Justine Niogret
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Justine Niogret
Justine Niogret. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, il mériterait d’être davantage connu. Car Justine Niogret envoie du pâté, c’est moi qui vous le dis !
Justine Niogret sévit depuis plusieurs années dans le petit monde des littératures de l’imaginaire. Auteur de diverses nouvelles publiées qui dans les anthologies Ténèbres, qui dans des anthologies des éditions Mnémos, Chemins & Traverses ou l’Oxymore, mais également d’un recueil – Et toujours, le bruit de l’orage… – aux éditions du Calepin jaune, la dame ne se limite cependant pas au format court. Eh oui ! car, si l’auteur est un tant soit peu connue, c’est surtout pour ses romans. Chien du heaume, publié en 2009 aux éditions Mnémos, tapait fort. On y découvrait un Moyen-Âge bien loin de ce que l’on peut lire dans les livres d’histoire. Un Moyen-Âge à mi-chemin entre le rêve et une réalité dure comme le fer qui s’enfonce dans les chairs. C’est donc tout naturellement qu’elle enchaîne en 2011 avec une suite, Mordre le bouclier, qui poursuit les aventures de Chien dans un monde qui meurt pour mieux laisser en naître un autre. En 2013, elle enfonce le clou à grands coups de marteau avec Mordred (Mnémos), Gueule de truie (Critic) et Cœurs de rouille (Le Pré-aux-Clercs).
Alors, Justine Niogret, qu’a-t-elle de particulier ? Tout d’abord, un style unique, qu’on reconnaîtrait entre mille. Elle alterne ton haché et écriture déliée, le tout enrobé d’images fortes, qui frappent par leur nature souvent bestiale, brutale. C’est une écriture de contraste : on est tantôt emporté par sa fluidité, tantôt tenu à distance par les coups de hache des phrases courtes. Et, parfois, les deux s’allient ; on a alors envie de lire à voix haute pour mieux savourer la poésie du texte, et on le fait.
Un petit extrait ?
« Je suis mercenaire, et je crois que le métier des armes n’a qu’un but : survivre. Que ce soit aux coups ou au temps. Je n’ai plus de famille, je l’ai perdue avec mon nom ; qui me pleurera lorsque je serai passée ? Je ne survivrai ni dans le regard ni dans les rêves de ceux que je laisse derrière moi ; je suis seule. Alors ne me reste que la chanson des armes et du fer pour me faire entendre. Mais comment raconter mes faits d’armes et mes combats, si je n’ai pas un nom à poser en souvenance de ma vie ? La survie par les histoires, c’est le seul nerf de celui qui tient une épée, belle dame ; il n’y en a pas d’autre. Vivre encore après son trépas, tout auréolé de gloire et de furie. Qui serait assez fol pour s’en aller se faire trouer la panse si personne, une fois qu’il sera mort, ne composait sa chanson ? »
Justine Niogret sévit depuis plusieurs années dans le petit monde des littératures de l’imaginaire. Auteur de diverses nouvelles publiées qui dans les anthologies Ténèbres, qui dans des anthologies des éditions Mnémos, Chemins & Traverses ou l’Oxymore, mais également d’un recueil – Et toujours, le bruit de l’orage… – aux éditions du Calepin jaune, la dame ne se limite cependant pas au format court. Eh oui ! car, si l’auteur est un tant soit peu connue, c’est surtout pour ses romans. Chien du heaume, publié en 2009 aux éditions Mnémos, tapait fort. On y découvrait un Moyen-Âge bien loin de ce que l’on peut lire dans les livres d’histoire. Un Moyen-Âge à mi-chemin entre le rêve et une réalité dure comme le fer qui s’enfonce dans les chairs. C’est donc tout naturellement qu’elle enchaîne en 2011 avec une suite, Mordre le bouclier, qui poursuit les aventures de Chien dans un monde qui meurt pour mieux laisser en naître un autre. En 2013, elle enfonce le clou à grands coups de marteau avec Mordred (Mnémos), Gueule de truie (Critic) et Cœurs de rouille (Le Pré-aux-Clercs).
