Le retour
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Naëlle
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Le retour
Suite à ma lecture du texte de Catherine, j'ai pas mal cogité, et du coup, j'ai écrit. Je ne suis pas certain que ça corresponde exactement, mais j'ai fait de mon mieux, et après quelques relectures rapides, ça donne ça :
Le retour :
La serrure cliqueta et la porte gémit dans le dos de Sarran. Il reposa contre le manteau de la petite cheminée de pierre le balai lui servant à débarrasser le plancher de toute la saleté qui s’accumulait dessus invariablement, puis se retourna en soupirant. Qu’on entrât chez lui sans frapper ne pouvait signifier qu’une mauvaise nouvelle et il craignait que ce fût enfin celle qu’il redoutait tant.
Le voyageur repoussa l’huis dans son dos avant de rejeter sa capuche ruisselante en arrière et d’écarter les pans de son manteau.
Avant que la femme ne se fût campée tout à fait dans une pause familière, Sarran avait déjà reconnu ses traits. La respiration coupée et le cœur serré, il se gorgea tout au long de chaque seconde de l’apparition qu’il n’osait plus espérer. Tant de mois sans nouvelles, à ronger son frein, à craindre qu’on ne lui annonçât sa mort dans une guerre si lointaine qu’elle en paraissait irréelle ! Trois saisons passées à entretenir la ferme seul et à élever la petite Jéhanne qui ne réclamait plus sa mère depuis bien avant l’été. Tout ce temps s’était soudain effacé.
Bien sûr, le visage d’Allance était marqué par la fatigue, amaigri, son nez fin avait été cassé et présentait une bosse encore bleuâtre, mais rien de tout cela ne comptait. Ce qu’il voyait vraiment, c’était celle qui lui avait tant manqué, celle sans qui chacune de ses respirations semblait contenir moins d’air, celle qui comblait le vide qu’il avait dans les tripes et qui l’étouffait.
Il sentit ses yeux se mouiller, mais refusa qu’ils s’embuassent de larmes. Rien ne devait plus s’interposer entre elle et lui. Il voulait la toucher, arracher ses vêtements et se serrer contre elle, baiser sa peau nue, même sale et imprégnée de l’odeur de rance que son voyage devait lui avoir laissée. Il brûlait de goûter ses lèvres encore pincées, caresser l’arrête de sa mâchoire serrée, embrasser ses yeux aux sourcils froncés et sentir la chaleur de son front contre le sien. Son être tout entier ne se tendait plus que vers ce but unique : franchir les quelques mètres qui le séparaient d’Allance. Toutefois, seuls ses yeux se mouvaient, seul son regard avide touchait le corps chéri.
La femme finit par poser à son tour les yeux sur son compagnon, à la fin d’un mouvement qui avait paru durer des heures et n’avait pas excédé quelques battements de cœur. Son visage las et préoccupé s’illumina aussitôt, faisant redoubler l’impatience qui frappait dans la poitrine de l’homme comme une bête furieuse. Leurs regards se croisèrent et Sarran eut l’impression qu’un feu liquide coulait en lui depuis les prunelles d’Allance. D’une main, sans détourner ses prunelles, elle détacha avec un geste rompu par l’habitude l’épée qui pendait sur sa hanche, et sourit.
« Salut ! » dit-elle d’une voix chaude, tandis que l’arme tombait au sol.
Sarran ne put plus retenir ses larmes. Elles avaient le goût du miel, et la chaleur d’un soleil d’été.
Le retour :
La serrure cliqueta et la porte gémit dans le dos de Sarran. Il reposa contre le manteau de la petite cheminée de pierre le balai lui servant à débarrasser le plancher de toute la saleté qui s’accumulait dessus invariablement, puis se retourna en soupirant. Qu’on entrât chez lui sans frapper ne pouvait signifier qu’une mauvaise nouvelle et il craignait que ce fût enfin celle qu’il redoutait tant.
Le voyageur repoussa l’huis dans son dos avant de rejeter sa capuche ruisselante en arrière et d’écarter les pans de son manteau.
