurs et supérieurs, organes génitaux" serait sans doute plus adapté). On retirait les têtes aussi, car les consommateurs détestaient les voir, ça leur rappellait (rappelait) qu'ils n'étaient pas vraiment éloignés des animaux, ils auraient pu devenir végétariens, mais rien ne devait se perdre. Les cervelles était mises à part et le reste envoyé au fours (four), où ce serait transformé en farines, revendues aux élevages. Dans la salle suivante, les bouchers vêtus de grands tabliers très épais et de gants en cotte de maille éventraient les bêtes pour en retirer le cœur, le foie, les reins. Des rigoles étaient creusées dans les tables pour recueillir le sang et le faire couler dans de grandes bassines en inox. On en ferait un excellent boudin.

Puis de gros tuyaux aspirateurs avalaient le reste de viscères tremblantes (tremblants). Il fallait ensuite retourner le corps, découper les bords de l’anus au couteau, et éplucher toute la peau. Elle faisait une mauvaise couenne, pas assez épaisse, et était donc revendue à des usines de traitement du cuir, mais l’an prochain, il était prévu d’en faire des grattons, comme avec la peau des canards. Certaines industries, fortes de leur expérience acquise durant la guerre, en achetaient parfois de grandes quantités pour faire du savon. Après un dernier passage au jet d’eau pour rincer le sang et les quelques excréments échappés des entrailles, les carcasses étaient envoyées dans le laboratoire de découpe, où d’autres bouchers les faisaient passer et repasser sur de grands scies circulaires. Le bruit des os sciés était assourdissant, strident, et malgré les aérations, l’odeur d’os et de viande était entêtante.

Quand tous les membres étaient séparés du tronc et tranchés aux genoux et aux coudes, il fallait encore scier la carcasse en quatre, et puis tout cela était envoyé dans le labo suivant pour un découpage plus fin. Des ouvriers armés de longs couteaux et de gants en cotte de mailles (à supprimer parce que déjà utilisé un peu plus haut, mais surtout parce que même si les gants en cote de mailles c'est costaud, ce n'est pas pour autant une arme) découpaient avec dextérité toute cette viande, enlevaient le plus gros des aponévroses et les veines, séparaient les côtes, tranchaient les cuisses charnues et les gros bras pour en retirer steaks et rôtis, bavettes et tournedos. Les morceaux de moindre qualité étaient hachés pour faire des hamburgers ou de la farce à légumes. Pendant ce temps, ailleurs, les intestins étaient lavés plusieurs fois, coupés en lamelles, relavés, et cuisinés avec des carottes, du vin blanc, un peu de patates.

Ne restait plus qu’à emballer la viande sous cellophane, la peser, l’étiqueter, y apposer les sceaux des services vétérinaires. Au bout de la chaine, on chargeait des camions frigorifiques qui partiraient distribuer les stocks dans tout le pays, tandis que de l’autre côté de l’usine, d’autres camions arrivaient, plein (pleins) de nouvelles bêtes à dépecer. Plus tard dans la journée, on traiterait les bêtes sauvages, plus chères mais plus goûteuses, celles (répétition de "bêtes", évitable ainsi: "animaux sauvages, plus chers mais plus goûteux, ceux") qu'on capturait dans les ruines de Normandie ou de Pologne, juste un peu engraissées (engraissés) dans les anciens camps de concentration. Une organisation sans faille pour le puissant commerce de la viande. Ce n'était pas évident : après les crises bovines et porcines des dix dernières années, il avait bien fallu trouver d'autres sources de protéines pour le bon peuple.

Madame Germaine appela son mari qui trainait au rayon des conserves.
- René ! Viens voir, y’a des promos sur le rumsteack (rumsteck) ! C'est du Mengele-Auschwitz !
- Ah oui, prends-en. Avec un coup de rouge, ça descend tout seul…


Voilà pour les suggestions du garçon-boucher de service. Quant à la première remarque de K2, elle me semble infondée (en même temps, il admet lui-même qu'il ne s'y connaît "pas bien en horrifique"). Tout simplement parce que l'angoisse et l'horreur sont deux genres bien distincts (voir le gouffre qui sépare les collections "Angoisse" et "Gore"). Certes, le suggestif peut connaître de brusques débordements explicites dans un même récit, mais ce n'est en rien obligatoire. Ici, ce n'est pas le cas, mais ce n'est pas non plus le but de l'auteur. Didier voulait avec ce texte révulser le lecteur, et non lui faire peur. Les moyens employés me paraissent donc on ne peut plus adéquats. Et en ce qui me concerne l'objectif est pleinement atteint.
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Message par Catherine Robert Mar 17 Juin 2014 - 13:26

