PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
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Petit-Carmin
Phanthom
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PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
Charlie coulait des jours paisibles aux côtés de « manman » depuis trente ans déjà. Il se rappelait ses conseils en vue de réaliser sa pâtisserie préférée : un bon gros gâteau d'anniversaire au chocolat. Sa voix d'ancienne choriste résonnait dans le crâne en ogive de son fils − séquelles d'une extraction à la ventouse − assombri par les restes d'une touffe grasse et filandreuse. Molo sur le sucre. Avec son diabète...
Sa trente-et-unième bougie, il la soufflerait en sa compagnie, à l'heure du goûter. Afin de tuer les quinze minutes restantes, le vieux garçon s'affairait à dépoussiérer l'argenterie des grandes occasions, les assiettes de porcelaine et les verres en cristal. Puis, comme un éclair de génie, jaillit l'idée de rompre la monotonie de l'atmosphère en invitant Yvette Horner à la fête. Manman adore l'accordéon. Ça va lui faire plaisir.
Empaillé comme pas deux, et scoliosé pour ne rien arranger, son coude heurta la flûte qu'il avait à l'instant posée sur le rebord du buffet. Il s'infligea une violente claque sur la joue au son de l'explosion presque mélodieuse du cristal sur le plancher.
— Pardon, manman ! Laisse ! Je vais ramasser, beugla-t-il, paniqué. Gros naze !
La centenaire ne pipait mot, restait immobile. Par amour ou par dépit, difficile à dire. Le brave fiston se rua dans la cuisine et arracha du placard pelle et balayette. Une myriade d'éclats s'étaient logés sous le fauteuil roulant de sa mère, aussi dut-il la déplacer. Sans aide, impossible pour elle de se mobiliser. Rien d'étonnant vus son âge et son état général. Il l'installa à table.
Charlie ramassa méticuleusement la constellation de fragments pour éviter toute coupure, d'autant plus qu'il déambulait toujours pieds nus dans le cloaque familial. Surtout, faut pas que manman se fait mal. Le corps de la pauvre femme avait déjà souffert tant de maux, tant de blessures et tant d'opérations.
Le dadais jeta les débris à la poubelle, éteignit le four, et en ressortit, de ses mains cornées, le plat brûlant aux doux parfums de carbonisation. En guise de cache-misère, il rajouta du sucre-glace en surface. Beaucoup de sucre glace. Une avalanche de sucre-glace, avant de planter dans la croûte les deux chiffres en cire et de les allumer avec le Zippo gris métallique de son défunt père, orné d'un fessier de femme. Souvenir de la guerre. Il le conservait sans cesse dans la poche gauche de son pantalon. Jamais la droite. Le coucou carillona. Ça y est. J'vais souffler mes bougies. Oh la la. Manman va êt' fière. Comme Charlie se dirigeait vers le salon, le gâteau bringuebalait dangereusement et saupoudrait le sol de sa neige. Il le déposa devant les deux glaucomes de la vieillarde et donna de la voix.
— Api beur dé tou you, api beur dé tou you, Charlie, api beur dé tou you.
La chansonnette poussée, il postillonna sans plus attendre sur la pellicule pulvérulente qui s'envola sur les rides de son auditrice.
— Oups ! Pardon, manman, s'excusa-t-il en lui essuyant le visage de ses paluches de bûcheron. Attends ! Laisse ! J'vais couper le gâteau.
Le couteau dévia et divisa les parts avec une imprécision déconcertante. Manman aura une plus grosse part et pis c'est tout. Elle adore l'chocolat donc pas grave. Miam miam. Il remplit son assiette mais, enfant bien éduqué, attendit que sa mère entame son morceau la première. En vain.
— Tu veux que j't'aide ? Oui bien sûr, question stupide ! Attends !
Charlie saisit la cuillère de sa mère, la chargea d'un petit bout de chocolat grillé et l'amena vers sa bouche desséchée. Étique et grabataire à tel point qu'écarter les lèvres relevait de l'exploit, elle ne put que le laisser dégringoler sur son menton de sorcière.
— Quoi, t'aimes pas ? Il est pas bon le gâteau de Charlie ? brailla-t-il, après avoir bondi de sa chaise, furieux, la mine empourprée. I' fait jamais rien d'bien Charlie, on sait ! C'est qu'un gros naze, Charlie ! Merde ! Putain ! Chier ! C'est d'ta faute à toi ! Tu m'aimes pas ! Tu m'as jamais aimé ! Qu'une capote trouée comme i' disent tous ! Putain de merde !
