Saloon
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Tak
Cancereugène
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Saloon
Chas Blackwein pénétra dans le saloon en frappant mollement le pan droit de la porte. Un grincement glauque l'accueillit, suivi qu'un profond silence. Pas une table n'était occupée.
Ce village fantôme commençait à lui coller les miquettes. Il en parcourait les rues depuis des heures, sans rencontrer un chat, au propre comme au figuré. Pas d'animaux, pas d'humains. Le shérif lui-même avait disparu. Tout le faisait chier ! Et le soleil se couchait...
Cette soirée déprimante lui donnait soif. Derrière le comptoir apparaissaient des centaines de bouteilles. Plus qu'il n'en fallait... la suite de sa visite ne s'annonçait pas si mal...
Il avança jusqu'au zinc en faisant claquer ses bottes. La résonance parut sépulcrale dans la lumière grise baignant la salle, où à cette heure, des dizaines de poivrots auraient dû s'interpeller en buvant et en jouant aux cartes. Cette situation n'avait rien de naturel.
La surface lisse du comptoir lui renvoya l'image d'un vieillard las, au bout du rouleau. Putain ! Où se cachait ce foutu shérif ? Depuis la fuite de leurs montures, ils erraient comme des âmes en peine, incapables de s'orienter. Et maintenant il s'apprêtait à passer la nuit ici. Avec un bon whisky...
Il fit le tour du comptoir pour se saisir de sa future compagne... Le choix lui parut vertigineux. Finalement il posa la main sur un single malt dix-huit ans d'âge. Après tout, pourquoi se gêner ? Personne ne lui réclamerait de paiement !
- Excellent choix ! fécilita une voix à sa droite.
Chas sursauta et dans un geste maladroit, se saisit de son revolver.
- Hey ! Du calme, cow-boy ! Tu peux ranger ton pétard. J'en ai vu d'autres...
Bon sang ! La rouquine qui le toisait d'un air goguenard semblait sortir d'un bordel de luxe ! Deux mètres, une chevelure tombant jusqu'au cul, serrée dans une robe blanche à corset et surtout, un regard profond, vif comme une liqueur de menthe... Chas se recula, honteux.
- Je te l'ai dit, tu peux la prendre, reprit la géante. Faut bien qu'elle soit bue un jour, non ?
Chas reprit contenance, et s'empara de la bouteille, voluptueuse et rousse comme cette étrange barmaid.
- Retourne de l'autre côté, je vais te sortir un verre. Un gentleman ne boit pas au goulot !
Sans se presser, l'adjoint du shérif rejoignit son chapeau, prit place sur un tabouret, et s'accouda au zinc. La greluche lui avait déjà servi une bonne lampée. Il en huma les parfums et lorsqu'il commença à l'engloutir, elle lui lança un clin d'oeil complice.
« Si seulement j'avais trente ans de moins », se dit-il avec nostalgie.
Il but cul sec et fit claquer le verre sur le comptoir. La vache ! C'était pas de la pisse !
Elle le resservit aussitôt.
- Dites-moi, madame... cela ne vous paraît pas étrange toutes ces disparitions ?
Elle haussa les épaules.
- Je me sens plus tranquille, répondit-elle, énigmatique.
- Je comprends. Vous ne devez pas manquer de prétendants.
Elle lui lança un regard encore plus mystérieux que ses paroles. Troublé, il reprit :
- En tout cas, sans clients, votre saloon...
- Mon saloon ? Ai-je l'ai d'une barmaid, cow-boy ?
Chas repensa à sa première impression, un peu déçu de sa perspicacité.
Elle semblait s'amuser. Il décida de ne pas se laisser distraire. Il avait mieux à faire. Son coude se leva une nouvelle fois. Le verre claqua sur le zinc. La géante le resservit. Son esprit commençait à vaciller. « Ben merde ! » Habituellement, les trois-quarts d'une bouteille suffisait à peine à le rendre joyeux. L'effet rouquine, peut-être. L'esprit un peu vague, il poursuivit la conversation :
- Mais... si vous n'êtes pas serveuse, qui êtes-vous ?
Elle haussa encore les épaules et se pencha vers lui en le crucifiant à la fois de son regard d'émeraude et de son décolleté vertigineux :
- La femme de tes rêves...
Chas s'effondra du tabouret. Le plancher l'accueillit dans un concert de craquements. Son corps se fracassa au sol, tandis qu'un étau oppressait sa poitrine. Il hoqueta...
