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Le défilé

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Le défilé - Page 3 Empty Re: Le défilé

Message par anouk Dim 6 Sep 2015 - 23:03

version ultime prête à intégrer mon nouveau recueil de nouvelles
Le Défilé


Sur la place, la chaleur était accablante. Les représentants officiels se tenaient immobiles, observant un silence solennel. Un échantillon de la population locale triée sur le volet assistait à la cérémonie du 14 Juillet, fête nationale française. C’était le prétexte symbolique pour exprimer une allégeance de bon aloi, fraterniser ou faire semblant, consolider l’entente cordiale de rigueur. Les chefs des différentes communautés devaient se saluer mutuellement. D’un côté, il y avait des uniformes bien repassés, rutilants de décorations militaires, de l’autre, le costume local éclatant de blancheur.
Le soleil était au zénith. La sueur perlait sur les fronts. Ici, aux confins du désert, loin des tumultes urbains, le chergui, ce vent brûlant, s’installait et soufflerait plusieurs jours d’affilée. A l’extérieur du village entouré de remparts, les pistes tracées dans la terre ocre semblaient ne mener nulle part. Il était fréquent de voir un âne famélique chargé de sacs, portant l’homme assis sur son dos tandis que des coups de bâton agaçaient ses flancs. La femme suivait courbée en deux sous le poids des fagots. Derrière elle, parfois, cheminaient les dromadaires à la mine dédaigneuse conduits par un homme venu du grand sud à l’occasion du souk. Les contrastes de couleur rehaussaient la beauté aride du paysage qui s’étendait au pied de l’Anti-Atlas.
La Marseillaise fut chantée puis le silence s’établit, seulement troublé par les assauts du vent et le claquement des drapeaux. Le cortège des officiels se mit en mouvement. L’enfant tenait fermement la main de sa mère, soigneusement gantée de dentelle ivoire. Ebloui par tant de fastes, il ouvrait grand ses yeux. Il reconnut l’uniforme et la musique de la Légion Etrangère. Mais l’enfant savait qu’il ne verrait plus son père parmi les officiers. Ce dernier était parti avec son bataillon en Indochine. Cela faisait maintenant plusieurs années qu’il vivait dans ce pays lointain. Sa mère disait qu’il était prisonnier. L’enfant ne comprenait pas qu’on puisse aller au bout du monde s’enfermer dans des cachots infestés par la malaria et le typhus. Il connaissait ces maladies mortelles. Il avait cherché leur signification dans l’encyclopédie.
Tout à coup, un homme, dissimulé par la capuche de son burnous, l’injuria, lui cracha en plein visage et, en une fraction de seconde, le pénétra d’un doigt vengeur. L’enfant continua à marcher sans se retourner, bouleversé par ce qu’il venait de subir. Il y eut quelques remous dans la foule. La mine impassible, le regard farouche, les indigènes formaient un rang hostile.
La honte, la peur, le secret, la souillure, cet instant effrayant et irréel, ce moment d’horreur muette, le sentiment d’avoir été la cible d’une haine viscérale, tout déferla en même temps dans sa tête. Par crainte de représailles et d’une émeute, il ne dit rien à personne. Le temps se chargea du reste. Il oublia cet acte infâme.

Adulte, il assista en touriste au défilé du 14 juillet sur les Champs Elysées. Le soleil faisait grise mine. Une pluie fine et persistante tombait. Il y avait peu de monde. Les gens boudaient leur Président. Le pays était au plus bas socialement et économiquement.. En entendant la musique de la Légion Etrangère, les images d’un autre défilé surgirent. Il ressentit le même effroi que jadis, la peur des représailles s’il avait parlé et le poids du silence qui l’avait oppressé. Alors il comprit que tout avait été celé malgré lui dans son subconscient. Il put enfin se libérer de ce cauchemar.
Une averse diluvienne l’obligea à se mettre à l’abri. Il prit un verre non loin de là. Lorsqu’il entendit son prénom, il se retourna. Une jeune femme semblait le connaître. Il se leva pour la saluer. Quand elle lui demanda ce qu’il faisait là, il répondit qu’il voulait voir le défilé. De toute évidence, elle était ravie de le rencontrer. Mais lui n’osa pas dire qu’il ne la reconnaissait pas. Des quiproquos se succédèrent, ils en rirent à gorge déployée.
Quelle journée, se dit-il : le hasard aurait-il si bien fait les choses qu’un second souvenir ne demandait qu’à renaître ? Avant de se quitter, ils convinrent d’un prochain rendez-vous. Cela lui donnerait le temps d’interroger sa mémoire défaillante. Il formula secrètement le vœu de ne pas avoir à lui avouer qu’il n’était pas celui qu’elle croyait.





















[J'éprouve un sentiment baigné de chaleur lumineuse et de plénitude. Alors je danse, je danse en écoutant ma musique intérieure.[/i]
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