Hors de contrôle, Charlie asséna une gifle si puissante à sa mère que sa tête décomposée quitta la table et atterrit dans la gamelle de Siflard, le teckel de la maison, couché dans son panier, garni d'asticots.
Sa trente-et-unième bougie, il la soufflerait en sa compagnie, à l'heure du goûter. Afin de tuer les quinze minutes restantes, le vieux garçon s'affairait à dépoussiérer l'argenterie des grandes occasions, les assiettes de porcelaine et les verres en cristal. Puis, comme un éclair de génie, jaillit l'idée de rompre la monotonie de l'atmosphère en invitant Yvette Horner à la fête. Manman adore l'accordéon. Ça va lui faire plaisir.
Empaillé comme pas deux, et scoliosé pour ne rien arranger, son coude heurta la flûte qu'il avait à l'instant posée sur le rebord du buffet. Il s'infligea une violente claque sur la joue au son de l'explosion presque mélodieuse du cristal sur le plancher.
— Pardon, manman ! Laisse ! Je vais ramasser, beugla-t-il, paniqué. Gros naze !
La centenaire ne pipait mot, restait immobile. Par amour ou par dépit, difficile à dire. Le brave fiston se rua dans la cuisine et arracha du placard pelle et balayette. Une myriade d'éclats s'étaient logés sous le fauteuil roulant de sa mère, aussi dut-il la déplacer. Sans aide, impossible pour elle de se mobiliser. Rien d'étonnant vus son âge et son état général. Il l'installa à table.
Charlie ramassa méticuleusement la constellation de fragments pour éviter toute coupure, d'autant plus qu'il déambulait toujours pieds nus dans le cloaque familial. Surtout, faut pas que manman se fait mal. Le corps de la pauvre femme avait déjà souffert tant de maux, tant de blessures et tant d'opérations.
Le dadais jeta les débris à la poubelle, éteignit le four, et en ressortit, de ses mains cornées, le plat brûlant aux doux parfums de carbonisation. En guise de cache-misère, il rajouta du sucre-glace en surface. Beaucoup de sucre glace. Une avalanche de sucre-glace, avant de planter dans la croûte les deux chiffres en cire et de les allumer avec le Zippo gris métallique de son défunt père, orné d'un fessier de femme. Souvenir de la guerre. Il le conservait sans cesse dans la poche gauche de son pantalon. Jamais la droite. Le coucou carillona. Ça y est. J'vais souffler mes bougies. Oh la la. Manman va êt' fière. Comme Charlie se dirigeait vers le salon, le gâteau bringuebalait dangereusement et saupoudrait le sol de sa neige. Il le déposa devant les deux glaucomes de la vieillarde et donna de la voix.
— Api beur dé tou you, api beur dé tou you, Charlie, api beur dé tou you.
La chansonnette poussée, il postillonna sans plus attendre sur la pellicule pulvérulente qui s'envola sur les rides de son auditrice.
— Oups ! Pardon, manman, s'excusa-t-il en lui essuyant le visage de ses paluches de bûcheron. Attends ! Laisse ! J'vais couper le gâteau.
Le couteau dévia et divisa les parts avec une imprécision déconcertante. Manman aura une plus grosse part et pis c'est tout. Elle adore l'chocolat donc pas grave. Miam miam. Il remplit son assiette mais, enfant bien éduqué, attendit que sa mère entame son morceau la première. En vain.
— Tu veux que j't'aide ? Oui bien sûr, question stupide ! Attends !
Charlie saisit la cuillère de sa mère, la chargea d'un petit bout de chocolat grillé et l'amena vers sa bouche desséchée. Étique et grabataire à tel point qu'écarter les lèvres relevait de l'exploit, elle ne put que le laisser dégringoler sur son menton de sorcière.
— Quoi, t'aimes pas ? Il est pas bon le gâteau de Charlie ? brailla-t-il, après avoir bondi de sa chaise, furieux, la mine empourprée. I' fait jamais rien d'bien Charlie, on sait ! C'est qu'un gros naze, Charlie ! Merde ! Putain ! Chier ! C'est d'ta faute à toi ! Tu m'aimes pas ! Tu m'as jamais aimé ! Qu'une capote trouée comme i' disent tous ! Putain de merde !
Hors de contrôle, Charlie asséna une gifle si puissante à sa mère que sa tête décomposée quitta la table et atterrit dans la gamelle de Siflard, le teckel de la maison, couché dans son panier, garni d'asticots.
Dernière édition par Phanthom le Sam 11 Mai 2019 - 12:57, édité 6 fois
Re: PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
Sadique ce Charlie, mais j'ai pas trouvé ça drôle, un peu loufoque et morbide mais pas drôle.
