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L'Écritoire des Ombres :: CONCOURS DE L'ÉCRITOIRE DES OMBRES :: Archives des concours hors-série :: Concours HS N°9 : Miroir (s)
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Plutôt que de tourner et retourner ce texte dans ma tête, et de tenter de l'améliorer ad nauseam, je préfère vous le proposer, avec ses éventuelles imperfections.
Voici donc ma participation (5367 signes)...
Bonne lecture.
- Reflets:
Le docteur Sakov reposa le dossier Irror sur son bureau. Ses yeux brillaient d'excitation. Ce cas le passionnait. Mark Irror était spectrophobe ! Il avait une peur irrationnelle des miroirs. Avant chaque séance, le docteur veillait à recouvrir d'un drap noir la grande psyché Empire située près du divan vert bouteille. Il était cependant bien incapable de déterminer la cause de cette phobie.
La consultation hebdomadaire venait de s'achever. Comme d'habitude, Sakov éprouvait un cuisant sentiment d'échec. Irror était arrivé à la tombée de la nuit, avait pris place sur le divan et donné libre cours à ses sempiternels accès de frénésie. Détestation de la lumière, fascination pour la nuit, rejet viscéral des appareils photo et des miroirs. Il avait palabré de la sorte pendant une demi-heure, en proie à un état d'exaltation tel que Sakov avait eu le plus grand mal à le raisonner. Son discours évoquait le fameux arbre cachant la forêt. Le psychiatre le soupçonnait de ne pas tout dire, et même de lui cacher l'essentiel. « Je suis décidément un bien médiocre thérapeute ! », soupira-t-il.
Quelques jours plus tard, un coup de fil du docteur Schuman relança l'intérêt de Sakov pour le cas Irror. Ce dernier avait été interné d'office dans l'établissement de Schuman. Sakov fonça jusqu'à la clinique. En route, il tenta de retracer le fil des événements. Irror avait été maîtrisé par trois agents alors qu'il se livrait à une véritable hécatombe dans une rue commerçante. Lorsque les policiers intervinrent, il avait déjà réduit à néant une dizaine de vitrines. D'après les témoins, il était effrayant avec ses mains ensanglantées et son regard halluciné. C'était même un miracle s'il était toujours vivant, les trois hommes, qui l'avaient d'abord pris pour un terroriste, avaient été à deux doigts de l'abattre.
L'accueil de Schuman fut glacial. Les deux spécialistes ne s'appréciaient guère, Sakov étant opposé, par principe, à l'internement des malades. Il obtint l'autorisation de voir Irror. Celui-ci avait été transféré dans une chambre austère. On lui avait retiré sa camisole, mais son air à la fois ahuri et pathétique indiquait qu'on l'avait gavé de calmants. Le regard de Sakov se posa sur les mains recouvertes de bandages du malheureux, puis se fixa sur la vilaine balafre ornant sa joue droite. « M. Irror, que s'est-il passé ? », furent les seuls mots qu'il pût prononcer. Irror tenait des propos incohérents, pleurait, gémissait. Comprenant qu'il ne tirerait rien de lui, Sakov s'en alla. Il repasserait le lendemain. L'inquiétude se lisait sur son visage lorsqu'il sortit de l'établissement. Il dormit mal cette nuit-là.
Lorsqu'il pénétra dans la chambre du malade, Sakov était décidé à aller au fond des choses. Cette fois, il ne lâcherait rien et ferait en sorte d'obtenir une confession circonstanciée du malheureux. Sa réputation en dépendait.
Mark Irror allait mieux. Après une bonne nuit de sommeil, son état s'était amélioré. Il se montra plus loquace, revint sur ses « exploits » de la veille. Il était navré d'avoir agi de la sorte et promit de ne plus recommencer. « Croyez bien que je suis désolé. Mais je n'avais pas le choix, docteur... ». Sakov prit son ton le plus doucereux et lui demanda pourquoi. « C'était lui ou moi, docteur ! »
Sakov avait du mal à dissimuler son excitation. « Lui ? De qui s'agit-il, Mark ? » Le visage du malade s'empourpra. Il s'agita sur son lit. L'espace d'un instant, Sakov s'inquiéta, craignant un nouvel accès de démence. « Lui ! Là-bas ! L'homme dans le miroir ! L'autre ! »
Sakov quitta la clinique soulagé. Il avait enfin obtenu ce qu'il attendait depuis des semaines. Irror lui avait tout révélé. Sa phobie des miroirs s'expliquait par la peur de son reflet qu'il prenait pour un véritable double inversé doté d'une existence autonome. Il avait acquis la certitude que l'autre, comme il l'appelait, projetait de s'inviter dans le monde réel. Et de prendre incognito sa place...
L'état du patient continuait de s'améliorer. Mais ne s'agissait-il pas du calme avant la tempête ?
Un jour, le docteur Sakov dut interrompre ses consultations pour se rendre à la clinique Schuman. Irror avait à nouveau sombré dans l'hystérie. Cela s'était produit dans le bureau de Schuman. Celui-ci avait omis de cacher le grand miroir ornant le côté droit de la pièce. Ce détail provoqua la colère de Sakov. Comment Schuman avait-il pu négliger un tel détail ? À moins que ce ne fût intentionnel...