Alors, Justine Niogret, qu’a-t-elle de particulier ? Tout d’abord, un style unique, qu’on reconnaîtrait entre mille. Elle alterne ton haché et écriture déliée, le tout enrobé d’images fortes, qui frappent par leur nature souvent bestiale, brutale. C’est une écriture de contraste : on est tantôt emporté par sa fluidité, tantôt tenu à distance par les coups de hache des phrases courtes. Et, parfois, les deux s’allient ; on a alors envie de lire à voix haute pour mieux savourer la poésie du texte, et on le fait.
Un petit extrait ?
« Je suis mercenaire, et je crois que le métier des armes n’a qu’un but : survivre. Que ce soit aux coups ou au temps. Je n’ai plus de famille, je l’ai perdue avec mon nom ; qui me pleurera lorsque je serai passée ? Je ne survivrai ni dans le regard ni dans les rêves de ceux que je laisse derrière moi ; je suis seule. Alors ne me reste que la chanson des armes et du fer pour me faire entendre. Mais comment raconter mes faits d’armes et mes combats, si je n’ai pas un nom à poser en souvenance de ma vie ? La survie par les histoires, c’est le seul nerf de celui qui tient une épée, belle dame ; il n’y en a pas d’autre. Vivre encore après son trépas, tout auréolé de gloire et de furie. Qui serait assez fol pour s’en aller se faire trouer la panse si personne, une fois qu’il sera mort, ne composait sa chanson ? »
Justine Niogret, Chien du heaume, J’ai lu, p. 37
Naëlle- — — Madone des Ombres — — Disciple de la Discipline
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Re: Justine Niogret
En fait, de Justine Niogret, je me souviens surtout de sa nouvelle Un Chant d’Été, dans le Hors-Série spécial "Fées" de la revue Emblèmes, aux Editions de l'Oxymore, en 2004. J'avais admiré le style et la construction de cette histoire relativement simple.
J'ai lu d'autres nouvelles d'elle par la suite, mais pas ses romans.
J'ai lu d'autres nouvelles d'elle par la suite, mais pas ses romans.
Re: Justine Niogret
N'étant pas assez neutre pour vous donner d'emblée mon opinion au sujet des écrits de cette jeune femme (j'ai la chance d'être un de ses bêta-lecteurs depuis l'été dernier), je vais me contenter dans un premier temps de vous transmettre des éléments purement informatifs.
Chien du heaume et Mordre le bouclier, épuisés en grand format (mais dispos en poche grâce à J'ai Lu), vont ressortir le 6 mars prochain chez Mnémos dans un seul volume de 387 pages.
Après une année 2013 riche de trois nouveautés, Justine développe désormais un roman intitulé Secutor situé dans la Rome antique, plus précisément dans l'univers des gladiateurs.
La première partie est désormais finalisée, et j'attends la suite comme un drogué en manque.
Voici un lien vers une interview vidéo de la demoiselle réalisée en fin d'année dernière:
http://www.fnac.com/Mordred-Justine-Niogret-l-interview-video/cp22430/w-4
Et un autre qui vous mènera à la chronique que je viens d'écrire la concernant dans le 28ème et dernier numéro en date du fanzine La Tête En l'Ere:
http://www.phenomenej.fr/news/la_tete_en/la-tete-en-l-ere?sid=5361kq3sfbabsmg791btreqju6
Enfin, si l'un(e) d'entre vous parvient à trouver un exemplaire de son rarissime recueil de nouvelles Et toujours, le bruit de l'orage, paru chez Le Calepin Jaune en 2008, sachez que je me tiens prêt à casser ma tirelire pour l'obtenir. A bon entendeur...
Chien du heaume et Mordre le bouclier, épuisés en grand format (mais dispos en poche grâce à J'ai Lu), vont ressortir le 6 mars prochain chez Mnémos dans un seul volume de 387 pages.
Après une année 2013 riche de trois nouveautés, Justine développe désormais un roman intitulé Secutor situé dans la Rome antique, plus précisément dans l'univers des gladiateurs.
