Mortel virage

Toujours la même histoire. Les reproches pleuvent en termes grossiers. Il va bientôt passer aux actes. Violence et sadisme. Personne ne s'en douterait. C'est en apparence un homme courtois et bien élevé. Il cache sa vraie nature. Le piège total. Mais cette fois-ci, elle a tout prévu.

Quelques heures plus tard, à la tombée de la nuit elle gare la vieille Chevrolet devant un motel. L’enseigne clignote, comme dans les films de série B. Elle saisit  une mallette posée à même le sol et s’avance vers la réception. Tout est silencieux. Personne à l’accueil. Elle sonne à plusieurs reprises. Un pas traînant se fait entendre. Un homme, hirsute au faciès peu engageant, grommèle à son intention quelques onomatopées disgracieuses. Elle demande une chambre. Elle se sent au bord de l’épuisement. Demain sera un autre jour.

Lorsqu’elle ouvre la porte de la chambre, l’odeur poussiéreuse la prend à la gorge.  Elle bute sur la moquette décollée par endroit. Son regard se pose sur une large tache rougeâtre maculant le sol. Un  tapis ayant connu des jours meilleurs en dissimule une partie.

Un spasme nerveux lui coupe la respiration.. La sensation d’avoir déjà vu cette image la perturbe. Puis  s’installe le flou, l’impression d’être ailleurs. L’angoisse viscérale la tenaille sans qu’elle puisse en identifier la source. Le malaise persiste.

Elle passe une tête dans le réduit nauséabond supposé être une salle de bains. Elle utilise avec dégoût l’antique toilette entartrée. La chasse d’eau est hors d’usage. Elle cherche un broc ou une cuvette. Rien de tel en ces lieux. Ses pieds gonflés la font souffrir. Elle balance ses ballerines dans un coin où gisent quelques serviettes douteuses. Puis c’est le tour de ses vêtements froissés dont les tâches pourpres imitent vaguement une constellation de la voute céleste.  La pomme de la douche éructe et libère un filet de liquide terreux qui se tarit en un sinistre gargouillis. Avec un soupir exaspéré, elle renonce aux bienfaits d’une douche tiède et apaisante.

Avant d’éteindre la lumière, elle vérifie si tout est bien en place dans la mallette et si elle n’a rien oublié. Malgré cela, une inquiétude profonde lui serre la poitrine. Assoiffée et déprimée, elle s’allonge sur le lit défoncé. Le néon blafard de l’enseigne éclaire la chambre en discontinu. Cela dessine des ombres fantasmagoriques sur les murs. Elle finit par s’endormir. De mauvais rêves se succèdent jusqu’au petit matin. La hantise de voir le visage honni avec son sourire cruel et faux, d'entendre la voix mielleuse l'appeler et ressentir cette chute sans fin dans le vide abyssal d'une crevasse pour échapper à son poursuivant, lui donne la force de trouver le chemin. Mettre des kilomètres entre elle et lui. C'est vital !

Elle est prête dès 7 H et s’octroie un solide breakfast. Elle ne sait pas quand ni à quelle heure elle pourra à nouveau s’offrir à manger. Pour l’instant, elle serre contre elle le précieux bagage. Ses mains sont moites. Ses yeux furètent partout tandis qu’elle prend un plateau où traînent des miettes de pain. Elle fait la moue, en choisit un autre tout aussi malpropre.
 
Elle remarque alors un homme qui lit le journal de A à Z.                                                                                                                                                   Un gros titre l’interpelle. En lettres capitales. L’article détaillant une affaire de meurtre figure à la une. Un voile noir occulte sa vision. Elle a un vertige et se retient au comptoir. Elle ne se souvient de rien et pourtant elle se sent coupable. Elle paie en baissant la tête. Peut-être sont-ils lancés à sa recherche ? Mais c’est sûrement son imagination qui lui joue des tours…

En ouvrant la portière, elle a une nausée. Une odeur bizarre stagne dans l’habitacle. Elle a mal au cœur. A moins que ce salaud ne l’ait mise enceinte ? Il en est bien capable se dit-elle avec dégoût. En tout état de cause, l’air sent mauvais à tous les niveaux. Elle doit déguerpir et vite ! Le moteur tousse un peu. Elle appuie sur l’accélérateur et démarre en trombe.

