La loi de la viande

La loi de la viande.



Deuxième jour.
Le marais. J'aurais préféré n'importe quelle autre option. Je dois néanmoins me rendre à l'évidence : Guérline ne sera vraiment en sécurité qu'entre les murs de la demeure de son père. Le marais est à la fois la voie la plus directe et la seule que nos poursuivants n'oseront pas emprunter, surtout si des membres de MA famille participent à la traque.

Sixième jour.
Je ne pense pas que nous soyons suivi. Guérline retrouve le sourire : de l'autre coté de ce bourbier fétide, nous serons sur les terres de son père. La petite châtelaine montre un courage admirable pour ses quinze ans, à me faire rougir de ce que j'étais à son âge.
Nous voyageons en barques. Je rame la plupart du temps, sauf quand l'eau est trop basse et qu'il nous faut marcher en tirant notre esquif à la corde. J'ai, alors, la faiblesse de permettre à Guérline de m' « aider » à tirer, bien qu'elle me gêne plus qu'autre chose. Nos provisions n'étant pas infinie, je me nourris surtout de crustacés, d'algues, et je bois l'eau du marais un jour sur deux. Ma compagne de voyage est, heureusement, trop candide pour savoir que boire régulièrement de cette eau tuerait n'importe quel humain, même robuste.

Huitième jour.
Il me semble avoir passé le point le plus profond.
Fallait-il que mes sens soient troublés ? J'ai trouvé le moyen de me faire surprendre par l'un de ces poissons aux allures de serpent, assez grands pour pour s'enrouler autour des petites embarcations afin de les couler. Celui-ci s'était contenté de m'attraper, moi. Très mauvais choix de victime.
Sous l'eau, loin du regard de la jeune fille, j'ai pu faire usage de ma force et de mes crocs sans retenue. Au moins, nous avions de quoi festoyer le soir, d'autant qu'une petite motte de terre sèche nous a permis d'allumer un feu.
Cela ne reste, hélas, que du poisson blanc. Mon sang ne tardera pas à réclamer autre chose.

Dixième jour.
Ce que je craignais le plus se réalise. Guérline n'a sûrement jamais été aussi crasseuse de toute sa douillette existence. Je parierais qu'elle empeste autant que moi. Pourtant, son odeur de jouvencelle me paraît soudain...
Délicieuse ! La promiscuité de la barque n'aide en rien.
Une fois de plus, je maudis le sang de mon père.

Onzième jour.
Ce matin, alors que la jeune fille relevait sa robe afin de soulager la nature, je n'ai pu me retenir de lorgner sur son adorable séant.  Blanc comme lait, rond et tendre comme une pêche bien mûre, gras à point... Pour me calmer, j'ai mordu dans une rame et manqué de peu la briser.
Candide mais non idiote, elle a sûrement remarqué que je ne la regardais plus de la même façon. Par chance, elle s'imagine que mes appétits à son égard sont d'une autre sorte.


Douzième jour.
A l'aube, j'ai repéré l'odeur d'un gros rat crevé pas encore trop pourri. Je l'ai dévoré cru avant qu'elle se réveille. Sans être un fin bec, j'ai failli vomir.
Bon.
Au moins, il devrait me permettre de contrôler mes pulsions un ou deux jours de plus.

Treizième jour.
Je veux de la viande. Rouge. Pleine de sang.
Je me force à rêver d'un chevreuil, d'un porc, d'une oie, d'un blaireau même. N'importe quoi d'autre que de cette fille dont l'odeur m'obsède.

Quatorzième jour
Pas maintenant, MERDE ! Du sang menstruel, ça reste du sang ! J'ai ça dans le nez du matin au soir, j'en peux plus.

Quinzième jour.
Les salauds.
Ils nous attendaient de l'autre coté. Ils savaient que je tracerais tout droit pour sortir de la flaque le plus vite possible. J'imagine qu'ils avaient déjà des hommes sur les terres de Vudrin, probablement les mêmes qui avaient enlevé sa fille. Il leur a suffi de poster des guetteurs aux points d'arrivée les plus probables.
Ils sont quatre. Des gros durs bien baraqués, bien vigoureux, bien charnus.
Quel régal.

Quinzième jour (soir).
Voilà, c'est maintenant qu'elle n'a plus rien à craindre de moi. Et c'est maintenant que je la terrifie. Tout ça pour quelques bouchées sur un ennemi déjà mort.
Je peux faire une croix sur ma récompense... et sur ma vie si je n'ai pas quitté le pays avant qu'elle parle à son père.
Je vous jure, sauvez des demoiselles en détresse. Ha !

Je croyais qu'à la fin il finirait par la bouffer elle ^^

Dans ma tête, ce type est le fils bâtard d'un seigneur ogre (les mêmes ogres que dans "pomme de fée") et d'une servante humaine. C'est le classique mais toujours efficace demi-monstre. Les héros de fantasy doivent avoir un pied dans le monde normal et un pied dans le monde qu'on essaie de faire découvrir, pour servir de pont au lecteur. C'est pour ça que ce sont souvent des demi quelque chose ou des apprentis quelque chose.

La jouvencelle se fait bouffer. Et bien non (et c'est tant mieux), mais en plus le héros se retrouve "bête", il a accompli sa mission et n'en retirera rien. Pas de récompense et pas de jouvencelle à becter. Ce qui est une fin plus sympa que le gars qui réussit et tout finit bien et plus originale que la jouvencelle dévorée.

(on s’attendait tous à ce qu’il bouffe la fille, non ?).

pourquoi la fille fait-elle l’objet d’une récompense, qui sont les opposants qui les poursuivent (des membres de la famille du narrateur ?), quelle est la véritable nature de ce dernier, etc. ? Bref, pas mal d’éléments de contexte m’ont échappé.
Pour le narrateur, je pensais à un loup-garou (les pulsions bestiales de plus en plus fortes, le goût du sang - et surtout de la viande - qui semble cyclique) ; jamais je n’aurais pensé à un « mi-ogre » ; preuve qu’il manque des éléments pour vraiment saisir tous les tenants et aboutissants de cette escapade sanglante.