La première partie est désormais finalisée, et j'attends la suite comme un drogué en manque.
Voici un lien vers une interview vidéo de la demoiselle réalisée en fin d'année dernière:
http://www.fnac.com/Mordred-Justine-Niogret-l-interview-video/cp22430/w-4
Et un autre qui vous mènera à la chronique que je viens d'écrire la concernant dans le 28ème et dernier numéro en date du fanzine La Tête En l'Ere:
http://www.phenomenej.fr/news/la_tete_en/la-tete-en-l-ere?sid=5361kq3sfbabsmg791btreqju6
Enfin, si l'un(e) d'entre vous parvient à trouver un exemplaire de son rarissime recueil de nouvelles Et toujours, le bruit de l'orage, paru chez Le Calepin Jaune en 2008, sachez que je me tiens prêt à casser ma tirelire pour l'obtenir. A bon entendeur...
Re: Justine Niogret
J'ai pas mal entendu parler de chien du Heaume, qui me tentait beaucoup. Malheureusement, je n'ai toujours pas eu l'occasion de le tester. Un jour, peut-être... ( J'espère. )
Invité- Invité
Re: Justine Niogret
Léonox a écrit:
http://www.phenomenej.fr/news/la_tete_en/la-tete-en-l-ere?sid=5361kq3sfbabsmg791btreqju6
Enfin, si l'un(e) d'entre vous parvient à trouver un exemplaire de son rarissime recueil de nouvelles Et toujours, le bruit de l'orage, paru chez Le Calepin Jaune en 2008, sachez que je me tiens prêt à casser ma tirelire pour l'obtenir. A bon entendeur...
désolé, je ne le possède pas. Sinon je te l'aurais offert avec grand plaisir.
Re: Justine Niogret
Les éditions du Calepin Jaune ont fermés leurs portes quasiment après les avoir ouvertes ! Je possède d'eux le recueil Fovéa de Léa Silhol et le roman érotico-fantastique Corset et Crinolines de Cyprien Bouton (mdr le pseudo!)
Re: Justine Niogret
Truc: franchement, laisse-toi tenter, je suis persuadé que tu ne le regretteras pas.
Ne serait-ce qu'en termes de style, Justine n'a aucun équivalent en France actuellement.
Zaroff: ta générosité t'honore, mais crois-moi, si tu possédais Et toujours, le bruit de l'orage, tu n'aurais aucune envie de t'en séparer, et le chérirais comme la prunelle de tes yeux.
Paladin: il est vrai que je n'ai découvert l'éphémère existence de cet éditeur que récemment.
Sa disparition quasi-immédiate explique d'ailleurs la rareté du recueil en question.
En résumé, je pense que si je devais m'en tenir à la lecture de deux auteurs français en activité, Justine serait l'un d'eux. L'autre serait Christophe Siébert. Mais ne leur répétez pas.
Ne serait-ce qu'en termes de style, Justine n'a aucun équivalent en France actuellement.
Zaroff: ta générosité t'honore, mais crois-moi, si tu possédais Et toujours, le bruit de l'orage, tu n'aurais aucune envie de t'en séparer, et le chérirais comme la prunelle de tes yeux.
Paladin: il est vrai que je n'ai découvert l'éphémère existence de cet éditeur que récemment.
Sa disparition quasi-immédiate explique d'ailleurs la rareté du recueil en question.
En résumé, je pense que si je devais m'en tenir à la lecture de deux auteurs français en activité, Justine serait l'un d'eux. L'autre serait Christophe Siébert. Mais ne leur répétez pas.
Re: Justine Niogret
J'ai terminé Cœurs de rouille, alors hop hop hop, je donne mon humble avis.