… puis, se releva. Dans le saloon la vie avait repris. Des dizaines de loustics se chamaillaient autour des jeux en buvant bière sur bière. Une odeur de tabac, d'alcool, de sueur et de friture embaumait l'air. Derrière le comptoir, un gros barbu préparait les verres à la chaîne. Plus de rouquine.
Chas se tourna vers la double porte. Le shérif lui faisait face.
- Putain, qu'est-ce que tu foutais, Chas ? Ça fait des heures que je te cherche !
Ce village fantôme commençait à lui coller les miquettes. Il en parcourait les rues depuis des heures, sans rencontrer un chat, au propre comme au figuré. Pas d'animaux, pas d'humains. Le shérif lui-même avait disparu. Tout le faisait chier ! Et le soleil se couchait...
Cette soirée déprimante lui donnait soif. Derrière le comptoir apparaissaient des centaines de bouteilles. Plus qu'il n'en fallait... la suite de sa visite ne s'annonçait pas si mal...
Il avança jusqu'au zinc en faisant claquer ses bottes. La résonance parut sépulcrale dans la lumière grise baignant la salle, où à cette heure, des dizaines de poivrots auraient dû s'interpeller en buvant et en jouant aux cartes. Cette situation n'avait rien de naturel.
La surface lisse du comptoir lui renvoya l'image d'un vieillard las, au bout du rouleau. Putain ! Où se cachait ce foutu shérif ? Depuis la fuite de leurs montures, ils erraient comme des âmes en peine, incapables de s'orienter. Et maintenant il s'apprêtait à passer la nuit ici. Avec un bon whisky...
Il fit le tour du comptoir pour se saisir de sa future compagne... Le choix lui parut vertigineux. Finalement il posa la main sur un single malt dix-huit ans d'âge. Après tout, pourquoi se gêner ? Personne ne lui réclamerait de paiement !
- Excellent choix ! fécilita une voix à sa droite.
Chas sursauta et dans un geste maladroit, se saisit de son revolver.
- Hey ! Du calme, cow-boy ! Tu peux ranger ton pétard. J'en ai vu d'autres...
Bon sang ! La rouquine qui le toisait d'un air goguenard semblait sortir d'un bordel de luxe ! Deux mètres, une chevelure tombant jusqu'au cul, serrée dans une robe blanche à corset et surtout, un regard profond, vif comme une liqueur de menthe... Chas se recula, honteux.
- Je te l'ai dit, tu peux la prendre, reprit la géante. Faut bien qu'elle soit bue un jour, non ?
Chas reprit contenance, et s'empara de la bouteille, voluptueuse et rousse comme cette étrange barmaid.
- Retourne de l'autre côté, je vais te sortir un verre. Un gentleman ne boit pas au goulot !
Sans se presser, l'adjoint du shérif rejoignit son chapeau, prit place sur un tabouret, et s'accouda au zinc. La greluche lui avait déjà servi une bonne lampée. Il en huma les parfums et lorsqu'il commença à l'engloutir, elle lui lança un clin d'oeil complice.
« Si seulement j'avais trente ans de moins », se dit-il avec nostalgie.
Il but cul sec et fit claquer le verre sur le comptoir. La vache ! C'était pas de la pisse !
Elle le resservit aussitôt.
- Dites-moi, madame... cela ne vous paraît pas étrange toutes ces disparitions ?
Elle haussa les épaules.
- Je me sens plus tranquille, répondit-elle, énigmatique.
- Je comprends. Vous ne devez pas manquer de prétendants.
Elle lui lança un regard encore plus mystérieux que ses paroles. Troublé, il reprit :
- En tout cas, sans clients, votre saloon...
- Mon saloon ? Ai-je l'ai d'une barmaid, cow-boy ?
Chas repensa à sa première impression, un peu déçu de sa perspicacité.
Elle semblait s'amuser. Il décida de ne pas se laisser distraire. Il avait mieux à faire. Son coude se leva une nouvelle fois. Le verre claqua sur le zinc. La géante le resservit. Son esprit commençait à vaciller. « Ben merde ! » Habituellement, les trois-quarts d'une bouteille suffisait à peine à le rendre joyeux. L'effet rouquine, peut-être. L'esprit un peu vague, il poursuivit la conversation :
- Mais... si vous n'êtes pas serveuse, qui êtes-vous ?
Elle haussa encore les épaules et se pencha vers lui en le crucifiant à la fois de son regard d'émeraude et de son décolleté vertigineux :
- La femme de tes rêves...
Chas s'effondra du tabouret. Le plancher l'accueillit dans un concert de craquements. Son corps se fracassa au sol, tandis qu'un étau oppressait sa poitrine. Il hoqueta...
