Dernier rayon sur Montségur

(Petit salut cathare à Max et Doumé, esothéoriciens émérites.)

Sombre, Pierre-Roger est debout aux créneaux
Et, de la citadelle adossée au ciel terne,
Observe des Français l'odieux lectisterne,
Pour un sanglant festin dressant leurs mangonneaux.

Tandis qu'au loin tournoie un vol noir d'étourneaux,
Des grappes de mots clairs montent de la poterne :
Bertrand d'en Marti parle et chacun se prosterne,
La même foi baignant seigneurs et chemineaux.

Silhouette de nuit, Demoiselle Esclarmonde,
Robe ondoyant au vent comme une souple osmonde,
Sourit, pâle et furtive, au chevalier Guilhèm,

Quand, trouant la nuée à tristesse de fagne,
Un glaive d'or s'abat, précoce requiem,
Embrasant un pré mort au pied de la montagne.


(D'accord, c'est un sonnet de commande qui sent son dico de rimes à vingt pas, mais je ne crois pas avoir trahi les 2OO qui, à la chute du dernier bastion cathare, furent immolés par le feu sur le champ qu'on appelle aujourd'hui encore : "lo prat dels cramats".)

Tu rends bien l'ambiance : Les mangonneaux, la poterne, Demoiselle Esclarmonde de Perella, le chevalier Guilhèm, "lo prat dels cramats"... ; dis donc, tu n'aurais pas lu Peyramaure ?

J'ai été là bas, dans les années 90. C'est beau et encore impressionnant !

Peyramaure ? bon auteur, mais je ne l'ai attendu.
C'est mon pays. Quand on habite à 2O bornes de Béziers où Arnaud Amaury a lâché son fameux : "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens" et à 6O de Carcassonne où Simon de Monfort s'est mangé un carreau d'arbalète bien mérité, on baigne autant dans les vapeurs d'Histoire ancienne que dans le rugby.
Les fantômes des cathares, des templiers, de Gaston Phébus ou du Prince Noir sont toujours là.
Dans ma jeunesse, j'ai fréquenté les cercles occitans où l'on discutait de René Nelli, de Mistral, de Déodat Roché ou de Lanza del Vasto (Gardarem lo Larzac !)
Et je suis encore capable de lire "la cançon de la crosada" dans le texte.
"Sei d'Oc" et j'y suis bien.

Jack-the-rimeur a écrit:

C'est mon pays. Quand on habite à 2O bornes de Béziers où Arnaud Amaury a lâché son fameux : "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens"

C'est ce qu'il ont fait en pratique, mais la citation est légendaire, elle date d'une chanson de la croisade composée bien plus tard...

Qu'Arnaud Amaury ne l'ait pas dit textuellement, c'est vrai (comme la plupart des mots historiques, d'ailleurs), mais cela traduit tellement bien l'esprit de répression implacable et fanatique qui l'animait que tu auras bien du mal à l'en débarrasser.
Moi, en tout cas, je n'en ai pas envie.
Que ses mânes se traînent ce boulet, il l'a bien cherché.

Hello,

Merci pour ce petit salut. Voilà un poème admirablement composé. J'avoue cependant que les nombreuses références m'ont échappé, ne connaissant à peu près rien de l'histoire cathare. J'ai tout de même été sensible à l'ambiance, comme le dit Doumé.