Je suis déçue. On sent qu'elle a essayé de faire un truc qui prend aux tripes, mais on dirait qu'elle a pas réussi à s'investir suffisamment. Y a des tentatives, mais ça fonctionne pas. Au final, la lecture est assez laborieuse. Et je dois avouer que l'histoire me passionne pas des masses. Ça cause d'automates, et j'aime bien ça, les automates, mais c'est aussi une course-poursuite, et ça, j'aime pas. Parallèlement, c'est très descriptif. Ça m'aurait pas gênée s'il n'y avait pas eu que ça. Sauf que là, c'est le cas: chaque fois que les personnages changent d'endroit (et c'est souvent, puisqu'ils sont poursuivis), on s'arrête pour décrire longuement ce qu'ils découvrent. Résultat, ça m'ennuie un peu et j'ai du mal à imaginer le décor, ce qui m'aide encore moins à entrer dans l'histoire (cercle vicieux...).
En fait, j'ai l'impression que l'auteur a eu du mal à visualiser le monde décrit, qu'elle gérait pas assez le truc, et au final ça se ressent cruellement à la lecture.
Quant à la fin, elle est décevante aussi, parce qu'on a l'impression que l'auteur savait pas comment terminer.
En bref, j'ai pas saisi où l'auteur voulait en venir.
Mais c'est pas grave, j'ai Mordred en stock.
Je suis déçue. On sent qu'elle a essayé de faire un truc qui prend aux tripes, mais on dirait qu'elle a pas réussi à s'investir suffisamment. Y a des tentatives, mais ça fonctionne pas. Au final, la lecture est assez laborieuse. Et je dois avouer que l'histoire me passionne pas des masses. Ça cause d'automates, et j'aime bien ça, les automates, mais c'est aussi une course-poursuite, et ça, j'aime pas. Parallèlement, c'est très descriptif. Ça m'aurait pas gênée s'il n'y avait pas eu que ça. Sauf que là, c'est le cas: chaque fois que les personnages changent d'endroit (et c'est souvent, puisqu'ils sont poursuivis), on s'arrête pour décrire longuement ce qu'ils découvrent. Résultat, ça m'ennuie un peu et j'ai du mal à imaginer le décor, ce qui m'aide encore moins à entrer dans l'histoire (cercle vicieux...).
En fait, j'ai l'impression que l'auteur a eu du mal à visualiser le monde décrit, qu'elle gérait pas assez le truc, et au final ça se ressent cruellement à la lecture.
Quant à la fin, elle est décevante aussi, parce qu'on a l'impression que l'auteur savait pas comment terminer.
En bref, j'ai pas saisi où l'auteur voulait en venir.
Mais c'est pas grave, j'ai Mordred en stock.
Naëlle- — — Madone des Ombres — — Disciple de la Discipline
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Re: Justine Niogret
Bon, double post, mais il s'est écoulé pas loin d'un an entre les deux, alors vous me pardonnerez.
J'ai terminé Gueule de Truie. Eh bien je confirme ce que je disais dans les lectures en cours: c'est de la balle. Vraiment, je trouve que l'auteur atteint ici le sommet de son art (enfin, j'espère qu'elle le dépassera ensuite, parce qu'elle a encore une longue carrière d'écrivaine devant elle). Les romans de Justine Niogret, c'est quasiment tout le temps de l'introspection, et c'est très dur d'en faire sans lasser le lecteur. Ben là, dans Gueule de Truie, ça coule tout seul! Non, vraiment, l'auteur a grave géré.
J'avais eu un peu de mal avec Mordred, parce que le personnage passe la plus grande partie du livre à dormir/cauchemarder/penser sur son lit. Rien à dire sur le fond, mais sur la forme, au bout d'un moment, j'ai trouvé ça redondant. Enfin bon, je dis ça, mais c'est pas un livre nul, hein, loin de là: l'auteur livre une version originale de la relation entre Mordred et le roi Arthur. Bref, pour revenir à Gueule de Truie: c'est très bien, foncez.
Pour conclure, je crois bien avoir lu tous les romans parus de la dame, et j'ai terminé par the best!