Le bon docteur n'aimait rien tant que d'avoir une clinique bien remplie.
Sakov rentra chez lui très éprouvé. « Cette fois, c'est fini, il a gagné ! », fut tout ce que le malade fut en mesure de lui dire avant de sombrer dans l'inconscience.
Les craintes de Sakov s'avérèrent cependant infondées. Tout comme ses a priori au sujet de Schuman. En effet, malgré le regrettable incident du bureau, la santé, tant physique que mentale, de Mark Irror revint au beau fixe. Il était métamorphosé et c'est un Schuman tout sourire qui annonça à son patient qu'il ne voyait pas l'intérêt de le garder plus longtemps dans son institut.
L'après-midi était bien avancé lorsque M. Irror franchit le portail de la clinique. Un sourire ardent illuminait son visage tandis que ses poumons se remplissaient d'air frais. Le soleil couchant conférait une teinte violacée à la cicatrice zébrant sa joue gauche.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
- Messages : 2383
Date d'inscription : 02/10/2013
Age : 57
Localisation : Sud-Est
Re: Reflets
Salut Blahom,
À moi la charge (ou l'honneur selon que l'on est plus ou moins angoissé) de commenter ton texte. Des trois publiés à ce jour, c'est sans doute celui que j'ai préféré. Comme souvent avec toi (mais c'est aussi le cas avec Trantor et Malossep), l'écriture est maîtrisée. Tu sais tenir ton lecteur en haleine sans abuser d'artifices. J'ai trouvé le coup de l'anagramme intéressant, mais pas nécessaire pour autant. Je veux dire que l'histoire aurait fonctionné également sans utiliser ce procédé qui, pour ajouter une touche intéressante à ton récit, dévoile également - consciemment ou pas - une partie de ton intrigue. J'ai cependant eu quelques problèmes parfois avec l'enchaînement des événements qui t'oblige à utiliser de courts paragraphes. Cela brise un peu le rythme de ton récit. En outre, ces paragraphes sont parfois introduits par des formules vagues comme "quelques jours plus tard" ou, ce qui m'a un peu sorti de ma lecture, "un jour".
J'ai en revanche beaucoup aimé la chute. Thème oblige, j'ai pensé à Mirror, le film d'Alexandre Aja sorti en 2008 avec Kieffer Sutherland dans le rôle principal. Bref, j'ai aimé cette histoire.
À moi la charge (ou l'honneur selon que l'on est plus ou moins angoissé) de commenter ton texte. Des trois publiés à ce jour, c'est sans doute celui que j'ai préféré. Comme souvent avec toi (mais c'est aussi le cas avec Trantor et Malossep), l'écriture est maîtrisée. Tu sais tenir ton lecteur en haleine sans abuser d'artifices. J'ai trouvé le coup de l'anagramme intéressant, mais pas nécessaire pour autant. Je veux dire que l'histoire aurait fonctionné également sans utiliser ce procédé qui, pour ajouter une touche intéressante à ton récit, dévoile également - consciemment ou pas - une partie de ton intrigue. J'ai cependant eu quelques problèmes parfois avec l'enchaînement des événements qui t'oblige à utiliser de courts paragraphes. Cela brise un peu le rythme de ton récit. En outre, ces paragraphes sont parfois introduits par des formules vagues comme "quelques jours plus tard" ou, ce qui m'a un peu sorti de ma lecture, "un jour".
J'ai en revanche beaucoup aimé la chute. Thème oblige, j'ai pensé à Mirror, le film d'Alexandre Aja sorti en 2008 avec Kieffer Sutherland dans le rôle principal. Bref, j'ai aimé cette histoire.
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
- Messages : 4040
Date d'inscription : 02/01/2012
Age : 50
Re: Reflets
Dans l'absolu, j'ai bien aimé, en revanche je me sens con : je ne suis pas sûr d'avoir compris la chute…
- Spoiler:
- Il s'est tailladé la joue, OK. Mais pourquoi ? Et comment ça a réglé le problème qu'il avait avec son double ? Est-ce parce qu'il verra l'autre avec une cicatrice aussi qu'il sera convaincu que ce n'est pas une autre personne ? Si l'autre était vraiment un autre, il pourrait très bien décider de s'entailler la joue aussi. Bon, elle serait située à gauche dans le reflet, donc sur la joue droite du double, mais un psychotique comme M. Irror s'attacherait-il à ce genre de détails ?
Sacripan- Écritoirien émasculé
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Date d'inscription : 03/10/2020
Age : 43
Re: Reflets
SILENCE a écrit:
À moi la charge (ou l'honneur selon que l'on est plus ou moins angoissé) de commenter ton texte.
Pour moi, c'est plutôt un honneur que de me voir gratifié d'un commentaire plutôt élogieux du grand Silence (les cinéphiles - en tout cas les amateurs de westerns italiens - auront saisi la référence). Cela signifie sans doute que tu es sur les rails. J'attends ta participation avec une certaine impatience.
