Hors des lignes

Un petit trip à ne pas prendre au sérieux. Un petit challenge personnel aussi, au passage. Je me suis demandé ce qu'il arriverait si un film comme "Stranger than fiction" ou "Des nouvelles du bon dieu" rencontrait l'univers d'un slasher. La véritable histoire est plus dans ce qu'on s'imagine après la fin du texte à vrai dire...


   — Arrêtez-vous ! Aidez-moi ! Je vous en prie !
    — Que se passe-t-il, mademoiselle ?
    — Il… Il en avait après moi ! Il a un couteau et un masque sur son visage ! Je ne sais pas ce qu’il me veut !
    — Calmez-vous, calmez-vous. Montez dans la voiture, je vous emmène au commissariat… ou à l’hôpital plutôt. Vous semblez avoir perdu beaucoup de sang.  
    — Ne passez pas par cette rue ! C’est de là que je viens. Il pourrait encore y être.
    — D’accord, d’accord. On va devoir faire un petit détour alors… Vous pouvez me dire ce qu’il s’est passé, précisément ?
    — Je rentrais du boulot… J’ai loupé le dernier bus. Alors j’ai marché et… il… a surgi de nulle part. Un masque blanc et un énorme couteau. Des habits blancs aussi… J’ai d’abord cru à un déguisement d’Halloween mais j’ai remarqué qu’il me suivait. Quand j’ai commencé à accélérer le pas, il m’a imité. Quand j’ai couru… il a fait pareil. Il n’y avait que nous dans cette rue. J’ai abandonné mes chaussures après qu’un talon se soit cassé. J’ai voulu utiliser mon portable mais la batterie était morte… Alors j’ai frappé aux portes des maisons ; personne n’a répondu à aucune d’entre elles. A la troisième, j’ai décidé d’exploser une vitre pour rentrer… Évidemment, il m’a suivi dedans et je n’ai pas eu le temps de trouver un téléphone… Je suis monté à l’étage, il a réussi à m’attraper. Et on est passé par la fenêtre du premier étage… J’ai fait croire que la chute m’avait tué. Il allait quand même vérifier la chose… Mais il a dû entendre quelqu’un approcher parce qu’il s’est ravisé à la dernière seconde et est parti en courant. J’ai attendu avant de faire de même, et je suis tombé sur vous.  
    — Vous avez eu de la chance de survivre. Vous avez une idée de qui ce pouvait être ?
    — Aucune… Ce connard d’écrivain n’a pas jugé bon de me faire savoir ne serait-ce que le mobile…
    — « Ce connard d’écrivain » ?
    — Comment vous appelez-vous ?
    — Je… Et bien… C’est une bonne question…
    — J’en étais sûre ! Vous n’en savez rien.
    — Je n’avais pas réalisé avant que vous ne le demandiez… C’est assez étrange…
    — Pas du tout. J’ignore aussi mon nom. Vous savez pourquoi ? Parce que nous n’en avons jamais eu. Moi parce que j’étais simplement destinée à mourir dans les premières pages, et vous parce que vous n’avez jamais fait partie de l’histoire.
    — De l’histoire ?
    — Je n’ai aucun souvenir avant aujourd’hui. Je sais que j’étais au travail toute la journée, mais j’ignore quel est mon boulot. Je sais que j’ai loupé le bus ce soir, mais je n’ai aucune idée de sa ligne, alors que je suis censée le prendre tous les jours. Et je parie que vous n’avez aucun souvenir d’avant notre rencontre.
    — … Effectivement, maintenant que vous le dites.
    — Ça ne peut qu’être ça. Nous sommes dans un roman. Un de ceux où les personnages se font tuer un par un, je suppose. Mais le narrateur a eu la négligence de me laisser pour morte sans que son tueur ne vérifie la chose.
    — Si c’est bien le cas, désolé de vous le dire mais l’assassin va sans doute vouloir réparer son erreur…
    — Il va revenir pour moi… Et peut-être même pour vous si l’écrivain réalise qu’on a tout compris !
    — Comment il ferait ? Vous venez de dire que je n’existe pas et que vous êtes morte dans la première scène.
    — Si j’ai pu comprendre ma situation, le tueur peut en faire autant. Je ne veux prendre aucun risque.
    — Que comptez-vous faire alors ?
    — … Je crois que je n’ai pas le choix. Si on suit la logique de ce genre d’histoires, il y a une héroïne quelque part, qui saura vaincre le tueur. Une survivante.
    — Vous voulez lui demander de l’aide ?
    — Non, pas vraiment… Je compte la tuer pour prendre sa place…

Haha, excellent! 