Avant que la femme ne se fût campée tout à fait dans une pause familière, Sarran avait déjà reconnu ses traits. La respiration coupée et le cœur serré, il se gorgea tout au long de chaque seconde de l’apparition qu’il n’osait plus espérer. Tant de mois sans nouvelles, à ronger son frein, à craindre qu’on ne lui annonçât sa mort dans une guerre si lointaine qu’elle en paraissait irréelle ! Trois saisons passées à entretenir la ferme seul et à élever la petite Jéhanne qui ne réclamait plus sa mère depuis bien avant l’été. Tout ce temps s’était soudain effacé.
Bien sûr, le visage d’Allance était marqué par la fatigue, amaigri, son nez fin avait été cassé et présentait une bosse encore bleuâtre, mais rien de tout cela ne comptait. Ce qu’il voyait vraiment, c’était celle qui lui avait tant manqué, celle sans qui chacune de ses respirations semblait contenir moins d’air, celle qui comblait le vide qu’il avait dans les tripes et qui l’étouffait.
Il sentit ses yeux se mouiller, mais refusa qu’ils s’embuassent de larmes. Rien ne devait plus s’interposer entre elle et lui. Il voulait la toucher, arracher ses vêtements et se serrer contre elle, baiser sa peau nue, même sale et imprégnée de l’odeur de rance que son voyage devait lui avoir laissée. Il brûlait de goûter ses lèvres encore pincées, caresser l’arrête de sa mâchoire serrée, embrasser ses yeux aux sourcils froncés et sentir la chaleur de son front contre le sien. Son être tout entier ne se tendait plus que vers ce but unique : franchir les quelques mètres qui le séparaient d’Allance. Toutefois, seuls ses yeux se mouvaient, seul son regard avide touchait le corps chéri.
La femme finit par poser à son tour les yeux sur son compagnon, à la fin d’un mouvement qui avait paru durer des heures et n’avait pas excédé quelques battements de cœur. Son visage las et préoccupé s’illumina aussitôt, faisant redoubler l’impatience qui frappait dans la poitrine de l’homme comme une bête furieuse. Leurs regards se croisèrent et Sarran eut l’impression qu’un feu liquide coulait en lui depuis les prunelles d’Allance. D’une main, sans détourner ses prunelles, elle détacha avec un geste rompu par l’habitude l’épée qui pendait sur sa hanche, et sourit.
« Salut ! » dit-elle d’une voix chaude, tandis que l’arme tombait au sol.
Sarran ne put plus retenir ses larmes. Elles avaient le goût du miel, et la chaleur d’un soleil d’été.
K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Re: Le retour
Eh bah c'est pas mal du tout, je trouve !
Une phrase que je trouve longue pour pas grand-chose : "Il reposa contre le manteau de la petite cheminée de pierre le balai lui servant à débarrasser le plancher de toute la saleté qui s’accumulait dessus invariablement, puis se retourna en soupirant."
Une phrase que je trouve longue pour pas grand-chose : "Il reposa contre le manteau de la petite cheminée de pierre le balai lui servant à débarrasser le plancher de toute la saleté qui s’accumulait dessus invariablement, puis se retourna en soupirant."
Attention, je suis un sale hibou ! (Dixit Raven.)
Naëlle- — — Madone des Ombres — — Disciple de la Discipline
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Re: Le retour
Merci !
Je me le disais aussi... mais je trouvais qu'elle participait à l'ambiance. (et je travaille à la réhabilitation des phrases de douze lignes )
Je me le disais aussi... mais je trouvais qu'elle participait à l'ambiance. (et je travaille à la réhabilitation des phrases de douze lignes )
Libérée, délivrée, ma femme peut à nouveau voir ses pieds...
K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Re: Le retour
Pas mal du tout, bien plus que mes essais. J'ai bien aimé.
Inventrice du "rocueil", le mixte entre le roman et le recueil.
"J'ai lu. Je sais même pas quoi dire tellement je suis atterrée.