Un coup d’œil dans le rétroviseur lui montre un attroupement. Des hommes désœuvrés pour la plupart. Ils ont tous l’air intrigué. La voiture semble les intéresser. Quelque chose doit clocher, elle ignore quoi. Mieux vaut ne pas s’attarder. Le coffre est mal fermé peut-être. Mais il est vide ! A moins que ... Elle sent confusément que ça pourrait tourner mal pour elle et prend le virage à toute allure. Légèrement déportée au milieu de la chaussée, elle ne peut éviter le camion qui arrive en face.

Le choc est phénoménal. Elle est propulsée dans un espace nébuleux. Sa vie lui échappe. Elle essaie de la retenir mais elle lui file entre les doigts. Dans un ultime sursaut, elle entend les sirènes des véhicules de police se rapprocher. Mais il est trop tard. Elle s'en va ailleurs, loin, si loin.

Je commence par les petits défauts :
- Pourquoi écrire les 2 premières phrases au passé alors que tout le reste est au présent ?
- Comment peut-elle rire, à la fin, quand quelques lignes plus tôt, tu dis qu'elle sent la vie lui échapper ?
- L'histoire me parait un peu confuse. On comprend bien qu'elle a buté un type et s'enfuit. Mais pourquoi l'a-t-elle tué ? J'ai, tout le long, pensé à un mari abusif et plutôt louche : "Il allait bientôt passer aux actes", "A moins que ce salaud ne l’ait mise enceinte ? Il en est bien capable". Donc meurtre par légitime défense anticipée (oui, j'invente le terme) ; il va la tuer, elle le devance. Mais à la fin, la valise d'argent renvoie à un meurtre prémédité pour se tiré avec l'argent.
- Qu'est-ce que les types voient d'étrange sur la voiture de l'héroïne à la fin ? J'ai pas bien saisi, à moins que ça soit l'héroïne et pas la voiture qu'ils regardent.
- Pas spécialement un défaut, mais je comprends pas le titre non plus.

Les bons côtés maintenant :
- Déjà l'ambiance déglinguée, poisseuse. Tout est blasant, crade, foireux. C'est très bien fait.
- L'argent, l'hôtel miteux, et la mort soudaine qui sort de nulle part m'a rappelé "Psychose". Ce qui est forcément une bonne chose.
- Côté angoisse, c'est aussi très bien fait. On sent que l'héroïne se sent foutue, sans issue de secours.
- J'ai l'impression que t'as utilisé un style plus rapide et bref pour cette histoire, des phrases plus courtes. Ça contribue bien à l'ambiance générale.

En bref, pas l'histoire parfaite à mes yeux mais y a pas mal de progrès !

Merci Murphy

Je dois dire que tu m'as convaincue
j'ai modifié
voir le texte précédent
amitiés

Une bonne histoire   mais comme le remarque Murphy c'est confus : soit elle ne pouvait pas faire autrement que le tuer (soit l'homme du début), soit elle le tue pour l'argent, il faut choisir sinon on se fait une fausse image de la fille et c'est dommage car l'ambiance est bien rendue.

ok Françoise
Mais elle est sous le choc et ne se rappelle de rien. A-t-elle tué ? A-t-elle fui seulement avec la mallette ? A-t-elle un cadavre dans le coffre ou non ? Elle s'enfuit en se sentant coupable. De quoi, elle ne le sait pas vraiment. Ce qu'elle sait, c'est qu'elle veut fuir à tout prix.
En fait j'ai lancé des pistes et laissé sciemment le doute dans l'esprit du lecteur.
Perso, je crois qu'elle s'est enfuie avec le magot suite à une scène très violente. Peut-être qu'un cambrioleur a surgi au moment où elle s'échappait de l'enfer ? Qui sait ? Elle est un personnage trouble dans une atmosphère glauque. Néanmoins je vais mettre une piste moins tortueuse dans le texte.
Merci pour ta lecture et ton com

Bonjour Anouk,
Ce texte est un peu déstabilisant et je ne suis pas sur d'avoir compris les tenants et aboutissants. En fait, je suis même sur de ne pas les avoir compris.
L'atmosphère rendue est en tous cas nauséeuse à souhait, ce que tu as souhaité.
Je ne sais que dire d'autre car j'ai toujours du mal avec les textes alambiqués, mais je te remercie de l'avoir proposé à la lecture.

Je pensais pas que tu remanierais le tout si vite. En tout cas, je préfère cette nouvelle version. Et le nouveau titre, qui colle bien mieux au texte.