Je te conseille la lecture d'une nouvelle d'Eimelle (elle passe de loin en loin sur le forum, mais je pense qu'elle te répondra à son prochain passage si tu laisses un petit commentaire), Suicide. Je ne t'en dis pas plus, je voudrais pas te spoiler. Mais ça devrait te plaire!

Je vais voir ça tout de suite !   

Pas mal du tout ... En plus de l'idée originale, j'aime le format "short short story" ... Et si on faisait bientôt un atelier sur cet exercice, la nouvelle ultra-courte ?

Merci.
J'avais dans l'idée d'écrire toute une nouvelle de la sorte, en fait. Mais ne pas utiliser la moindre narration compliquait pas mal les choses et je trouvais que cette intro en tant que telle faisait déjà une sympathique chute. Quoi que, depuis, il m'est venu quelques idées de dialogues qui pourraient servir de suite...

Un atelier nouvelle miniature serait sympa, en effet. Voire même des micro-nouvelles, mais là, ça deviendrait vraiment compliqué.

Pourquoi pas?

On verra ça quand le concours sera vraiment terminé.

Ah, j'ai trouvé ce texte ! Sympa comme tout ! C'est bien le style d'histoire que j'écrirais ! Tu devrais écrire une nouvelle à partir de cela, en y incluant de la narration... Ou en faire une pièce de théâtre ! Bises
Eimelle

Un genre de "Scream" à rebrousse-poil et une chute qui tombe où on ne l'attend pas, bien pensé, Murphy !
Peut-être un léger détail : Comment un personnage sans mémoire peut-il en savoir aussi long sur les us et clichés du roman de genre ?...
J'aurais bien une réponse : atavisme culturel ! Mais quant à savoir ce que ça veut dire...

Merci Eimelle !
Je préfère éviter la narration pour que ça colle avec l'histoire. Ces persos sont des rescapés, des fuyards de l'écrivain, donc ils n'ont pas d'écrivain pour les narrer. (Quand je disais que c'était un trip pas sérieux et un challenge au passage...). C'est marrant d'ailleurs, parce que du même thème, je suis parti sur une absence de narration alors que toi t'as opté pour l'absence de dialogues.
J'ai songé à une suite où ils s'inventent eux mêmes des prénoms et philosophent ; reste à voir si j'en fais quelque chose ou si j'arrête les dégâts à cette scène dans la voiture.

EDIT : Merci, Jack. Je t'avoue que c'est presque un premier jet, je n'ai pas réfléchi plus que ça au contexte. Mais, comme tu dis, on peut supposer que ces persos savent tout ce que leur auteur sait, étant une partie de lui. Sauf qu'ils n'ont pas de noms et ignorent quel est leur travail parce que l'auteur n'y a simplement jamais réfléchi.
C'est aussi à prendre avec beaucoup de second degré. Comme le fait qu'aucun des deux ne remet en doute le fait d'être dans un roman.


Je viens d'ailleurs de penser que ça pourrait être un parfait test de psychopathie. Si vous avez deviné la chute, c'est que vous avez un raisonnement qui fait peur...   

Très bon récit. Bonne idée un atelier short-story.

Non, pas un atelier! Un concours hors-série! Je suis frustrée de rien avoir pu proposer pour ce concours...  

Sinon Murphy, je rejoins Eimelle sur l'idée d'en faire une "vraie" nouvelle, un truc plus long. Ça pourrait envoyer du pâté.

On peut se faire un petit concours hors-série en aout, durant un mois. Ecrire une short-story sur une page maxi avec un thème précis. Trois semaines pour écrire et une semaine de votes. Qui est partant ?

Pour éviter de chercher un thème précis durant de longues discussions, les quatre admins pourraient décider de ce thème et en réserver la surprise aux participants ?

Partant. Traitement libre et chute choc ?

Ouais. Une fin à la Fredric Brown qui déchire sa mère. Ou à la Matheson. C'est vous qui voyez !