J'ai terminé Gueule de Truie. Eh bien je confirme ce que je disais dans les lectures en cours: c'est de la balle. Vraiment, je trouve que l'auteur atteint ici le sommet de son art (enfin, j'espère qu'elle le dépassera ensuite, parce qu'elle a encore une longue carrière d'écrivaine devant elle). Les romans de Justine Niogret, c'est quasiment tout le temps de l'introspection, et c'est très dur d'en faire sans lasser le lecteur. Ben là, dans Gueule de Truie, ça coule tout seul! Non, vraiment, l'auteur a grave géré.
J'avais eu un peu de mal avec Mordred, parce que le personnage passe la plus grande partie du livre à dormir/cauchemarder/penser sur son lit. Rien à dire sur le fond, mais sur la forme, au bout d'un moment, j'ai trouvé ça redondant. Enfin bon, je dis ça, mais c'est pas un livre nul, hein, loin de là: l'auteur livre une version originale de la relation entre Mordred et le roi Arthur. Bref, pour revenir à Gueule de Truie: c'est très bien, foncez.
Pour conclure, je crois bien avoir lu tous les romans parus de la dame, et j'ai terminé par the best!
Naëlle- — — Madone des Ombres — — Disciple de la Discipline
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Re: Justine Niogret
J'ai commencé Chien du heaume, et ce que je peux en dire pour le moment, c'est que ça donne une vision bien moins romantique du Moyen-Âge ! Pas que j'ai jamais eu envie de retourner à cette époque, mais si ça avait été le cas, je crois que ça me serait passé après cette lecture.
Amaranth- Book'trotteuse de l'extrême — Reflet dans un œil gore —
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Re: Justine Niogret
Bon, voilà, j'ai fini Chien du Heaume. Est-ce un roman de fantasy ? Je ne saurais le dire tant il ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire auparavant. Le Moyen-âge décris ici est dur, sale, les personnages sont tous âpres et cabossés. A côté de ce livre, la fantasy habituelle me semble presque fade et aseptisée.
Le personnage principal n'est pas beau, n'est pas un héros : Chien du Heaume est grasse, couturée de cicatrices, sale, brutale… le début est difficile car on est confronté à ce monde bien différent du notre et de celui qu'on a l'habitude de lire. Mais peu à peu, on apprivoise ces personnages et on les adopte. Car, au milieu de ces pierres glacées ou brûlantes selon la saison et de ces brumes, il y a une grande tendresse. La quête de Chien, et plus que ça : Chien elle-même, sont terriblement touchantes. Mais ce qui rend ce livre si unique, c'est vraiment le style de son auteure. Il y a quelque chose de vraiment très beau, et pourtant dur, dans ce mélange de phrases hachées ou encore presque liquides tant elles peuvent être fluides. C'est difficile à décrire et Naëlle le fait mieux que moi, donc je préfère la citer sur ce coup :
Un autre petit extrait, pour le plaisir :
Je vais te faire comprendre qu'un nom n'est pas rien, et qu'un pauvre mot peut tout changer. Je sais que je n'ai pas ton excellence de parole ; j'ai rencontré beaucoup de mauvais conteurs, et toute bouche n'est pas bec de rossignol, je ne l'ignore pas. Chien du heaume, on m'appelle, car il le faut bien, et peut-être que ma gueule ne sait qu'aboyer. Mais tu écouteras tout de même. Je ne sais pas les mots doux modelés sur une langue de miel… Moi, je ne sais que la voix du fer, de la tempête et du cri des hommes. C'est mon père qui me les a apprises, et voilà tout ce que je sais dire.
Tu jurais qu'un nom n'était rien ? Alors Tristesse je te nomme aujourd'hui, car tu n'as su que blesser les oreilles de ceux qui t'ont écouté. Dis tes adieux, Tristesse, et dis-les vite ; car je vois que tu n'aimes guère ton nouveau nom, alors en voilà un autre encore, et prononcé par une langue de fer qui parlera plus durement que la tienne ne l'a jamais su faire. Je gage que celui-ci te déplaira encore plus. Cadavre, voici qui tu es, et voilà ton baptême.
Et là-dessus, Chien du heaume le tira par les cheveux, lui coucha la face sur la table et lui décolla la tête d'un coup de hache.