Le jeu de mots auquel tu fais référence était certes superfétatoire, mais il avait le mérite de m'amuser. Je ne crois pas qu'il divulgâche la révélation finale.
Le recours aux courts paragraphes était difficile à éviter, vu le nombre limité de signes d'autant plus que, comme tu le sais, mes récits reposent toujours sur un découpage très précis et sur une chronologie très stricte.
Pour le reste, je dois avouer ma totale méconnaissance des films sortis ces dix (ou quinze) dernières années (à l'exception de quelques blockbusters). Je n'ai jamais vu le moindre film d'Aja. Par conséquent, je ne saurais développer ce sujet...
En tout cas, merci pour ce retour positif, Silence.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Date d'inscription : 02/10/2013
Age : 57
Localisation : Sud-Est
Re: Reflets
Sacripan, j'étais en train de répondre à Silence lorsque j'ai découvert ton message. La réponse à tes interrogations se trouve dans le spoiler. Si vous n'avez pas encore lu l'histoire, inutile de lire son contenu.
Sacripan, j'espère que mes explications ont clarifié les choses.
- Spoiler:
- Cette histoire contient un certain nombre de détails relevant de l'implicite. Irror ne s'est pas tailladé la joue volontairement. Il a été en proie à une violente crise et s'en est pris à des vitrines. Ce faisant, il s'est blessé aux mains et on devine que l'un des éclats lui a entaillé le visage. Comme il existe un lien entre Irror et son double, celui-ci porte lui aussi des traces de blessures. Or, il s'agit de son reflet. Par conséquent, ce qui se trouvait du côté droit se retrouve à gauche. Le fait que la personne libérée ait une cicatrice sur le côté gauche signifie qu'il ne s'agit pas de M. Irror, mais de son double. Autrement dit, Irror a été remplacé par celui qui vivait dans le miroir.
Sacripan, j'espère que mes explications ont clarifié les choses.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Age : 57
Localisation : Sud-Est
Re: Reflets
Merci pour ta réponse Blahom.
- Spoiler:
- Au temps pour moi : j’ai relu le texte et retrouvé la référence. On se doute que c’est l’autre qui a pris sa place, c’est d’ailleurs à ça que je m’attendais, mais la référence au côté de la balafre me semble un peu trop subtile.
Sacripan- Écritoirien émasculé
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Age : 43
Re: Reflets
Honnêtement, je craignais que cette référence ne soit pas si subtile que ça...
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Localisation : Sud-Est
Re: Reflets
Pourquoi “craignais” ?
Sacripan- Écritoirien émasculé
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Date d'inscription : 03/10/2020
Age : 43
Re: Reflets
Je redoutais que ce ne soit gros comme une maison. C'est la raison pour laquelle ton premier commentaire m'a surpris. Ma perception initiale n'était pas la bonne.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Localisation : Sud-Est
Re: Reflets
Après, c’est seulement un retour. Silence n’a pas du tout été perturbé par ça — je suis peut-être le seul pélo qui a pas suivi… Du coup, je suis curieux de savoir ce qu’en penseront les autres.
Sacripan- Écritoirien émasculé
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Date d'inscription : 03/10/2020
Age : 43
Re: Reflets
Nous verrons bien.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Localisation : Sud-Est
Re: Reflets
Personnellement j'ai trouvé la fin de ta nouvelle très claire Blahom. Du coup, c'est peut-être moi qui ai mal compris.
SILENCE- — — — Moine copiste — — — Disciple des Lois du Silence
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Date d'inscription : 02/01/2012
Age : 50
Re: Reflets
Sans doute...
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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Date d'inscription : 02/10/2013
Age : 57
Localisation : Sud-Est
Re: Reflets
Voilà encore un texte où je n'ai pas grand chose à dire.
L'histoire était limpide, tout a coulé et je me suis laissé embarquer. Faut dire que le style un peu old-school du récit est un truc qui marche assez bien sur moi.
Pour dire quelque chose, le terme "hécatombe" à un moment donné m'a fait pensé qu'effectivement notre héro en avait provoqué une, et le contexte allait en ce sens. Il m'a fallu quelques lignes pour réaliser que c'était une image.
Pour info, la fin m'a semblé limpide.
L'histoire était limpide, tout a coulé et je me suis laissé embarquer. Faut dire que le style un peu old-school du récit est un truc qui marche assez bien sur moi.
Pour dire quelque chose, le terme "hécatombe" à un moment donné m'a fait pensé qu'effectivement notre héro en avait provoqué une, et le contexte allait en ce sens. Il m'a fallu quelques lignes pour réaliser que c'était une image.
Pour info, la fin m'a semblé limpide.
Re: Reflets
Bien sûr, le mot "hécatombe" relève ici de l'hyperbole.
Si tu considères que la fin est limpide, c'est parfait. Cela tend à me rassurer.
Merci Trantor.
Blahom- —Adorateur du (mauvais) genre— Chuchoteur dans les ténèbres
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