D'ailleurs, je trouve que la plume employée n'est pas top. À mon humble avis, le texte aurait été plus poignant avec une narration entièrement au présent. Le passé ne va pas à tous les types d'histoires et là je trouve que ta narration est comme précipité, tout comme le protagoniste pressé que sa morte mère mange ce gâteau.
Soit tu mets une narration à "je au présent" soit une narration "dieu" pour entrer dans les méandres torturés de Charlie.
Sinon on s'en que Charlie est fou, mais est je pense trop montré et cela ne prends plus, ça surfait le personnage et finalement le rends pas mystérieux, c'est comme de dire :
Charlie c'est un fou tout au long du texte : il aime sa mère au point de la garder morte et est très colérique au point de l'asséner de coups. Il n'y pas de but in fine si ce n'est de présenter de l'horreur simplement comme on pose un gâteau d'anniversaire.
Perso : je ne suis pas convaincu... désolé.
D'ailleurs, je trouve que la plume employée n'est pas top. À mon humble avis, le texte aurait été plus poignant avec une narration entièrement au présent. Le passé ne va pas à tous les types d'histoires et là je trouve que ta narration est comme précipité, tout comme le protagoniste pressé que sa morte mère mange ce gâteau.
Soit tu mets une narration à "je au présent" soit une narration "dieu" pour entrer dans les méandres torturés de Charlie.
Sinon on s'en que Charlie est fou, mais est je pense trop montré et cela ne prends plus, ça surfait le personnage et finalement le rends pas mystérieux, c'est comme de dire :
Charlie c'est un fou tout au long du texte : il aime sa mère au point de la garder morte et est très colérique au point de l'asséner de coups. Il n'y pas de but in fine si ce n'est de présenter de l'horreur simplement comme on pose un gâteau d'anniversaire.
Perso : je ne suis pas convaincu... désolé.
Petit-Carmin- ---Double-Posteur Frénétique--- Disciple du Grand Dess(e)in
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Localisation : Entre deux parcelles d'un vignoble
Re: PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
Texte complètement rénové
Re: PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
hey! Alors c'est mieux car on s'attend moins à ce qu'elle soit morte. En revanche, cette phrase particulièrement : "Charlie asséna une gifle si puissante à sa mère que sa tête quitta la table " tu as retiré le "en état de décomposition avancée" et là du coup on peut se demander si elle était vraiment morte... Perso j'aurai laissé "en décomposition" . ^^ Mais c'est subjectif.
Mélodie Or- -Fée des chants stellaires- -Disciple du Gardien des rêves-
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Localisation : Dordogne
Re: PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
Je n'ai pas lu la 1e version, mais en ce qui me concerne, j'ai trouvé ce petit texte très chouette. Une petite tranche de vie macabre à souhait, même si pas follement originale en soi (on se doute assez rapidement qu'il manque une case au protagoniste et la "révélation" de la mère morte arrive un peu avec des gros sabots). A ce sujet, je suis assez d'accord avec la remarque de Mélodie : sur le moment, j'ai été un peu surpris, car la formulation de cette phrase peut prêter à confusion, alors que l'on pensait avoir bien compris la situation.
Hormis cette petite broutille, c'est plutôt bien fait et sans prise de tête : je valide !
Hormis cette petite broutille, c'est plutôt bien fait et sans prise de tête : je valide !
Tak- Mélomane des Ondes Noires
Disciple des Livres de Sang - Messages : 6299
Date d'inscription : 01/12/2012
Age : 42
Localisation : Briançon, Hautes-Alpes
Re: PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
J'ai beaucoup aimé. Tu donnes vie à ce couple étrange et même si on sent venir la chute, ton histoire a une épaisseur.
Re: PETITES HISTOIRES D'OUTRE-CRYPTE : 1 - L'anniversaire de Charlie (V.2 ~ 4260 SEC)
Je rejoins Tak et Hellaz : une bonne tranche de vie (ou plutôt de mort), une folie bien "incarnée" et une ambiance sordide pour une lecture rapide et plaisante.
Alors oui, depuis Norman Bates, c'est difficile (voire impossible) de surprendre avec ce type d'histoire, mais je pense que ça n'a jamais été le but de toute façon. Peu importe qu'on sente la chute arriver, ça n'empêche pas le plaisir de la lecture. Et la phrase finale est très bonne à ce sujet.
Alors oui, depuis Norman Bates, c'est difficile (voire impossible) de surprendre avec ce type d'histoire, mais je pense que ça n'a jamais été le but de toute façon. Peu importe qu'on sente la chute arriver, ça n'empêche pas le plaisir de la lecture. Et la phrase finale est très bonne à ce sujet.
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