Espérer le Soleil de Nelly Chadour

Il me semblait pas avoir vu de sujet dédié au dernier roman de notre plumitive, alors puisque je viens d'en terminer la chronique, je fais une pierre deux coups :



La Grande Peste Noire. Le Grand Incendie. Le Blitz orchestré par les nazis. La Bombe de Staline… Londres a survécu à tout. En 1951, isolée dans la gangue glacée de la nuit nucléaire, la cité millénaire et ses habitants tentent de vivre comme avant. Malgré les radiations, les Rôdeurs de la Nuit, et eux-mêmes.
Quand des enfants de quartiers pauvres sont enlevés par une étrange entité aux yeux incandescents, les tensions éclatent et les destins s’entrecroisent. Ainsi Vassilissa, vampire russe obligée de traquer ses semblables sous les ordres des autorités britanniques ; Satinder, jeune fille sikhe qui n’a pu empêcher la disparition de ses petits frères ; Jaime, ancien résistant espagnol désormais voué au crime organisé ou Gwen, belle héritière blessée au plus profond de sa chair et de son âme. Sous l’objectif du photographe américain Arthur Smitty se succèdent émeutes et révoltes d’une population dont le rêve impossible est de revoir le soleil une dernière fois.

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Bon, je vais pas durer inutilement faire le suspense : j'ai tout simplement adoré ce roman !

Faut dire que dès le départ, tous les ingrédients d'un cocktail explosif étaient réunis : un monde uchronique sur fond d'univers nucléaire, un décor post-apo' évocateur et réussi, des éléments fantastiques intrigants et savamment distillés, tout ça complété par une bien jolie galerie de personnages.
Mais l'atout maître d'Espérer le Soleil reste sans conteste la plume de Nelly Chadour.
Vive et accrocheuse, la prose de l'auteure alpague le lecteur dès les premières lignes, pour ensuite ne jamais plus le lâcher jusqu'à la toute fin. Imprimant un rythme fou dans les scènes d'action comme ménageant d'agréables trous d'air dans une intrigue à la fois simple et très construite, elle fait mouche encore quand il s'agit d'aborder l'aspect psychologique de ses personnages. Ainsi, même les passages « romantiques » méritent d'être soulignés, tant miss Chadour arrive à trouver l'expression juste des sentiments et nous mettre à la place de ses personnages.
Chaque protagoniste existe ainsi, aussi bien grâce à leurs fêlures autant que par leur charisme (ou leur humour) et j'ai bien souvent aimé me mettre du côté de ceux-ci – ceux du « bon » côté, comme les « méchants ». Mais le tableau est si bien nuancé qu'au final les actes et agissements de chacun paraissent tous parfaitement justifiés et on finit par s'attacher aussi bien aux uns qu'aux autres.

Au niveau du rythme, c'est encore du très bon, car la tension ne se relâche que très rarement et on est tellement pris dans l'intrigue que les chapitres défilent à toute vitesse. Bonne idée également de jouer sur les flashbacks et différentes temporalités, mais sans trop en faire non plus. Ces interludes aèrent agréablement la trame tout en enrichissant le background des protagonistes. Encore une fois, c'est du très joli travail.
Outre les thèmes et le parfum délicieusement post-apo' (parfois à la limite d'une certaine idée de la Fantasy urbaine), mâtiné de Fantastique voir d'Horreur, j'ai beaucoup aimé le sous-texte politique de l’œuvre. On y dit aussi des choses sur notre histoire récente, sur l'impératif de rassembler les communautés pour (re)construire un monde sur de meilleures bases. Oui, forcément le discours est un brin utopique, mais il est ici parfaitement assumé et soutenu par un travail de recherche sur ce Londres après-catastrophe -- mais aussi l'Espagne franquiste -- plus vrai que nature, où la révolte gronde, répondant à cette quête frénétique d'espoir, quel qu'il soit.
La présence de personnalités historiques ou de clins d’œil à la culture populaire, apportent de plus un sacré cachet à l'ensemble, brouillant les pistes et les approches, faisant par moments de ce roman une sorte d'OVNI à la croisée des genres. Ce qui lie tous ces éléments ? La personnalité et la plume de Nelly, traçant sa route or des sillons bien lisses et toujours avec un sacré applomb.
Du talent ? Oui, il y en a à revendre ici, assurément !

Je l'ai lu il y a quelques temps maintenant, mais à mon rythme de tortue je l'ai littéralement « dévoré » (2 ou 3 semaines environ) et j'en garde d'excellents souvenirs. Après, si je dois formuler un mini-bémol (et encore...), je dirais juste que le dernier acte finit peut-être par traîner légèrement en longueur, même si encore une fois je n'ai pas décroché un seul instant.
Ça pète de partout et les rebondissements sont au rendez-vous, mais au final (et je partage d'ailleurs cet avis avec ma femme, qui vient tout juste de le terminer) peut-être aurait-il valu raccourcir de quelques pages de cette conclusion, ainsi que les différents affrontements... Mais bon, c'est bien pour pinailler, car même alors je ne me suis pas ennuyé un seul instant et j'ai été véritablement touché par le destin des personnages, qui m'a été difficile de quitter lors de l'épilogue (la marque d'une caractérisation de personnalités réussie).

En conclusion, j'ai donc passé un excellent moment avec Espérer le Soleil, qui m'a séduit dès le début et dont l'univers est passionnant, foisonnant d'idées et de concepts dans un cadre à la fois familier et complètement déviant.
En outre, je dirais également que cet univers riche de possibilités pourrait être utilisé dans d'autres récits, tant il ouvre de nombreuses perspectives (il me semble d'ailleurs que Nelly avait écrit quelque part un texte « bonus » s'insérant dans cette continuité : je serais curieux d'y jeter un œil ! ). Voire même une « suite », même s'il serait alors peut-être intéressant de suivre d'autres personnages et d'autres lieux, afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble de ce monde alternatif baignant dans la nuit éternelle...

De la très belle ouvrage, donc. Verdict : lu et approuvé, plutôt deux fois qu'une !

C'est Nelly qui va être contente. Enfin, faut qu'elle la voie ta chronique .

Je lui ai envoyé le lien sur FB.
Mais ça me rappelle qu'en effet j'étais censé m'occuper de cette histoire de blog. J'avais fait un test il y a 2-3 semaines, mais j'avais pas trop aimé l'interface de cette plate-forme. Je pense que je retenterais le coup avec un truc du style overblog ou autre (les grosses machines, en principe ça fonctionne toujours bien, nan ?).
Et comme ça, j'en profiterais pour chroniquer toutes mes lectures en retard...