Le personnage principal n'est pas beau, n'est pas un héros : Chien du Heaume est grasse, couturée de cicatrices, sale, brutale… le début est difficile car on est confronté à ce monde bien différent du notre et de celui qu'on a l'habitude de lire. Mais peu à peu, on apprivoise ces personnages et on les adopte. Car, au milieu de ces pierres glacées ou brûlantes selon la saison et de ces brumes, il y a une grande tendresse. La quête de Chien, et plus que ça : Chien elle-même, sont terriblement touchantes. Mais ce qui rend ce livre si unique, c'est vraiment le style de son auteure. Il y a quelque chose de vraiment très beau, et pourtant dur, dans ce mélange de phrases hachées ou encore presque liquides tant elles peuvent être fluides. C'est difficile à décrire et Naëlle le fait mieux que moi, donc je préfère la citer sur ce coup :
C'est vraiment unique et je suis heureuse d'avoir lu ce livre, qui est parvenu à m'habiter et restera dans un petit coin de ma tête très longtemps, je te remercie donc Naëlle parce que sans ta présentation de l'auteure, je ne m'y serai jamais intéressée.Naëlle a écrit:Elle alterne ton haché et écriture déliée, le tout enrobé d’images fortes, qui frappent par leur nature souvent bestiale, brutale. C’est une écriture de contraste : on est tantôt emporté par sa fluidité, tantôt tenu à distance par les coups de hache des phrases courtes. Et, parfois, les deux s’allient ; on a alors envie de lire à voix haute pour mieux savourer la poésie du texte, et on le fait.
- Spoiler:
- Dernier point : rares ont été les personnages que j'ai détestés autant que Noalle ! Ah, qu'est-ce que je l'ai vue mourir dans mes pensées de nombreuses fois !
Un autre petit extrait, pour le plaisir :
Je vais te faire comprendre qu'un nom n'est pas rien, et qu'un pauvre mot peut tout changer. Je sais que je n'ai pas ton excellence de parole ; j'ai rencontré beaucoup de mauvais conteurs, et toute bouche n'est pas bec de rossignol, je ne l'ignore pas. Chien du heaume, on m'appelle, car il le faut bien, et peut-être que ma gueule ne sait qu'aboyer. Mais tu écouteras tout de même. Je ne sais pas les mots doux modelés sur une langue de miel… Moi, je ne sais que la voix du fer, de la tempête et du cri des hommes. C'est mon père qui me les a apprises, et voilà tout ce que je sais dire.
Tu jurais qu'un nom n'était rien ? Alors Tristesse je te nomme aujourd'hui, car tu n'as su que blesser les oreilles de ceux qui t'ont écouté. Dis tes adieux, Tristesse, et dis-les vite ; car je vois que tu n'aimes guère ton nouveau nom, alors en voilà un autre encore, et prononcé par une langue de fer qui parlera plus durement que la tienne ne l'a jamais su faire. Je gage que celui-ci te déplaira encore plus. Cadavre, voici qui tu es, et voilà ton baptême.
Et là-dessus, Chien du heaume le tira par les cheveux, lui coucha la face sur la table et lui décolla la tête d'un coup de hache.
Amaranth- Book'trotteuse de l'extrême — Reflet dans un œil gore —
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Re: Justine Niogret
Ooooh, très bel extrait ! Je m'en souviens, de celui-là ! Je crois que j'avais hésité entre celui-là et celui que j'ai finalement mis dans le premier post.
Je suis très contente que ce roman de Dame Niogret t'ait plu, Amaranth ! Oui, garde peut-être Gueule de Truie pour la fin, c'est le meilleur, à mon avis !
Je suis très contente que ce roman de Dame Niogret t'ait plu, Amaranth ! Oui, garde peut-être Gueule de Truie pour la fin, c'est le meilleur, à mon avis !
Naëlle- — — Madone des Ombres — — Disciple de la Discipline
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Re: Justine Niogret
C'est une découverte que je suis très très contente d'avoir faite ! Léonox a raison quand il dit qu'elle n'a pas d'équivalent au niveau du style en France (je dirais même qu'elle n'en a pas tout court, je ne connais rien qui y ressemble en tout cas).