… puis, se releva. Dans le saloon la vie avait repris. Des dizaines de loustics se chamaillaient autour des jeux en buvant bière sur bière. Une odeur de tabac, d'alcool, de sueur et de friture embaumait l'air. Derrière le comptoir, un gros barbu préparait les verres à la chaîne. Plus de rouquine.
Chas se tourna vers la double porte. Le shérif lui faisait face.
- Putain, qu'est-ce que tu foutais, Chas ? Ça fait des heures que je te cherche !
Re: Saloon
Bel essai, Cancer !
Mais pour tout dire, ce texte me laisse plutôt perplexe : d'un coté, tu sembles respecter le thème et ses contraintes et de l'autre, j'ai du mal à saisir l'axe que tu as choisi pour celui-ci. C'est énigmatique à souhait et à la fin, je me demande un peu où tu as voulu en venir. Un simple rêve (éthylique) ou une hallucination ? (ce à quoi les propos de la femme pourraient correspondre) ou bien un récit de village fantôme, avec une mort qui n'y ressemble pas, tendant vers un trip de réincarnation bizarre ?
J'y ai pensé, mais comme le shérif le reconnait à la fin, ça me fait hésiter. Peut-être n'ai-je pas tout saisi...
Mais si la finalité de la chose m'a paru un peu floue, je dois dire que l'ensemble est tout de même bien fait, avec ta plume toujours aussi précise. Et ton texte s'éloigne suffisamment des précédents pour en faire une relecture intéressante.
J'ai bien aimé donc, sans pouvoir me prononcer réellement sur le respect du thème ou non...
P.S: Ou alors, le type est-il déjà mort au début du texte et le verre que lui sert la "barmaid" (qui n'en est pas vraiment une) est-il plutôt un antidote le ramenant à la vie ? Dans ce cas-là tu t'éloignes du texte initial, en l'amenant vers quelque chose de vraiment inattendu.
Mais je me trompe peut-être encore, la fatigue me jouant de drôles de tour...
Mais pour tout dire, ce texte me laisse plutôt perplexe : d'un coté, tu sembles respecter le thème et ses contraintes et de l'autre, j'ai du mal à saisir l'axe que tu as choisi pour celui-ci. C'est énigmatique à souhait et à la fin, je me demande un peu où tu as voulu en venir. Un simple rêve (éthylique) ou une hallucination ? (ce à quoi les propos de la femme pourraient correspondre) ou bien un récit de village fantôme, avec une mort qui n'y ressemble pas, tendant vers un trip de réincarnation bizarre ?
J'y ai pensé, mais comme le shérif le reconnait à la fin, ça me fait hésiter. Peut-être n'ai-je pas tout saisi...
Mais si la finalité de la chose m'a paru un peu floue, je dois dire que l'ensemble est tout de même bien fait, avec ta plume toujours aussi précise. Et ton texte s'éloigne suffisamment des précédents pour en faire une relecture intéressante.
J'ai bien aimé donc, sans pouvoir me prononcer réellement sur le respect du thème ou non...
P.S: Ou alors, le type est-il déjà mort au début du texte et le verre que lui sert la "barmaid" (qui n'en est pas vraiment une) est-il plutôt un antidote le ramenant à la vie ? Dans ce cas-là tu t'éloignes du texte initial, en l'amenant vers quelque chose de vraiment inattendu.
Mais je me trompe peut-être encore, la fatigue me jouant de drôles de tour...
Dernière édition par Tak le Sam 28 Mai 2016 - 7:22, édité 1 fois
Tak- Mélomane des Ondes Noires
Disciple des Livres de Sang - Messages : 6299
Date d'inscription : 01/12/2012
Age : 41
Localisation : Briançon, Hautes-Alpes
Re: Saloon
Merci de ton commentaire, Tak.
- Finalité de l'histoire:
- Pas toujours simple de bien doser. Trop d'explications peuvent tuer l'explication. Pour moi, la rousse est la servante d'un univers onirique. On peut aussi y voir la mort. L'ensemble du village l'a rencontré sous cette forme ou une autre (en fonction de leurs propres rêves.) Elle les tue pour les entraîner dans sa dimension. Sauf que cette dernière est directement calquée sur notre réalité, donc ça donne un effet de chaussette inversée. Les personnages se retrouvent comme s'ils étaient dans la même réalité, avec une mémoire conservée. Voilà, c'était ça mon idée !