Et le pire c'est que j'ai aimé te lire." Raven sur "Yin et yang"
"Merci de m'avoir donné envie de vomir !" Nao76 sur "Yin et yang"
"Ton texte m'avait fait penser à un film allemand atroce que j'avais vu plus jeune : Nekromantik !" Polo sur "Trafic de cadavres"
Re: Le retour
Merci ! ça fait plaisir. Je vais essayer d'écrire plus souvent dans cette veine-là, alors.
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K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Re: Le retour
Un plutôt bon essai de ta part, trouve-je.
On sent bien en effet quelque chose se passer, la frustration des émotions trop longtemps contenues, l'espoir des retrouvailles, la redécouverte de l'être chéri et tant manqué : c'est plutôt bien rendu. Peut-être que ça manque juste un peu de tripes pour moi, peut-être un peu trop "sage", mais c'est juste une appréciation personnelle (et je ne dis pas ça en imaginant forcément une scène de cul hein, je précise).
Une petite phrase qui m'a un peu gêné dans sa construction, peut-être, bien que très joliment tournée : "Il sentit ses yeux se mouiller, mais refusa qu’ils s’embuassent de larmes."
Là encore, c'est personnel, vu que personne d'autre ne l'a mentionné.
Sinon j'ai bien aimé et le thème de l'atelier est bien respecté.
On sent bien en effet quelque chose se passer, la frustration des émotions trop longtemps contenues, l'espoir des retrouvailles, la redécouverte de l'être chéri et tant manqué : c'est plutôt bien rendu. Peut-être que ça manque juste un peu de tripes pour moi, peut-être un peu trop "sage", mais c'est juste une appréciation personnelle (et je ne dis pas ça en imaginant forcément une scène de cul hein, je précise).
Une petite phrase qui m'a un peu gêné dans sa construction, peut-être, bien que très joliment tournée : "Il sentit ses yeux se mouiller, mais refusa qu’ils s’embuassent de larmes."
Là encore, c'est personnel, vu que personne d'autre ne l'a mentionné.
Sinon j'ai bien aimé et le thème de l'atelier est bien respecté.
"En vivant comme en mourant, nous alimentons le feu."
Clive Barker, Sacrements.
Tak- Mélomane des Ondes Noires
Disciple des Livres de Sang - Messages : 6299
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Re: Le retour
Merci Tak !
C'est l'effet subjonctif imparfait... ça ne passe pas toujours auprès du lecteur, mais ça ravi les grammairiens. Un peu sage, certes, je suis d'accord. J'ai ptet un peu trop poussé dans le mielleux, mais bon, c'était le but. Si le sentiment passe, je suis content ; d'habitude, j'ai une écriture complètement froide. Maintenant, me reste plus qu'à arriver à moduler dans l'entre-deux.
C'est l'effet subjonctif imparfait... ça ne passe pas toujours auprès du lecteur, mais ça ravi les grammairiens. Un peu sage, certes, je suis d'accord. J'ai ptet un peu trop poussé dans le mielleux, mais bon, c'était le but. Si le sentiment passe, je suis content ; d'habitude, j'ai une écriture complètement froide. Maintenant, me reste plus qu'à arriver à moduler dans l'entre-deux.
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K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Re: Le retour
C'est vrai, j'ai trouvé le ton moins "froid" que d'habitude. Quant aux extrêmes, j'ai un peu les mêmes soucis : soit trop, soit pas assez. Réussir à nuancer son écriture est peut-être la marque d'un début de maturité dans la plume...
Tiens, ça ferait un bon sujet de nouvel atelier, ça ! "Nuancer un récit" : le gris, le non-dit, l'entre-deux, tout ça.
Tiens, ça ferait un bon sujet de nouvel atelier, ça ! "Nuancer un récit" : le gris, le non-dit, l'entre-deux, tout ça.