Bref, j'ai lu Mordre le bouclier et je ne suis pas déçue !
Mes mots me semblent bien dérisoires pour parler d'un talent tel que Justine Niogret. Mais je vais quand même tenter l'exercice du mieux que je le peux.
Ce tome tourne autour de deux personnages principalement : Chien mais aussi Bréhyr, que j'ai été ravie de connaître mieux. Les deux sont des guerrières et pourtant, elles se situent souvent à l'opposé, tant dans leur caractère que leur quête. Bréhyr est déterminée, guidée par une rage froide, dure alors que Chien est perdue et se laisse porter par sa colère flamboyante.
Pour Chien, d'ailleurs, ce tome forme une sorte de boucle avec le précédent : elle est à nouveau en quête de son identité, et face à celle-ci, elle réapprend ce qu'elle avait découvert dans le tome précédent, à travers la présence d'un homme (Bruec dans le premier tome, Saint Roses dans celui-ci) :
Et à nouveau quelques extraits, parce que je ne peux pas m'en empêcher :
"Les hommes et les femmes se frottent trop souvent le ventre en imaginant qu'il suffirait à l'autre de se transformer un peu pour être tout comme on désire. Alors, ils attendent de le voir mieux, plus fragile, plus tendre, plus chaud, le détail ou l'envie qu'ils se sont fourrée dedans la tête, comme si on choisissait son humain à la façon d'un ruban à l'étal d'un marchand. Les gens ne muent pas, jamais, ils ne savent que montrer, ou pas, ce qu'ils sont au fond d'eux. Tout le monde se cache parce que tout le monde a peur des yeux de l'autre, Chien, et ceux qui hurlent le contraire le font sans doute encore plus que ceux qui se taisent."
"Je ne sais pas grand chose de la terre et des hommes, mais je sais que tout le monde pleure du sang au secret des nuits solitaires. Toi, tu te construis une petite vie, une vie minuscule ; si fait, tu ressembles à ces porcs qui ne savent lever la tête de leur merde et dévisagent à jamais leurs propres excréments. Ils vivent pourtant sous les mêmes étoiles que les autres, et ne les voient pas, à cause de leurs os et leurs muscles, et toi à cause de tes mensonges et de ta folie."
Bref, j'ai lu Mordre le bouclier et je ne suis pas déçue !
Mes mots me semblent bien dérisoires pour parler d'un talent tel que Justine Niogret. Mais je vais quand même tenter l'exercice du mieux que je le peux.
Ce tome tourne autour de deux personnages principalement : Chien mais aussi Bréhyr, que j'ai été ravie de connaître mieux. Les deux sont des guerrières et pourtant, elles se situent souvent à l'opposé, tant dans leur caractère que leur quête. Bréhyr est déterminée, guidée par une rage froide, dure alors que Chien est perdue et se laisse porter par sa colère flamboyante.
Pour Chien, d'ailleurs, ce tome forme une sorte de boucle avec le précédent : elle est à nouveau en quête de son identité, et face à celle-ci, elle réapprend ce qu'elle avait découvert dans le tome précédent, à travers la présence d'un homme (Bruec dans le premier tome, Saint Roses dans celui-ci) :
- Spoiler:
- Je m'appartiens, mon nom m'appartient. Je suis Chien du heaume.[…] Je ne voyais pas, ni mon vrai nom, ni qui était ma mère, ni que ma haine n'avait pas à être tournée vers moi-même.[…] Je suis née sans père et sans mère, je suis née Chien, je suis née sur un champ de bataille. Les autres apprennent à se battre ; moi je dois apprendre à vivre.
