APhobe

Sim avait rejoint le centre depuis quelques mois. Tous les jours, il passait des tests comme tous ces camarades de chambrée. En tout, ils se retrouvaient à douze, se levant le matin aux sons de diverses sources, chaque fois différents. Sim n’aurait plus su les lister, mais il se rappelait le premier qui l’avait surpris : un meuglement de vache tonitruant. Il s’était réveillé en sursaut, se demandant où il se trouvait, ce qui se passait. Il avait sauté de son lit cherchant la sortie, avant de comprendre qu’aucun danger ne menaçait sa vie. Puis, avec le temps, il s’était plus ou moins habitué à ces réveils étranges.

Après la douche, tout aussi étonnante – ce n’était pas toujours de l’eau qui coulait sur leurs tête – le groupe se retrouvait au réfectoire pour un petit déjeuner surprise. Car là aussi, ils ne pouvaient deviner à l’avance le menu qui pouvait passer de l’excellent à l’immangeable. Là aussi, les hoquets de dégoûts s’étaient atténués avec le temps. Là aussi Sim en avait pris son parti.

Le restant de la journée était à l’avenant du début. Toujours des expériences imprévues, et toujours les plus surprenantes qui soit. Comme si les commanditaires du projet cherchaient à tester leur résistance.

Pour Sim, les bains d’araignées furent la pire expérience. Arachnophobe, la première fois, il s’était simplement évanoui. Et on l’avait à nouveau confronté à sa peur deux jours plus tard. Il avait fui. Et ainsi de suite, tout en lui offrant de moins en moins de voies d’issue. Bientôt, il n’avait plus eu le choix, il avait été poussé dans la fosse remplie des bestioles effrayantes. Il avait hurlé, avait gigoté en tous sens, incapable de penser, de réfléchir, de faire un mouvement. On l’avait sorti, il avait mis des heures à récupérer. Pour recommencer encore et encore, jusqu’à ce qu’il soit enfin capable de traverser le large trou, puis jusqu’à ce qu’il ne manifeste plus aucune réaction face aux arachnides.

Traitement choc, mais efficace. On l’aurait proposé au jeune homme, il aurait refusé tout net. Devant le fait accompli, il n’avait pas eu le choix. Avec le recul, il se trouvait satisfait d’être guéri de son angoisse. Même mieux, il ne souffrait plus d’aucune crainte. Les hauteurs ? Attirantes. Les bêtes sauvages ? Même pas peur. La foule, les inconnus, les abeilles, les rats et souris, les microbes, quoiqu’on lui agite sous le nez, il ne réagissait plus. Mieux encore, la souffrance ou la mort le laissait de marbre.

Et tous ces camarades en étaient au même point. Plus rien ne les faisait sursauter et l’ennui s’installait face aux tentatives infructueuses des instructeurs.

Sim le sentait, il était prêt. Prêt à quoi, il ne le savait pas, mais il l’était.


A la tête du groupe, Sim donna l’ordre de foncer vers la maison barricadée. Ils avaient sauté en parachute durant la nuit, avant de rejoindre le lieu déterminé à l’avance par leurs chefs. Sim avait été nommé à la tête de son contingent. Pourquoi ? Il ne l’avait pas demandé, se contentant d’obéir. Après l’entraînement inhabituel suivi, il n’avait qu’une envie : se confronter au danger. C’était l’occasion.

L’équipe, comme un seul homme, se redressa et se précipita vers l’ancienne ferme. Des tirs retentirent, un premier mercenaire s’écroula. Sim le regarda sans sourciller. Il était mort. Et puis quoi ? Il ne ressentit rien. On l’avait préparé à ces éventualités.

Il continua vers l’habitation. Plusieurs autres de ses camarades se retrouvèrent au sol. Et rien n’arrêtait l’avancée des survivants. Lorsqu’ils défoncèrent la porte, ils n’étaient plus que trois, mais tout aussi déterminé que s’ils n’avaient connu aucun décès dans leur équipe.

Sim se sentait exalté, prêt à en découdre, totale-ment insensible à la peur. Il ne craignait plus rien. Le projet APhobe était une réussite, il en était la preuve. Une montée d’adrénaline lui explosa les neurones, il s’engouffra sans plus réfléchir dans la première pièce.

Lorsqu’il se réveilla, il se trouvait attaché à un mur, probablement dans une cave. Face à lui, un type aux traits flasques, au rictus débile, et aux yeux vides, l’observait. Dans ses mains un marteau et une tenaille.

Les prochaines heures n’allaient pas être amusantes, mais Sim ne réussit pas à s’en inquiéter.