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Tak- Mélomane des Ondes Noires
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K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Re: Le retour
Profanateur de sépultures, le Tak, en effet. Mais c'est un bien beau cadavre que tu nous déterres là, je n'avais pas eu l'occasion de le lire et ç'aurait été bien dommage de passer à côté de cette facette de K2. Un texte très doux, ce qui m'a plu c'est cette vision féminine du retour du guerrier, notamment dans un environnement med-fan.
Rien à redire, sauf que j'ai moi aussi tiqué sur "embuassent", et pourtant je les aime bien ces subjonctifs, je me rends compte que j'aurais aussi tiqué sur "embuent", pas joli non plus. Si j'avais dû me dépatouiller avec cette idée, j'aurais contourné avec "refusa de laisser ses yeux s'embuer de larmes" (car finalement ce verbe n'est pas souvent utilisé conjugué, seuls l'infinitif et le participe passé sont répandus), et là on voit tout de suite que "de larmes" devient superflu.
Bon, je pinaille, mais c'est pour te donner un exemple de ma façon de travailler quand j'écris (et là on comprend tout de suite pourquoi pondre un paragraphe par semaine me paraît déjà énorme )
Rien à redire, sauf que j'ai moi aussi tiqué sur "embuassent", et pourtant je les aime bien ces subjonctifs, je me rends compte que j'aurais aussi tiqué sur "embuent", pas joli non plus. Si j'avais dû me dépatouiller avec cette idée, j'aurais contourné avec "refusa de laisser ses yeux s'embuer de larmes" (car finalement ce verbe n'est pas souvent utilisé conjugué, seuls l'infinitif et le participe passé sont répandus), et là on voit tout de suite que "de larmes" devient superflu.
Bon, je pinaille, mais c'est pour te donner un exemple de ma façon de travailler quand j'écris (et là on comprend tout de suite pourquoi pondre un paragraphe par semaine me paraît déjà énorme )
Quiconque lit la présente ligne s’engage à chanter Petit Papa Noël à l'envers chaque soir à minuit jusqu'au 25 décembre.
Raven- — — Bouteuse de trains — — Disciple de la présente ligne
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Age : 47
Localisation : au fond à droite
Re: Le retour
Hé bien, merci Raven !
Et merci pour l'idée d'amélioration, bien que, je dois te l'avouer, je ne pense pas retravailler cet atelier. Mais la tournure est intéressante pour éviter les subjonctifs déplaisants. (parce que oui, il y en a, nous sommes d'accord)
J'avais bien besoin de cet atelier pour arriver à faire du sentiment.
Et du coup, en atelier, me viennent quelques idées : la scène de cul (je me ferais violence aussi), la scène de bataille/lutte (pour arriver à doser), le poème (pour essayer un truc auquel je suis complètement étranger.
Et merci pour l'idée d'amélioration, bien que, je dois te l'avouer, je ne pense pas retravailler cet atelier. Mais la tournure est intéressante pour éviter les subjonctifs déplaisants. (parce que oui, il y en a, nous sommes d'accord)
J'avais bien besoin de cet atelier pour arriver à faire du sentiment.
Et du coup, en atelier, me viennent quelques idées : la scène de cul (je me ferais violence aussi), la scène de bataille/lutte (pour arriver à doser), le poème (pour essayer un truc auquel je suis complètement étranger.
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K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Re: Le retour
Oui, je suis en train de me motiver pour tenter aussi la scène d'amour...
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Raven- — — Bouteuse de trains — — Disciple de la présente ligne
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K²- — Kmarade Carré — Rassembleur de points perdus
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Re: Le retour
Une scène très réussie Peut-être quelques phrases un peu longue, comme déjà dit, mais qui aident aussi à l'ambiance générale je trouve J'ai beaucoup aimé !
20 minutes avant la tombe - Confession d'un mort - Les rêveurs de Somnore - La nuit derrière la porte - La dame aux yeux vides
"Je questionnai l'un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu'il n'en savait rien, ni lui, ni les autres; mais qu'évidemment ils allaient quelque part, puisqu'ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher." Baudelaire, Chacun sa chimère
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