Léo a relevé un peu toutes les maladresses qui amoindrissaient le texte. Ces petits trucs qui faisaient tiquer et que j'ai pas eu le courage de relever moi-même (en même temps, il est admin, il est donc plein d'une aura naturelle que je n'ai pas  Rolling Eyes , qui donne à ses moindres paroles, un relief incommensurable et une force phénoménale, hiihihihih, j'en ai pas fait trop là)


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Message par  Mar 17 Juin 2014 - 13:49

Léonox a écrit: Quant à la première remarque de K2, elle me semble infondée (en même temps, il admet lui-même qu'il ne s'y connaît "pas bien en horrifique"). Tout simplement parce que l'angoisse et l'horreur sont deux genres bien distincts (voir le gouffre qui sépare les collections "Angoisse" et "Gore"). Certes, le suggestif peut connaître de brusques débordements explicites dans un même récit, mais ce n'est en rien obligatoire. Ici, ce n'est pas le cas, mais ce n'est pas non plus le but de l'auteur. Didier voulait avec ce texte révulser le lecteur, et non lui faire peur. Les moyens employés me paraissent donc on ne peut plus adéquats. Et en ce qui me concerne l'objectif est pleinement atteint.

En effet, et en plus je suis fâché avec les genres.
Pour moi, l'Horreur, c'était du surnaturel flippant, et donc avec des touches d'Angoisse et éventuellement de Gore. Le Gore, c'est du sang et de la tripaille jusqu'à écœurement, sans forcément de Suspense, d'Angoisse, ou de Surnaturel. L'Angoisse, ben c'est du Flippant avec peut-être pas mal du Suspense, et le Suspense, c'est du suspense. Mais bon si ça se trouve, ça dépend beaucoup du ressenti de chaque lecteur, ou alors je n'ai rien compris et ça ne serait pas la première fois.

Dans le cas présent, je me demande à quel point le titre précédent Cannibale, et peut-être même le titre actuel, ne sont pas des spoilers. Parce que du coup, j'avais vraiment l'impression à l'avance de savoir quel était le ressort principal de la nouvelle et ça peut avoir complètement biaisé ma lecture ( et donc ma critique).


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Message par Didier Fédou Mer 18 Juin 2014 - 4:15

Pardon de pas avoir répondu plus tôt, ma petite famille m'accapare et me pique l'ordi. J'ai beau sortir le fouet, rien à faire.
Grands mercis pour votre aide, et mention spéciale à Léo d'avoir pris de son temps pour me corriger. C'est précieux (et je noterai ta participation dans le recueil).

Je ne peux pas transformer ce texte en histoire, avec un personnage qui travaille/découvre cet abattoir. D'abord parce que ç'a déjà été fait (je me souviens d'une telle nouvelle de Max sur le Manoir, pas mal du tout d'ailleurs) et que je n'aurais rien de neuf à raconter sur le sujet. Ensuite parce que c'était pas mon but.
Je voulais écrire ce texte libéré de tout point de vue (pas de personnage au travers de qui on raconte (il...), pas de narrateur tenant un journal (je...), montrer sans montrer vraiment le fonctionnement de l'abattoir et le travail des bouchers, comme un documentaire sans commentateur, et distiller au fur et à mesure quelques indices jusqu'à découvrir à la fin de quel type de bétail ça cause.
Pour la justification, se placer dans un genre de présent uchronique où les camps de la mort se sont mués en fermes d'élevage me plait bien. Peut-être un peu facile, mais j'aime bien.

Je vais donc suivre vos conseils et gommer encore un peu les indices au début, dont le titre. Après, c'est un texte si court qu'on pigera vite quand même, alors je vais aussi revoir la fin pour marquer un peu plus les esprits.

Merci les ami(e)s !
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Message par Jack-the-rimeur Mer 18 Juin 2014 - 20:10

Pour moi, la faiblesse est dans la chute. Pas le type de viande abattue que tu dévoiles assez tôt et que tu illustres avec efficacité, mais la question "comment en est-on arrivé là ?".
Ta réponse "Crises bovines et porcines" est trop courte et zappe allègrement chevaux, volaille et autres poissons. Oublions la cause "surpopulation" de "Soleil vert", mais la remarque de Mme Germaine sur le "Mengele-Auschwitz" induisait une idée en or : la chair humaine en tant que mets de choix, un nouveau "caviar" pour une nouvelle élite, une nouvelle caste... et là tu as une vraie chute possible pour le prix d'une légère retouche finale.


"Car il faut avant tout sortir, ne fût-ce qu'un instant, de la prison sans portes ni fenêtres."
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