Re: Saloon
OK, c'est donc encore plus nébuleux que je pensais, même si on peut déceler quelques pistes allant dans ce sens. Je vais relire ton texte avec ces précisions bien en tête, mais effectivement c'est bien tordu
Ceci dit, ça n'enlève rien aux qualités formelles de ce texte, que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire.
Ceci dit, ça n'enlève rien aux qualités formelles de ce texte, que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire.
Tak- Mélomane des Ondes Noires
Disciple des Livres de Sang - Messages : 6299
Date d'inscription : 01/12/2012
Age : 41
Localisation : Briançon, Hautes-Alpes
Re: Saloon
Je l'ai lu et ne sais pas trop quoi en penser, à part que j'ai aimé sans me poser plus de questions que ça. Si j'ai bien tout suivi, à la fin il sort d'une sorte de mirage du à la chaleur extérieure peut-être ? C'est ce que j'ai cru comprendre.
En tous cas tu as pris des libertés par rapport au synopsis de base car il ne meurt pas (mais la barmaid peut lui dire qu'il y a du poison dans son verre et que ce n'est pas vrai Sauf que dans ton texte elle ne précise pas ce détail...).
C'est réussi pour moi.
En tous cas tu as pris des libertés par rapport au synopsis de base car il ne meurt pas (mais la barmaid peut lui dire qu'il y a du poison dans son verre et que ce n'est pas vrai Sauf que dans ton texte elle ne précise pas ce détail...).
C'est réussi pour moi.
Re: Saloon
Un texte très sympa, avec encore une rouquine... (étrange, ça)
Je trouve dommage que la barmaid ne soit pas barmaid, et qu'elle ne dise pas qu'elle avait empoisonné son client. Elle ne l'insinue même pas. La fin aurait mérité un poil plus d'éclaircissement.
Je trouve dommage que la barmaid ne soit pas barmaid, et qu'elle ne dise pas qu'elle avait empoisonné son client. Elle ne l'insinue même pas. La fin aurait mérité un poil plus d'éclaircissement.
K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Date d'inscription : 27/03/2014
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Localisation : Montarroi
Re: Saloon
J'ai d'emblée bien aimé le contexte western, original !
Je vois que le propos laisse un peu perplexe, pour ma part j'ai pris ça comme un passage accidentel dans une réalité parallèle. Comme si le saloon alternatif était superposé au saloon réel et que, de temps à autres, quelqu'un s'y égarait. La serveuse serait donc une sorte de gardienne de la porte, chargée de ramener les égarés de l'autre côté, dans leur réalité.
Juste une remarque : "un peu déçu de sa perspicacité". Tu ne voulais pas plutôt dire "de son manque de perspicacité" ?
J'ai vraiment aimé sinon, c'est à la fois original et dépaysant, puis ce petit côté étrange qui vient épicer le tout, c'est très bien fait. On finit par se demander si tout ça est bien réel, on a toutes les clefs en main mais tu nous laisses le choix quant aux causes.
Encore une façon surprenante de traiter cet atelier !
Je vois que le propos laisse un peu perplexe, pour ma part j'ai pris ça comme un passage accidentel dans une réalité parallèle. Comme si le saloon alternatif était superposé au saloon réel et que, de temps à autres, quelqu'un s'y égarait. La serveuse serait donc une sorte de gardienne de la porte, chargée de ramener les égarés de l'autre côté, dans leur réalité.
Juste une remarque : "un peu déçu de sa perspicacité". Tu ne voulais pas plutôt dire "de son manque de perspicacité" ?
J'ai vraiment aimé sinon, c'est à la fois original et dépaysant, puis ce petit côté étrange qui vient épicer le tout, c'est très bien fait. On finit par se demander si tout ça est bien réel, on a toutes les clefs en main mais tu nous laisses le choix quant aux causes.
Encore une façon surprenante de traiter cet atelier !
Raven- — — Bouteuse de trains — — Disciple de la présente ligne
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Date d'inscription : 04/05/2015
Age : 47
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Re: Saloon
J'ai plutôt bien compris le texte visiblement.
J'ai supposé à la fin que tu voulait nous laisser penser entre un rêve de Chas ou la femme qui a tué tous le village, et qu'une fois Chas mort il rejoint les autres âmes des victimes.
C'est un bon texte encore une fois, très agréable à lire. ^.^
J'aime beaucoup l'ambiance de ton texte.
J'ai supposé à la fin que tu voulait nous laisser penser entre un rêve de Chas ou la femme qui a tué tous le village, et qu'une fois Chas mort il rejoint les autres âmes des victimes.
C'est un bon texte encore une fois, très agréable à lire. ^.^
J'aime beaucoup l'ambiance de ton texte.
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