Plus d'argent, juste un meurtre prémédité et en partie oublié. Ça donne une ambiance assez spéciale, qui s'ajoute au côté "crasseux" de l'endroit que t'as su conservé. Et c'est aussi du coup plus compréhensible que la première version.
Bon, je suis pas meilleur juge, comme j'avais déjà la 1ere version et tes explications en tête avant de lire la nouvelle version. Mais je trouve quand même que c'est nettement mieux sur tous les points que j'avais soulevé dans mon premier message.

Bravo en tout cas, je remarque tu t'es toujours rapide à prendre en compte les commentaires et à retaper tes textes en conséquence. T'as pas peur de tout reprendre et de changer une grande partie, et j'admire ça.   

merci Murphy
j'ajoute que tes remarques sont souvent justes !
Je corrige rapidement et reconnais mes défauts en toute modestie. Faire lire son texte est un avantage important. L'auteur est dans son texte à fond. Aussi il perçoit les choses différemment. C'est pourquoi il est précieux d'avoir des lecteurs avisés !
merci encore

Mormir
alambiqué mon texte ! J'ai pourtant fait des phrases simples et courtes.
Le fond de l'histoire est l'état psychologique de mon personnage en butte à de la violence conjugale. Elle s'échappe avec une mallette qui représente à ses yeux un passeport pour l'oubli. On ne sait pas ce qu'elle contient. De même elle ne sait plus si elle est l'auteure du crime annoncé à la une dans le journal. Elle pense que peut-être c'est elle qui a tué. Mais elle souffre d'un état de choc qui lui a ôté la mémoire en fait une amnésie partielle.
Elle va vers une fin tragique e mourant de peur à 'l'idée qu'elle ait pu commettre u n crime.
voilà le fond de mon sujet. j'ai laissé des pistes ouvertes pour l'ambiguïté de la situation et me suis attardée sur les détails sordides du motel. Ambiance !

Merci Anouk. J'espère ne pas t'avoir blessée. Ton texte est sympa, mais peut-être est-ce moi qui avais les neurones en piètre état hier soir au moment où je l'ai lu. Le fait est que sur le moment, trop d'hypothèses me sont venues en tête sans que je parvienne à bien comprendre le fil. Là ça va mieux ! Enfin j'espère

OK Je ne suis pas imbue de moi même et accepte les critiques. C'est le but des post !

Moi j'ai adoré comme tout tes textes Anouk que j'ai lus.
L'ambiance détaillé, typiquement polar est un pur regal .
J'ai compris a ma façon, elle a mit une bastos au type et m'as mit dans une malle et cherche a se tirer.
Du vrai, court et bon polar californien, j'ignore pourquoi j'ai pensé a Bukowski.

Bukowski !!! l'ambiance USA petite ville perdue dans l'immensité californienne. Le désert n'est jamais loin. On y rencontre des épaves de toute sorte et les motels sont lugubres...
Le crime est suggéré mais peut-être a-t-il été commis par une autre personne. Coïncidence ? Le coffre de la voiture contient peut-être quelque chose de pourri mais cela induit aussi un cadavre.
J'ai insisté sur le sentiment de culpabilité. Mais psychiquement mon héroïne est privée de la mémoire immédiate. C'est l'amnésie provoquée par une situation de stress intense. Le doute plane. Ton analyse est possible. Comme celle d'un crime impuni commis par un autre. Seule certitude : la mort dans le virage.
Merci Malbordus
question : que signifie ton pseudo ?

Malbordus c'est une latinisation, je sais pas si ont va me confirmer mais ça pourrait vouloir dire "mauvais penchants" un truc du genre...
Je sais pas pourquoi j'aime tout ce que tu écrit Anouk, tes polars me regalent !
Et a chaque fois que je te lis comme pour le concours tu m'inspire une idée, c'est dingue ça !
Je crois que je prefere le polar d'ambiance que le fantastique désormais...
Je vais en lire d'autres de toi aujourd'hui...

ah alors c'est super ! très rare en effet ! Il est plus agréable de plaire littérairement que de déplaire. Je trouve que tu n'as pas de mauvais penchants Malbordus !
Un récit très clinique de la vie relationnelle dans le milieu de l'espionnage. J'ai créé un univers très particulier. Là aussi l'héroïne va vers son destin. Cela s'appelle Abîmes. Je regarde si je l'ai mis dans les rubriques et sinon je la mets...
Bonne lecture !
sinon je suis sur AMAZON en tant qu'auteur sous mon nom Anne STIEN.

PS Tu trouveras Abîmes, Emplacement 32, Schizo, dans la rubrique polar et L'émissaire dans la SF (je crois)