Sans-titre 3 (les titres, c'est surfait)

Je suis redevenu passager.
Je me laisse glisser dans l’estomac des serpents souterrains, les yeux enfoncés dans les sillons infinis.
Quand je retrouve l’air libre, j’ai la sensation qu’il manque quelque chose à ces lueurs automnales. Alors je les regarde agoniser, chaque jour un peu plus tôt, pendant que Morrissey prétend que certaines ne s’éteignent jamais.
Il a raison, tu sais ; certaines flammes ne meurent pas. Et ces flambeaux éternels crachent des ombres qui me talonnent inlassablement.

Tandis que le vent d’octobre me renvoie mon haleine maltée au visage, je fredonne au son d’Iggy qui chante et de Bowie qui fait les choeurs.
Par la fenêtre ouverte, je contemple la ville obscure et ses allées aveuglantes, la civilisation renversée, les couleurs qui dégueulent sur les trottoirs et les soulards qui colorent le caniveau.
Je hoche la tête quand tu m’offres une cigarette et je te laisse prendre le volant dans les rues désertes.

Les lampadaires se dressent en haie d’honneur autour de nous pendant que que Knopfler nous parle d’amour. Toi aussi, tu en parles beaucoup, tu sais ? Comme je le faisais il n’y a pas si longtemps, quand je croyais avoir enfin échappé à mon petit enfer personnel. J’étais persuadé d’avoir mon propre bolide, une bécane au chrome flamboyant que je conduisais avec fureur pour distancer les ténèbres.
Force est de constater que je suis un bien mauvais pilote et qu’il faudra que je me contente de faire du stop encore quelques temps.

Je ne suis qu’un simple fraudeur.
Juste une étoile un peu terne qui t’accompagne pour un bout de chemin mais tu sais très bien que je filerais, demain dès l’aube, à l'heure ou blanchit le ciel pollué, peut-être même sans un dernier sourire.
Peut-être qu’un jour, à force de jouer avec le feu, je finirais à l’ombre. Mais ce soir c’est ton corps céleste dans lequel je veux qu’on m’enferme, c’est à tes bras et à tes cheveux nébuleux auxquels je veux qu’on m’attache.

Parfois tu me dis que j’ai quelque chose de solaire mais les miroirs ne me renvoient que des images monochromes, des jeux de lumière aux règles obscures.
Pendant ce temps-là, je tâtonne, à la recherche d’un sens ou de cet astre que vous semblez toutes voir luire dans mes yeux décolorés.
Jusqu’à ce que la lassitude me prenne et que je m’effondre sous le coup d’une poignée de pilules, une braise mourante aux lèvres.
Alors mon étoile filante s'éteint quelques heures, emportant tous mes démons au loin, pendant que les nocturnes de mon ami polonais me mènent vers des songes vides et des espaces sans lumière.

Quand l’aube aveuglera mon visage barbu, je retrouverai cette lueur que je vois chaque jour un peu plus vacillante que la veille.
Jusqu’au jour où ces dragées et ces tiges mortelles me feront passager d’un fourgon noir, pour un ultime voyage vers une voûte terrestre et une dalle glacée.
Alors, pas après pas, au rythme de cette marche funèbre que je poursuis, nuit après nuit, je trouverais peut-être ce que j’ai toujours espéré sans jamais vraiment le chercher.