Et à nouveau quelques extraits, parce que je ne peux pas m'en empêcher :
"Les hommes et les femmes se frottent trop souvent le ventre en imaginant qu'il suffirait à l'autre de se transformer un peu pour être tout comme on désire. Alors, ils attendent de le voir mieux, plus fragile, plus tendre, plus chaud, le détail ou l'envie qu'ils se sont fourrée dedans la tête, comme si on choisissait son humain à la façon d'un ruban à l'étal d'un marchand. Les gens ne muent pas, jamais, ils ne savent que montrer, ou pas, ce qu'ils sont au fond d'eux. Tout le monde se cache parce que tout le monde a peur des yeux de l'autre, Chien, et ceux qui hurlent le contraire le font sans doute encore plus que ceux qui se taisent."
"Je ne sais pas grand chose de la terre et des hommes, mais je sais que tout le monde pleure du sang au secret des nuits solitaires. Toi, tu te construis une petite vie, une vie minuscule ; si fait, tu ressembles à ces porcs qui ne savent lever la tête de leur merde et dévisagent à jamais leurs propres excréments. Ils vivent pourtant sous les mêmes étoiles que les autres, et ne les voient pas, à cause de leurs os et leurs muscles, et toi à cause de tes mensonges et de ta folie."
Dernière édition par Amaranth le Ven 21 Aoû 2015 - 21:15, édité 1 fois
Amaranth- Book'trotteuse de l'extrême — Reflet dans un œil gore —
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Re: Justine Niogret
Déjà un an et demi que je ne suis pas revenu sur ce topic... Le temps passe décidément à une vitesse effrayante. Mais j'avoue que je me suis tenu à l'écart parce que je n'ai pas eu de nouvelles de Justine depuis un moment. Elle s'est faite assez discrète cette année, et je ne l'ai plus revue depuis le festival de Bagneux en avril 2014. Si elle me manque ? Devinez...
Quoiqu'il en soit, je suis ravi que ce sujet ait permis à Amaranth de découvrir et apprécier l'oeuvre de celle que je persiste à tenir pour la meilleure auteure française actuelle. J'ai été heureux de lire ces très beaux comptes-rendus de lecture, qui rendent vraiment justice à son travail unique. Alors afin d'en rajouter une couche, voici un lien vers un texte écrit par Justine.
Au début, elle évoque un manga historique intitulé Vinland saga. Mais ce n'est pas le véritable sujet de l'article. Persistez au-delà des quatre premiers paragraphes en cliquant sur "suite", vous verrez. Et si vous n'êtes pas emportés par le reste, si vous ne sentez pas à la lecture vos tripes s'emmêler au point de former un noeud coulant qui viendra s'enrouler de façon si étroite autour de votre gorge qu'il vous empêchera de déglutir, si vous restez insensibles à ce texte, c'est que vraiment, pour citer le titre d'un roman d'une autre auteure chère à mon coeur - Anne Duguël, en l'occurrence - "Nous ne méritons pas les chiens". Et vous ne méritez pas Justine.
https://lafaquinade.wordpress.com/2015/04/14/edito-4-15-justine-niogret/
Quoiqu'il en soit, je suis ravi que ce sujet ait permis à Amaranth de découvrir et apprécier l'oeuvre de celle que je persiste à tenir pour la meilleure auteure française actuelle. J'ai été heureux de lire ces très beaux comptes-rendus de lecture, qui rendent vraiment justice à son travail unique. Alors afin d'en rajouter une couche, voici un lien vers un texte écrit par Justine.
Au début, elle évoque un manga historique intitulé Vinland saga. Mais ce n'est pas le véritable sujet de l'article. Persistez au-delà des quatre premiers paragraphes en cliquant sur "suite", vous verrez. Et si vous n'êtes pas emportés par le reste, si vous ne sentez pas à la lecture vos tripes s'emmêler au point de former un noeud coulant qui viendra s'enrouler de façon si étroite autour de votre gorge qu'il vous empêchera de déglutir, si vous restez insensibles à ce texte, c'est que vraiment, pour citer le titre d'un roman d'une autre auteure chère à mon coeur - Anne Duguël, en l'occurrence - "Nous ne méritons pas les chiens". Et vous ne méritez pas Justine.
https://lafaquinade.wordpress.com/2015/04/14/edito-4-15-justine-niogret/
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